Jacques Hirtz : né en 1918 à Paris 5ème ; domicilié à Paris 12ème ; comptable ; communiste ; arrêté le 2 décembre 1941 ; interné aux camps de Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 30 octobre 1942.

Jacques Hirtz est né le 17 juillet 1918 à Paris (5ème). Il habite au 26, bis rue Charles Baudelaire à Paris (12ème) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Samuel et Sophie Hirtz son épouse. Son père est né le 5 mars 1885 à Wintzenheim (Haut-Rhin), alors annexé au IIème Reich allemand. A sa naissance son père est déclaré de religion juive.
Lors du recensement de 1936, la famille Hirtz habite au 26 bis, rue Charles Baudelaire à Paris 12ème.
Ils travaillent tous trois aux établissements M. Meyer, 30, rue Beaurepaire. Son père et sa mère y sont employés de commerce.
Jacques Hirtz est célibataire et travaille comme comptable.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Marius Magnien, © Préfecture police

Jacques Hirtz est arrêté le 2 décembre 1941 dans le quartier-jardin de Reuilly par la police française, à la suite de filatures ayant amené à sa dénonciation (il existe une « note blanche » des Renseignements généraux dans son dossier « statut » au DAVCC).
Jacques Hirtz héberge en effet, au domicile de ses parents, Marius Magnien (1), ancien membre du Comité central du Parti communiste, recherché par la police. Ce dernier vient de quitter cette planque deux jours plus tôt, ayant constaté que l’immeuble était sous surveillance policière.
Jacques Hirtz est écroué au Dépôt de la Préfecture. Le 5 décembre 1941, le Préfet de Police de Paris (François Bard), ordonne – sans jugement, en application de la Loi du 3 septembre 1940 (2) – « l’internement administratif » de Jacques Hirtz.

Avis du 31 décembre 1941

Un avis du 31 décembre 1941 stipule les conditions de son transfert au camp de Rouillé (3) avec 50 autres détenus : « Cinquante internés administratifs actuellement écroués au Dépôt seront transférés samedi
3 janvier 1942 au Centre de séjour surveillé de Rouillé (Vienne). Les internés se répartissent comme suit : 38 internés politiques (RG) et 12 « indésirables » (PJ).
Ils quitteront Paris par la Gare d’Austerlitz à 7h55 (train 3). Le chef du convoi disposera d’une voiture directe avec 10 compartiments. En accord avec M. Le chef de la Gare d’Austerlitz les autocars arriveront par la rue Sauvage et  pourront pénétrer jusqu’à la voie ou sera placé le wagon (voie 23). Le départ est fixé à 7h55, l’arrivée à Rouillé à 18h51. Départ à Poitiers à 18 h 10, arrivée à Rouillé à 18 h 51 (il existe aux archives de la Préfecture de Police un deuxième avis, libellé différemment, mais avec les mêmes chiffres et les mêmes horaires).

Le 3 janvier 1941 Jacques Hirtz est interné au CSS de Rouillé.

Le CSS de Rouillé, in VRID

Le 20 avril 1942, son nom est inscrit sur une des 2 listes de 36 et 20 otages envoyés par les services des districts militaires d’Angers et Dijon au Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF),à la suite de l’attentat contre le train militaire 906 à Caen et suite au télégramme du MBF daté du 18/04/1942. Le Lieutenant-Général à Angers suggère de fusiller les otages dans l’ordre indiqué (extraits XLV-33 / C.D.J.C).
Les noms de cinq militants qui seront déportés avec Jacques Hirtz à Auschwitz figurent également sur ces 2 listes (Alfonse Braud, André Flageolet, Alain Le Lay, René Paillole, André Seigneur).

Début mai 1942, les autorités allemandes (MBF) adressent au commandant du camp de Rouillé (1) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122).
Le nom de Jacques Hirtz (n° 98 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Jacques Hirtz est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45 663 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique très plausible, ne peut être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour cinq noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette biographie pourrait désormais en fournir la preuve.
Arrêté et déporté comme communiste, il reçoit pourtant l’étoile jaune réservés aux détenus juifs d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, dontv tous les déportés juifs du convoi, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Arrêté et déporté comme communiste, il reçoit l’étoile jaune réservés aux détenus juifs d’Auschwitz

Quoique déporté comme communiste, il reçoit l’étoile jaune réservés aux détenus juifs d’Auschwitz : il sera donc maintenu au camp de Birkenau.
Lire dans le site, Les déportés juifs du convoi 

Jacques Hirtz meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 452 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il était mentionné avec ses dates, lieux
de naissance et de décès, et avec l’indication « Mosaisch » (Juif), avant la transformation du site internet d’Auschwitz, où ces mentions ne figurent plus.

Son acte de décès du 21 décembre 1962 porte la mention « mort à Auschwitz le 1er novembre 1942″. Jacques Hirtz est déclaré « Mort pour la France » le 26 février 1964 et homologué « Déporté politique ». Un arrêté ministériel du 6 juillet 1993 paru au Journal Officiel du 28 janvier 1994 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès.

Marius Magnien © PP

Note 1 : Marius Magnien est rédacteur à l’Humanité avant la guerre, chef de la rubrique de politique étrangère. En 1943, il succède à Fernand Grenier à l’Association France-URSS, ce dernier représentant à Londres le Parti communiste auprès du général de Gaulle.
Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
Note 4 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps, ou étaient hospitalisés.

Sources  

  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1982).
  • Acte de décès établi le 21 décembre 1962 (mairie du 12ème).
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau /© collection André Montagne.
  • Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Marius Magnien, fiche de police en 1941 © Archives de la Préfecture de police de Paris.
  • © Le CCS de Rouillé. In site Vienne Résistance Internement Déportation.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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