Adrien Orsal : né en 1904 à Paris 11ème où il habite ; aide restaurateur ; communiste ; arrêté le 9 octobre 1941 ; interné à la prison de Fresnes, puis au camp d’Aincourt ; puis à la prison de Rambouillet, et ensuite aux camps de Gaillon et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 27 octobre 1942.

Adrien Orsal est né le 27 mai 1904 au domicile de ses parents au 141, rue du Chemin vert à Paris 11ème. Au moment de son arrestation, célibataire, Adrien Orsal est officiellement domicilié dans le même arrondissement, chez ses parents, au 119, rue Saint Maur, mais habite en fait chez son amie, Mme Suzanne Cormier, âgée de 32 ans, au 1, passage de la Fonderie. Il est le fils de Marie, Jeanne, Rosalie Coulet, 21 ans, et de Pierre, Jean Orsal, 32 ans son époux. Ses parents sont marchands de vins, puis restaurateurs. Ils se sont mariés le 12 juillet 1903 à Le Nayrac (Aveyron), d’où est native sa mère. Adrien Orsal a deux frères cadets : Georges (né en 1911, décédé en 1983) et Jean (né en 1915, décédé en 2012) et trois demi-sœurs et frère aîné.e.s (Louis, né en 1899), Marie (née en 1900) et Henriette (née en 1902).
Adrien Orsal est titulaire du Certificat d’Etudes primaires. Il aide ses parents dans leur commerce de restauration (il indique comme profession restaurateur). Appelé au service militaire en 1924 (4èmebureau de la Seine) il en est exempté. Il est possible qu’il ait eu une infirmité (on en trouve mention sur une
fiche de police).
Il est membre du Parti communiste depuis 1935 et adhérent aux « Amis de l’URSS ».

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Dès le début de l’Occupation Adrien Orsal continue une activité militante clandestine dans son quartier. En novembre 1940, c’est à la suite de la recrudescence « de la propagande clandestine communiste dans les arrondissements de la rive droite, et plus particulièrement dans le 11ème » que le commissaire principal André Baillet, créateur de la Brigade Spéciale des Renseignements Généraux, fait procéder à la filature des  anciens adhérents de l’ex-Parti communiste, connus des services de Police (Lire dans le site: La Brigade Spéciale des Renseignements généraux).

Extrait du PV d’interrogatoire du 23 novembre 1940
Main courante de la BS

Les inspecteurs des RG soupçonnent Adrien Orsal d’être un des auteurs de cette
propagande.
Filé, il est arrêté le 23 novembre 1940 par trois inspecteurs des
RG pour activité communiste.
La fouille à laquelle il est soumis révèle qu’il a
sur lui un tract ronéotypé intitulé « 
Pour la défense de la Science Française » et «une lettre à lui adressée par l’ex-député communiste Lozeray (1) alors détenu à la prison de la Santé ». Une perquisition ordonnée au domicile de son amie « la dame Cormier » au moment de l’arrestation de celle-ci amène la découverte « d’un rouleau de tracts ronéotypés et imprimés comprenant quatre tracts « l’Humanité », trois tracts « La voix de Paris » et deux tracts « Lettre à un travailleur socialiste », ainsi que du papier pelure et du papier carbone ». Au domicile des parents d’Adrien Orsal, les inspecteurs trouvent « un certain nombre de brochures communistes, du papier blanc et un jeu de lettres en tôle » qu’ils saisissent.
Lors de son interrogatoire par le commissaire Baillet, Adrien Orsal reconnait son ancienne appartenance au Parti communiste et aux « Amis de l’URSS », mais nie avoir eu une activité politique depuis la dissolution du PC. Concernant le tract saisi sur lui, il affirme qu’il lui a été remis dans la rue par un inconnu… Quant à ceux trouvés chez son amie, il dit qu’ils lui ont été remis par un nommé Georges, pour qu’il les lise « je les ai mis dans ma poche sans même défaire le paquet, il y a trois semaines ». Pour le papier blanc et le papier pelure saisis chez son amie, il dit qu’il l’a depuis deux ans et
qu’il s’en sert « pour faire ses comptes et diverses écritures ». Son amie Suzanne Cormier déclare quant à elle « n’avoir jamais milité en aucune façon et tout ignorer de l’activité de son ami ».

PV d’inculpation le 24 novembre 1940

Le 24 novembre 1940 le commissaire principal André Baillet les inculpe tous deux
d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt de la Santé à la disposition du Procureur de la République.
Deux jours plus tard, le 25 novembre 1940, Adrien Orsal comparaît devant la 12ème
chambre du Tribunal correctionnel de la Seine.
Il est condamné à six mois de prison.
Il est écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes.
A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, il n’est pas libéré.
Le Préfet de police de Paris, Camille Marchand, ordonne son internement administratif le 8 avril 1941, en application de la Loi du 3 septembre 1940 (2).
Le 21 avril 1941, Adrien Orsal est transféré avec dix autres d’autres internés du Dépôt au “centre de séjour surveillé” d’Aincourt.

Adrien Orsal interné à Aincourt

Il y a parmi eux Roger Ginsburger (alias Pierre Villon), le compagnon de Marie-Claude Vaillant-Couturier.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt .
Sa mère décède le 10 mai 1941 à Paris 11è.
Le 24 juin 1941, Adrien Orsal fait partie d’une trentaine de « meneurs indésirables » écroués à la Maison d’arrêt de Rambouillet, à la suite d’ « actes d’indiscipline » collectifs (il s’agit d’incidents qui les ont opposés aux partisans de Gitton (3). Il y avait eu déjà un premier transfert à la suite
d’incidents analogues les 5 et 6 avril. 28 communistes étaient alors transférés à la centrale de Poissy, puis le 8 mai au camp de Châteaubriant).

Le camp de Gaillon
Le site du camp de Gaillon

Le 27 septembre 41, Adrien Orsal est transféré de Rambouillet au Centre d’internement administratif (CIA) de Gaillon (4), avec 22 autres internés administratifs de la Seine (et 37 venant de Clairvaux), liste des RG du 31 octobre.
Adrien Orsal est affecté au 2èmeétage du bâtiment F, chambre 4, lit 46.

Le 5 mars 1942, Adrien Orsal est remis aux autorités d’occupation à leur demande, avec 15 autres internés administratifs de Gaillon (dont neuf seront déportés à Auschwitz avec lui).

Ils sont conduits en autocar au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Adrien Orsal est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45938 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la
persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette biographie pourrait désormais en fournir la preuve.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Adrien Orsal meurt à Auschwitz le 27 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 889 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « glaubenslos » (athée).
Un arrêté ministériel du 18 janvier 2011 paru au Journal Officiel du 127 février 2011 porte apposition de la mention «Mort
en déportation
» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais il comporte une date erronée : « décédé fin décembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Plaque au 119, rue Saint-Maur

Adrien Orsal a été déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ».
La carte de Déporté est remise à son père.
Une plaque a été ré-apposée à son domicile au 119, rue Saint-Maur (un immeuble rénové) « Ici habitait Adrien Orsal, mort au camp d’Auschwitz pour que vive la France ».

  • Note 1 : Elu en 1936 Député du quartier de la Folie Méricourt (Paris 11ème). Le 8 octobre 1939, Henri Lozeray fut arrêté avec un grand nombre de députés communistes pour avoir participé à la constitution du « Groupe ouvrier et paysan français ». Déchu de son mandat parlementaire le 21 janvier 1940, il fut condamné à cinq ans de prison, 4 000 francs d’amende et cinq ans de privation de droits civiques par le tribunal militaire de Paris. Il fut transféré à la prison de Poitiers en mai, puis interné en Algérie, à Maison-Carrée, d’où il fut libéré le 5 février 1943 (Claude Pennetier Le Maitron).
  • Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 3 : Marcel Gitton, secrétaire national à l’organisation, rompt avec le Parti communiste après la signature du Pacte germano-soviétique le 23 août 1939. Il crée le POPF, parti proche de la «Révolution nationale». «Il voulait rassembler les dissidents communistes autour de lui et se fixa comme une priorité absolue la libération d’un maximum d’internés après, s’entend, les avoir récupérés. (…) Quant au directeur du camp d’Aincourt, il comprit le parti qu’il pouvait en tirer (…). Le POPF suscita ainsi, avec le soutien du chef du camp, une véritable dissidence parmi les internés d’Aincourt. Effectivement, les tensions furent très importantes au sein du camp et les nombreux indicateurs permirent de démanteler trois directions communistes clandestines (…). Le résultat était là : selon un rapport en forme de bilan, le chef d’Aincourt estimait, en février 1942, à quelque 150 le
    nombre de membres du POPF, soit 13 % des internés passés par le camp. En outre, la moitié des signataires de la première «Lettre ouverte aux ouvriers communistes» du POPF et le cinquième de la seconde étaient des anciens du camp. On mesure l’ampleur de la fracture, même si les déclarations de reniement méritent d’être nuancées à l’aune du marché implicite. En fait, la libération obtenue au prix d’un reniement officiel et du soutien des gittonistes ne déboucha que pour une petite minorité sur un engagement au sein du POPF »
    (Denis Peschanski, in « La France des camps », p. 515 à 517).
  • Note 4 : Après avoir hébergé des réfugiés espagnols en 1939, le château de Gaillon est, à partir de 1941, aménagé en centre de séjour surveillé. De septembre 1940 à février 1943, sont internés sur arrêtés préfectoraux des communistes, quelques gaullistes, des juifs et étrangers, des coupables d’infractions à la législation sur le ravitaillement (marché noir et abattage clandestin). On y interne les hommes de 1941 à septembre 1942, les femmes ensuite.

Sources  

  • Etat civil de la Mairie du 11ème.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • © Carton Brigades Spéciales des Renseignements généraux (BS1), aux Archives de la Préfecture de police de Paris. Procès-verbaux des
    interrogatoires
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2013, notice Claude Pennetier
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • © Internés au camp de Gaillon / Archives de la Préfecture de police / BA 2374
  • Plan du camp de Gaillon © Archives de l’Eure.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Montage photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial  © Pierre Cardon
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau /© collection André Montagne.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Plaque in site « Les plaques commémoratives, sources de Mémoire« .

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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