René Dufour le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Matricule « 45.498 » à Auschwitz

René Dufour : né en 1903 à Guignes-Rabutin  (Seine-et-Marne) ; domicilié à Epinay-sur-Seine (Seine) ; laitier, maçon ; sympathisant communiste ; arrêté le 5 décembre 1940 ;  interné aux camps d'Aincourt, Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 9  septembre 1942.

René Dufour est né le 17 décembre 1903 à Guignes-Rabutin  (Seine-et-Marne). Il habite au 70, rue de Paris à Epinay-sur-Seine (Seine / Seine-Saint-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Caroline, Léonie Dufour, 23 ans, domestique et de François Dufour, 26 ans, domestique, son époux.
En 1924, il s’inscrit sur les listes électorales d’Epinay, domicilié au 19, rue du Plateau. Il exerce alors la profession de laitier.
Le 12 décembre 1925, il épouse Yvonne, Marie Bourgeaut (1) à la mairie de Maisse (ancienne Seine-et-Oise / Essonne). Elle  est née le née le 9 février 1909  à Maisse. Le couple aura deux enfants.

Les cokeries de la Seine, années 30

Il est ouvrier maçon aux Cokeries de la Seine à Villeneuve-la-Garenne, ouverte en 1929, boulevard Dequevauvillier.
René Dufour est sympathisant communiste selon André Clipet (2). Il est un « meneur communiste actif » selon les renseignements généraux. En 1936, le couple habite au 14 avenue du Grand Sentier à Epinay.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande occupe Drancy et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Dufour est arrêté le 5 décembre 1940 au cours d’une rafle qui concerne 58 militants communistes de la région parisienne. D’abord conduit à la caserne des Tourelles (boulevard Mortier à Paris 20ème) Georges René Dufour est interné administrativement avec 57 autres militants au camp de « Séjour surveillé » d’Aincourt, ouvert le 5 octobre 1940 par le gouvernement de Vichy pour y enfermer les communistes du département de la Seine. Lire dans le site Le camp d’Aincourt .

Interné le 6 décembre à Aincourt

Sur la liste « des militants communistes internés le 6 décembre 1940» reçue des Renseignement généraux par le directeur du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour René Dufour on lit : «meneur communiste actif ».

A l‘hiver 1940, André Clipet (2) se souvent d’avoir distribué des subsides aux familles d’internés au nom du Secours populaire clandestin, en particulier à Yvonne Dufour.

Camp de Voves @ AMREL

Le 5 mai 1942, René Dufour est transféré au « Centre de Séjour Surveillé » de Voves (Eure-et-Loir)avec un groupe de 149 internés en provenance d’Aincourt. Il n’y reste que cinq jours. Lire dans ce site : Le camp de Voves

Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France.
Le nom de René Dufour figure sur la première liste de 81 noms qui vont être transférés le 10 mai 1942 au camp allemande de Compiègne, le Frontstalag 122.
. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Dufour est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

René Dufour est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45498» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais – sera désormais sa seule identité pour ses gardiens.

Sa photo d’immatriculation (4) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

René Dufour meurt à Auschwitz le 9 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch »
(catholique).

Un arrêté ministériel du 14 février 1989 paru au Journal Officiel du 24 mars 1989 porte apposition de la mention «Mort en
déportation
» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté qui corrige le précédent qui indiquait « mort le 6 juillet 1942 à Compiègne » mentionne néanmoins encore une date erronée : « décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz », soient les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quant à la date réelle de décès à Auschwitz. Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès
de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article
expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès
des « 45000 » à Auschwitz
.

Monument aux morts pour la France

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune d’Epinay honoré parmi les « morts pour la France 1939-1945 ».
Cinq autres spinassiens ont été déportés à Auschwitz dans le même convoi : Fernand Godefroy, Ernest Gourichon, Henri Pernot, Maurice Sigogne, Stanislas Villiers.
René Dufour a été déclaré « mort pour la France », homologué « Déporté politique ».

  • Note 1 : Sa veuve s’est remariée en 1966 avec François Vandenhove. Elle est décédée en 1971
  • Note 2 : André Clipet, militant communiste d’Epinay a connu certains des 6 déportés spinassiens et a
    rédigé des notes manuscrites pour chacun d’eux à partir de ses recherches auprès de la section des déportés d’Epinay fournies par M. Kléber His. Elles ont été transmises le 21 janvier 1988 à André Montagne par Mme Ghislaine Villiers, fille Stanislas Villiers, un des 6 déportés d’Epinay.
  • Note 3 : Les 10 et 20 mai 1942, 109 internés sont transférés à destination de Compiègne-Royalieu (Oise). 93 font partie du convoi dit des « 45 000 » du 6 juillet 1942 dirigé sur Auschwitz-Birkenau le 6 juillet 1942. On compte 6 survivants en 1945 (notes de Stéphane Fournas).
  • Note 4: 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Notes d’André Clipet.
  • Les cokeries de la seine @ Blog de Villeneuve la Garenne.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai  1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau /©collection André Montagne.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Monument aux morts d’Epinay © Geneanet

Notice Biographique mise à jour en 2014, 2019 et 2022 à partir de la notice succincte que j’avais préparée à l’occasion du 60ème anniversaire
du départ du convoi et publiée dans la brochure éditée par le Musée d’histoire vivante de Montreuil. Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du  blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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