Pierre Piazzalunga : né en 1912 à Paris 14è ; domicilié à Bondy ; communiste, volontaire dans les Brigades internationales ; interné à la caserne des Tourrelles et au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.
Louis Pierre (1) Piazzalunga est né au 26, rue Gazan à Paris 14è, le 26 février 1912. Au moment de son arrestation, il habite une maisonnette au 14, avenue des Mesarmes à Bondy (Seine / Seine-Saint-Denis) où une petite colonie d’immigration italienne existe depuis les années 1920.
Il est le fils d’Edith, Julienne, Marthe Piazzalunga, 17 ans. Sa mère habite 78, rue de Fontainebleau à Bicêtre, où elle est journalière.
Il travaille comme terrassier. En 1935, il s’inscrit sur les listes électorales de Bondy, où il est domicilié au 6, avenue des Mesarmes (quartier Jaurès). Il travaille alors comme couvreur.
En 1936, Pierre Piazzalunga vit maritalement avec Germaine Langlois. Elle est née le 15 août 1909 aux Pavillons-sous-Bois (à l’époque domiciliée chez ses parents, Villa des Murier rue Paul Dupont) Le registre du recensement de 1936 la présente comme épouse, mais le mariage n’aura lieu qu’en 1939. Il est alors plombier au chômage. Le couple a deux enfants, Louise-Berthe, qui est née le 25 juin 1931 à Livry-Gargan, et Louis-Pierre, le 17 avril 1937 à Bondy.
Pierre Piazzalunga s’engage dans les Brigades Internationales durant la guerre d’Espagne. Il est possible qu’il ait été intégré dans la 12è Brigade au sein du bataillon Garibaldi, car il est rapatrié pour raisons de famille (son fils est né trois mois avant) le 18 juillet 1937 depuis la base d’Albacete, où il est mentionné comme « italien ».
Il est connu des services des Renseignements généraux à son retour en France, comme ancien brigadiste. Conscrit de la classe 1932 (ramené à la classe 1928 comme père de 2 enfants), il est mobilisé il est mobilisé en septembre 39 jusqu’au 14 août 1940 et décoré de la croix de guerre avec palme.
Il épouse Germaine Langlois le 11 février 1939 à Bondy.
La 29e Division d’infanterie se bat depuis le 5 juin 1940. La bataille se joue à Sevran, Livry-Gargan, Vaujours puis au Vert-Galant. La compagnie Gillot se regroupe à l’entrée des Pavillons-sous-Bois et bloque les troupes nazies pendant presque 24 heures. 9 soldats allemands sont tués. En représailles dans la nuit du 13 au 14 juin, les troupes nazies procèdent à l’arrestation de nombreux civils dans le secteur du Vert-Galant. Quinze d’entre eux sont fusillés. Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pierre Piazzalunga est arrêté comme ancien brigadiste le 24 décembre 1941 à Bondy.
Ce jour-là, vers 6 heures du matin débute une vague d’arrestations organisées par la police française à l’encontre d’anciens volontaires des Brigades internationales connus des services de police. La veille, les commissariats concernés ont reçu des instructions précises des Renseignements généraux concernant leur arrestation (document ci-contre). Pierre Piazzalunga est conduit avec ses camarades à la caserne des Tourelles (2) le même jour.
Le 26 décembre 1941, le Préfet de police de Paris François Bard, ordonne son internement administratif au Centre de Séjour Surveillé des Tourelles (Paris 20è).
Pierre Piazzalunga va y subir avec ses camarades les conditions épouvantables imposées à des internés dont le nombre variera de 400 à 600 personnes. A cela s’ajoute une sous-alimentation chronique entraînant bon nombre de maladies : entérites gastro-intestinales, affections cardiaques, tuberculose.
Parmi les 20 brigadistes de la région parisienne déportés à Auschwitz dont nous connaissons pour le moment les dates d’arrestation, 7 autres de ses camarades sont arrêtés dans la même période. Il s’agit de Jean
Cazorla d’Aubervilliers, Elie Delville de Paris 19ème, Fernand Godefroy d’Epinay , Maurice Fontès de Choisy, Raymond Legrand de Paris 3ème,
André Steff de Vanves, Fernand Tilliet de Vanves.
Le 5 mai 1942, à la demande des autorités allemandes, Pierre Piazzalunga est extrait du Centre de séjour surveillé des Tourelles avec un groupe « d’internés administratifs de la police judiciaire », classés comme « indésirables » (3). Ils sont convoyés par des gendarmes français à la gare du Nord. Mis à la disposition des autorités allemandes, ils sont internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le jour même en tant qu’otages. Les « indésirables » des Tourelles seront tous déportés le 6 juillet 1942.
A Compiègne, Pierre Piazzalunga reçoit le matricule n° 5189. Il passe par le bâtiment C1 où sont installées les douches et qui sert de centre de triage,
avant de passer la nuit au C5. Il est ensuite affecté à un autre bâtiment.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Pierre Piazzalunga est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45 981 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz r.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Pierre Piazzalunga meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 926 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau)
où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Il convient de souligner que cent quarante-huit «45 000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site :Des causes de décès fictives.
Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) à partir des témoignages de rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Pour Pierre Pazzalunga cette date a été fixée au 15 janvier 1943 (à partir des témoignages d’Henri Gorgue, ancien brigadiste et Raymond Saint Lary).
Un arrêté ministériel du 31 juillet 1997 paru au Journal Officiel du 14 décembre 1997 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs et reprend la date fictive du 15 février 1943 à Auschwitz (arrêté commun à d’autres « 45000 »). Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte, par un nouvel arrêté, les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945, et qui sont
accessibles depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau
Voir l’article :Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.
Son épouse, qui habite alors au 20, rue des Mesarmes, engage en 1957 des démarches pour qu’il soit homologué « Déporté Résistant ». Comme pour beaucoup d’autres « 45 000 » cette demande est refusée par la commission.
Lire dans le site « La carte de « Déporté-Résistant ».
Pierre Piazzalungaest homologué « Déporté politique ».
- Note 1 : Son premier prénom est Louis pour l’Etat civil. Il figure ainsi sur le site Internet officiel © Legifrance. Mais pour les RG aux Tourelles et lors de son enregistrement à Auschwitz, il a donné Pierre comme prénom (livre des morts), c’est donc ce prénom que nous avons retenu.
- Note 2 : La caserne des Tourelles, « Centre de séjour surveillé » : Ouvert d’abord aux Républicains espagnols, entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les « indésirables » français : communistes, gaullistes et autres patriotes (on ratissait large), juifs saisis dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir). France Hamelin in Le Patriote Résistant N° 839 – février 2010. Ce Centre de séjour surveillé fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. En 1942, deux bâtiments seulement étaient utilisés, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient entourés de fil de fer barbelé. Chaque bâtiment disposait de 3 WC à chasse d’eau, largement insuffisants. Des latrines à tinette mobile étaient en outre disposées dans l’étroit espace réservé à la promenade. La nuit, une tinette était placée dans chaque dortoir … © In site Internet Association Philatélique de Rouen et Agglomération.
- Note 3 : « Indésirables » : des militants communistes (dont plusieurs anciens des Brigades Internationales) et des « droits communs ».
Sources
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche et dossier individuel consultés en octobre 1992.
- Mairie de Bondy (1990).
- Archives de la Préfecture de police, cartons occupation allemande, Carnet BA 1837 et BA 2447.
- Fonds des Brigades internationales du RGASPI. Mfm 880. BDIC.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Legifrance.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique notice rédigée pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com