Albert Beugnet : né en 1902 à Béthune (Pas-de-Calais) domicilié à Drancy (Seine-Saint-Denis); cheminot, chef de train ; militant syndical et communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 21 août 1942.
Albert Beugnet est né le 15 novembre 1902 au domicile de ses parents, rue de Lille à Béthune (Pas-de-Calais).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 63, rue du Général Lambert à Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Il est le fils de Joséphine, Zéphirine, Uranie Delahaye, 32 ans, sans profession, née à Buire le Sec (Pas-de-Calais) en 1870 et d’Alfred, Louis, Isidore Beugnet, 31 ans, typographe, son époux, né à Montreuil (ville voisine du Pas-de-Calais) en 1871.
Il a un frère aîné, Paul, né le 26 février 1877 à Montreuil (décédé en 1981 à Nîmes).
En 1911, la famille est domiciliée au 118, rue d’Hestin à Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais).
Le 10 octobre 1925 à Drancy, il épouse Marie, Lydie, Berthe Lagniez, née le 23 janvier 1902 à Moncheaux-les-Frévent (Pas-de Calais). Sans profession, elle est domiciliée au 22, cité Dupire à Saint-Pol-sur-Ternoise.
Le couple a un garçon, Albert, qui nait le 6 février 1923.
Albert Beugnet s’inscrit sur les listes électorales de Drancy en 1928, où il est domicilié au 97, rue de l’Isle.
Il est cheminot, « chef de trains » à la gare du Bourget-triage, pour la région Nord, avec Henri Gateau et Gabriel Lamblin. Ils sont militants syndicaux et membres du Parti communiste.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande occupe Drancy et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
L’ancienne cité de la Muette est occupée dès le 14 juin par les troupes allemandes : les lieux servent de camp d’internement pour des prisonniers de guerre et des civils étrangers (Frontstalag 111). La Préfecture de police y crée le 20 août 1941 un camp destiné aux Juifs. 4.230 hommes dont 1500 Français, raflés à Paris entre le 20 et le 25 août, sont les premiers internés juifs du camp de Drancy.
Le premier octobre, il est signalé avec d’autres militants de l’ex Parti communiste par le commissaire de police de la circonscription de Pantin comme « continuant, malgré la dissolution de ce parti, à se livrer à une intense propagande clandestine ».
Le 5 octobre 1940, Albert Beugnet est arrêté avec Henri Gateau et Gabriel Lamblin (eux aussi chefs de trains à Drancy) et le même jour que Jules Crapier (1), par la police française dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne : les militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars à Aincourt. Le Préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevallier, fait exécuter une rafle identique à celle de Paris dans son département. Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.
Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» envoyée par les Renseignements généraux au directeur du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7).
Pour Albert Beugnet on lit : «38 ans. Se livre à la propagande clandestine ». Il a le n° de dossier 82.709.
Le 6 septembre 1941, Albert Beugnet est transféré avec 148 autres internés venant du camp d’Aincourt au CIA de Rouillé.
Lire dans ce site : le camp de Rouillé
Le 14 octobre, le directeur du CIA de Rouillé demande au Préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé un mois auparavant, dont celui d’Albert Beugnet (C 331/24), pour lesquels il n’a « aucun document ».
Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre. On y retrouve la même formulation des RG, cette fois-ci à l’imparfait « se livrait à la propagande clandestine ».
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122).
Le nom d’Albert Beugnet (n° 33 de la liste) y figure. Et le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (3) qu’il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne.
La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Albert Beugnet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45243 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr
en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette notice biographique pourrait désormais en fournir la preuve.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Albert Beugnet meurt à Auschwitz le 21 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 83 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (Catholique).
Un arrêté ministériel du 28 mai 2008 paru au Journal Officiel du 4 juin 2008 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais il comporte une date erronée : « décédé en janvier 1943
à Auschwitz (Pologne) » qui reprend celle, fictive, apposée sur son acte de naissance le 28 février 1947.
Il serait souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultable sur le site internet du© Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz..
Albert Beugnet est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté politique ».
Albert Beugnet est homologué (GR 16 P 57160) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
En 1952, la municipalité de Drancy a donne son nom à l’ancienne avenue Georgette.
Son nom est gravé sur la plaque commémorative dédiée aux déportés, apposée à l’entrée de la mairie. Il est également gravé avec ceux de François Garcia, Henri Gateau, Gabriel Lamblin et Jules Mailly sur la stèle au triage du Bourget « Aux agents résistants de la gare du Bourget morts pour la France », sur la stèle en gare des voyageurs du Bourget « A la mémoire des agents de la S.N.C.F. morts par faits de guerre ».
Son épouse est décédée en 1990 à Séclin (Nord).
- Note 1 : Gabriel Lamblin, né le 17 mars 1901. Déporté à Neungamme. Jules Crapier, secrétaire général des cheminots CGT, organise les comités populaires cheminots sur la région parisienne en 1940.
- Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
Sources
- Archives en ligne de la ville de Béthune.
- Courrier du Maire de Drancy, Maurice Nilès, juillet 1992.
- Livres des Morts d’Auschwitz, Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau, 1995.
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, pages 61 et 64.
- Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande. Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
- Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993 par André Montagne .
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Legifrance.
- © Site Internet MemorialGenWeb.
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau /© collection André Montagne.
- Plaque de rue © Google Maps.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com