Gaston Jouy : né en 1917 au Canet-de-Salars (Aveyron) ; domicilié à Rosny-sous-Bois (Seine - Seine-Saint-Denis) ; peintre, puis cordonnier ; membre des jeunesses communistes ; arrêté le 1er août 1940 ; condamné à 10 mois de prison (Santé) ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 9 septembre 1942.
Faustin (dit Gaston) Jouy est né le 30 octobre 1917 au Canet-de-Salars (Aveyron).
Il habite au 7, rue des Berthauds à Rosny-sous-Bois (Seine / Seine-St-Denis) au moment de son arrestation (sa fiche au DAVCC indique le N°3 ou le 7, mais c’est bien le n°7 qui figure sur la liste des RG envoyée aux camps d’Aincourt et de Rouillé).
Il est le fils de Louise Bedos, 35 ans et de Faustin, Urbain, Mathurin, Jouy, né en 1880, 37 ans, plâtrier, son époux. Ses parents habitent au hameau de Lestang, commune du Canet-de-Salars. Il est le cadet d’une fratrie de quatre enfants : Faustin, né en 1911, Marcel, né en 1914, et Georgette, née en 1916.
Lors du recensement de 1921, les quatre enfants vivent chez leur grands-parents maternels (Louis Bedos est cultivateur), au lieu-dit Lestang au Canet.
En 1936, Gaston Jouy habite avec son père et son frère cadet Bernard au n° 5-7 rue des Berthauds. Son père travaille comme peintre et son fils Gaston est lui aussi ouvrier peintre. Il est membre des Jeunesses communistes avant-guerre.
En 1939, il s’inscrit sur les listes électorales de Rosny-sous-Bois. Il exerce alors la profession de cordonnier.
Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Pantin. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Rosny dépend d’une Kommandantur installée à Nogent-sur-Marne.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
On sait seulement que Gaston Jouy est arrêté par la police française le premier août 1940 (selon Mme Beaulieu, mère d’un des jeunes communistes arrêtés en même temps que lui), pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (une distribution de tracts selon madame Monique Houssin). « Le 1er août 1940, René Beaulieu, militant des Jeunesses communistes, est arrêté après une distribution de tracts dans les boites aux lettres de Rosny. Il fut arrêté en même temps qu’Albert Rosse, Faustin Jouy (dit Gaston) et Eugène Omphalius…» (in Monique Houssin : Résistantes et Résistants en Seine-St-Denis, le témoignage de Mme Beaulieu et Le Maitron qui indique le 2 août).
C’est la même période d’arrestation que celles de trois autres jeunes Rosnéens : René Beaulieu, Eugène Omphalius et Albert Rossé. D’abord interrogé au commissariat de Noisy-le-Sec, Gaston Jouy et ses camarades sont déférés à la disposition du Procureur.
Il est écroué à la maison d’arrêt de la Santé du 30 juillet au 15 octobre 1940 (comme son propre fils fils selon Mme Beaulieu).
Le 22 octobre 1940, Gaston Jouy est placé sous mandat de dépôt à la Santé en attente de jugement. Il est transféré au dépôt de la Préfecture le 9 novembre 1940.
Il passe en jugement le 8 février 1941 avec cinquante jeunes communistes, filles et garçons (dont René Beaulieu, Eugène Omphalius et Albert Rossé), devant la chambre des mineurs de la 15° Chambre Correctionnelle de la Seine.
Il est condamné à 10 mois de prison. Le Préfet de police de Paris, Camille Marchand, ordonne alors son internement administratif en application de la Loi du 3 septembre 1940 (2). Le 19 mars 1941 il est transféré au dépôt de la Préfecture. Le 21 avril il est interné administrativement au camp d’Aincourt.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt.
Sur une liste manuscrite des Renseignements
généraux envoyée au directeur du camp d’Aincourt, on peut lire : « Meneur communiste actif, condamné le 8-2-41
par la 15ème chambre à 10 mois de prison, pour infraction au décret du 26 septembre 1939».
Le 6 septembre 1941, Gaston Jouy est
transféré au camp de Rouillé (4), au sein d’un groupe de 149 internés.
Le 14 octobre, le directeur du camp demande au Préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé un mois auparavant, dont celui de Gaston Jouy. Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre.
Pour Gaston Jouy, la réponse des RG est identique à celle apportée au directeur du camp d’Aincourt « «Meneur communiste actif, condamné le 8-2-41 par la 15ème chambre à 10 mois de prison, pour infraction au décret du 26 septembre 1939».
Le18 mars 1942 Gaston Jouy est transféré au camp de Compiègne : à la demande des autorités allemandes il fait partie d’un groupe de 15 communistes (5) âgés de 21 à 35 ans transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otages.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Gaston Jouy est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Le numéro «45693 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée ci-contre pourrait désormais en fournir la preuve.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Gaston Jouy meurt à Auschwitz le 9 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 520 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « glaubenslos » (athée). Albert Rossé a témoigné de sa mort à la Libération, « vers le mois de septembre 1942 ». C’est ce témoignage qu’a retenu l’Etat civil français à la Libération.
Un arrêté ministériel du 14 septembre 1994, paru au Journal Officiel du 21 octobre 1994 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté indique « décédé en septembre 1942 à Auschwitz ». Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau) et sur internet. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Gaston Jouy est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté politique ».
Son nom est honoré sur la plaque installée dans l’ancien cimetière de Rosny à l’initiative de la FNDIRP en mémoire des 56 rosnéens arrêtés par les autorités allemandes et dont 22 ne sont pas rentrés des camps où ils ont été déportés.
- Note 1 : Le 1er août 1940, Gaston Jouy est arrêté par la police française «en même temps que lui René Beaulieu, René Rosse, et Eugène Omphalius militants des Jeunesses communistes, sont
arrêtés après une distribution de tracts dans les boites aux lettres de Rosny. (D’après Monique Houssin, in Résistantes et Résistants en Seine-St-Denis, p. 174, le témoignage de Mme Beaulieu et Le Maitron qui indique le 2 août). - Note 2 : Leurs avocats, Antoine Hajje, Georges Pittard et Michel Rolnikas sont arrêtés en juin 1941. Ils sont eux-aussi internés à Compiègne et fusillés le 20 septembre 1941.
- Note 3 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Les premiers visés sont les communistes.
- Note 5 : Il s’agit de Marcel Algret, Maurice Alexis, Henri André, Jean Bach, Roger Desjameau, Louis Faure, René Faure, Georges Guinchan, Gaston Jouy, Henri Migdal, René Louis, Marcel Nouvian, Roger Tessier qui seront tous déportés à Auschwitz. Jean Valentin sera déporté à Buchenwald. André Giraudon sera fusillé à Compiègne le 10 mai 1942.
Sources
- Recensement de Canet de Salars (1911 et 1921).
- ACVG Val de Fontenay, février 1992, relevé d’André Montagne. Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993
- Mairie de Rosny, 9 mars 1992. Société d’Histoire de Rosny, correspondance avec MM. N. Paillot et A. Buisson (mai 1992).
- Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Legifrance.
- Archives départementales de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, cartons occupation allemande, Carnet B, BA 1774.
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com