Piotr Silvanovicz : né en 1903 dans le district de Vilno (Pologne) ;  domicilié à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) ; manœuvre ; arrêté le 3 mars 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942 

Piotr Silvanovicz est né 13 octobre 1903 à Cyncerowicze (selon l’état civil d’Auschwitz) dans le district de Vilno, actuellement Vinius (1).

Les Forges et aciéries de la Marine

Il est de nationalité polonaise au moment de son immigration en France à Homécourt. Il est manœuvre à la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine (aujourd’hui De Wendel-Sidélor) à Homécourt.

L’hôtel patronal des ouvrier

Il y a habité à l’hôtel des Ouvriers (ce bâtiment a été construit en 1898 pour loger les ouvriers célibataires de l’usine voisine. Il n’était en effet pas question de leur attribuer une cité ouvrière, accordée aux seules familles. Le bâtiment comportait des salles d’eau et un réfectoire communs et une chapelle, visible à droite au premier plan. Il logeait 200 pensionnaires).
Mais au moment de son arrestation, Piotr Silvanovicz est domicilié au 110, lotissement de la Petite
Fin
à Homécourt (une des cités ouvrières construites, comme l’hôtel des Ouvriers, par la direction des mines et des usines sidérurgiques).
Piotr Silvanovicz est un militant, d’où son arrestation en 1942.  Peut-être est-il un syndicaliste, mais plus certainement un patriote polonais et un antinazi.
En effet, si le mouvement syndical et le Parti communiste sont très présents à la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine d’Homécourt, et si les militants communistes y sont connus et fichés par la police, il existe également un fort courant nationaliste et antinazi au sein de l’immigration polonaise dans les usines d’Homécourt (2).

Lorsque le transformateur électrique d’Homécourt est saboté par la Résistance dans la nuit du 4 au 5 février 1942 (lire Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942), les arrestations de militants commencent dès le lendemain : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations. Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre. Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).

Les Allemands ciblent aussi l’immigration polonaise grâce aux dossiers de la police française : le 2 mars six mineurs polonais sont arrêtés : Bigos WladyslawCzapla Stanislas, Ferenc Boleslaw, Kreciok Jan, Trzeciak Jean, Ziemkiewicz Victor) à la mine du Fond de la Noue.
Charles Dellavalle qui habitait dans la même rue, écrit de Stanislas Czapla qu’il est un « nationaliste polonais, farouchement antinazi ».
Le même jour, ou le 3 mars (3), Piotr Silvanovicz est arrêté comme otage.
Comme ses camarades, il est interné à la prison de Briey, puis transféré à celle de Nancy (Charles III), puis au camp d’Ecrouves.

Le 5 mars de nombreux internés du camp d’Ecrouves sont remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci les internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). Piotr Silvanovicz est probablement de ceux-là.

Il y est immatriculé entre les numéros « 3741 » et « 3783 ».

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Piotr Silvanovicz est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.  On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Piotr Silvanovicz meurt à Auschwitz-Birkenau le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1116 et le site internet©Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux
de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du
camp ont été enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste « sélection » interne des « inaptes au travail », opérée dans les blocks d’infirmerie. Lire dans le site : Des causes de décès fictives.

La présence dans le convoi du 6 juillet 1942 de Piotr Silvanovicz, était inconnue jusqu’en 2014.

  • Note 1 : Piotr Silvanovicz est né à Cyncerowicze (selon l’état civil d’Auschwitz) ou à Cimmiezwiki (pour le ministère des Anciens combattants, aujourd’hui « DAVCC » au SHD de Caen). Ces deux villages sont dans le district de Vilno, alors en Russie au
    moment de la naissance de Piotr Cimezwiki, sous occupation allemande pendant la guerre 14/18, puis en 1919 rattaché brièvement à la République socialiste soviétique de Biélorussie. Vilno est reconquis par la  Pologne de 1919 jusqu’à l’occupation soviétique en 1940 et l’occupation allemande fin juin 1941. La ville est aujourd’hui Vilnius, en Lituanie.
  • Note 2 : Militant communiste, Jacques Jung, responsable syndical aux Forges et Aciéries de la Marine  est arrêté dès le 27 juin 1941 dans la vague d’arrestation de militants communistes qui suit en France l’invasion de l’URSS (plus de 1000 arrestations dans le cadre de la rafle dite « Aktion Theoderik »). Mais ni lui, rescapé du convoi du 6 juillet 1942, ni Charles Delavalle, un autre militant communiste de l’entreprise (arrêté en août 1942, rescapé de Mauthausen) ne font mention de Piotr Silvanovicz parmi les militants qu’ils ont connus à Homécourt. Piotr Silvanovicz est donc vraisemblablement un patriote polonais (Charles Delavalle parle des « nationalistes » polonais), comme les cinq mineurs du Puits de la Noue arrêtés le 2 mars.
  • Note 3 : Dans son dossier au BAVCC on lit le 8 mars. Comme les annotations sont manuscrites, un 3 peut aisément y avoir été transformé en 8, ce qui semblerait plus logique. Pourquoi les Allemands auraient-il différé les arrestations.

Sources

  • Informations transmises en septembre 2014 par M. Arnaud Boulligny, responsable de l’équipe FMD-Caen, qui les a reçues de Mme Claude Favre, secrétaire de l’AFMD de Meurthe-et-Moselle, auteure de «La Malpierre. Des héros Anonymes»,  AFMD de Meurthe-et-Moselle, juin 2012.
  • Photo Hôtel des Ouvriers in Pagus Orniensis, bulletin n° 2, février 1990.
  • Témoignages de Charles Dallavalle, ouvrier sidérurgiste aux usines Marine Wendel d’Homécourt avant-guerre et Résistant (1972).
  • ©Photo de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine .
  • Montage photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial ©Pierre Cardon
  • ©Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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