Matricule « 45 941 » à Auschwitz Rescapé
Maurice Ostorero : né en 1910 à Thil (Meurthe-et-Moselle), où il habite ; mineur ; syndicaliste et communiste ; arrêté le 26 juillet 1941 ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Sachsenhausen ; rescapé ; il est décédé le 25 avril 1959.
Maurice Ostorero est né le 3 février 1910 à Thil (Meurthe-et-Moselle), il y habite, au 8, cité Sors, au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marceline Dondelinger, 22 ans et de Félice Ostorero, 25 ans, né à Giaveno (Italie), son époux.
Il a une sœur, Marie et trois frères, Roger, Justin Joseph (1905- 1981) et Eugène (1908-1976).
Fils de mineur, il a été mineur de fer, puis wattmann (machiniste de locomotive électrique) à la mine.
Délégué mineur, syndicaliste CGT, Maurice Ostorero est un militant actif du Parti communiste et du Comité de soutien à l’Espagne républicaine.
Conscrit de la classe 1930, il est appelé au service militaire, qu’il effectue au 38e Régiment d’aviation à Thionville.
Le 18 mars 1938 à Thil, il épouse Marie-Louise Flamion, née en 1909 à Villerupt.
Le couple a une fille, Colette qui naît en 1934 à Thil.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Maurice Ostorero est arrêté une première fois le 26 juillet 1941, après une distribution de tracts « de propagande anti-allemande ».
Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942). Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations. Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).
Placé en liberté surveillée, Maurice Ostostero est repris comme otage, le 21 février 1942, à son domicile, par des Feldgendarmes.
Maurice Ostorero est écroué à la prison de Longwy, puis interné le 29 février 1942 au camp d’Ecrouves, près de Toul.
Le 5 mars, il est remis aux autorités allemandes (Feldkommandantur 591) à leur demande.
Le dossier du tribunal allemand porte la mention « déportation » et « communiste » (entouré au crayon rouge).
Celles-ci l’internent le 5 mars 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Ostorero est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Maurice Ostorero est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 941 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Maurice Ostorero, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments (en application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres).
Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.
Lire dans le site : Le droit d’écrire pour les détenus politiques français.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants.
Lire l’article du site « les 45 000 au block 11.
Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Le 3 août 1944, il est à nouveau placé en “quarantaine”, au Block 10, avec les trois quarts des “45000” d’Auschwitz pour être transférés vers d’autres camps (ce qu’ils ignorent).
Lire dans le site, « les itinéraires suivis par les survivants ».
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45.000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45.000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.
Un groupe de 31 survivants est transféré le 28 août pour Flossenbürg, un autre groupe de 30 pour Sachsenhausen le 29 août 1944. Un troisième groupe de 30 quitte Auschwitz pour Gross-Rosen le 7 septembre.
Le 29 août 1944, Maurice Ostorero est transféré avec 29 autres « 45 000 » d‘Auschwitz à Sachsenhausen, où ils sont enregistrés : Georges Gourdon (45622-94257), Henri Hannhart (45652-94258), Germain Houard (94 259), Louis Jouvin (94 260), Jacques Jung (94 261), Lahousine Ben Ali (94 264), Marceau Lannoy, Louis Lecoq, Guy Lecrux (94 266), Maurice Le Gal (94 267), Gabriel Lejard (94 268), Charles Lelandais (94 269), Pierre Lelogeais, Charles Limousin, Victor Louarn, René Maquenhen, Georges Marin, Henri Marti, Maurice Martin, Henri Mathiaud, Lucien Matté, Emmanuel Michel, Auguste Monjauvis (94 280), Paul Louis Mougeot, Daniel Nagliouck, Emile Obel (94 282), Maurice Ostorero, Giobbé Pasini, René Petitjean, Germain Pierron.
Maurice Ostorero est affecté au Kommando des routes. Au moment de l’évacuation du camp, le 21 avril 1945 en direction de Schwerin puis de Lübeck ou de Hambourg, il est l’un des « 45 000 » resté au camp, avec Georges Marin, Daniel Nagliouck, René Maquenhen, Henri Mathiaud, Auguste Monjauvis et René Petitjean.
Il est libéré le 25 mai 1955.
Maurice Ostorero est homologué « Déporté politique ».
Le titre de « Déporté résistant » lui est refusé, comme à beaucoup d’autres « 45 000 » au motif : « otage arrêté au cours d’une rafle« .
Après la Libération, il est élu au Conseil municipal de Thil (il aurait été maire-adjoint d’après Giobbé Pasini).
Maurice Ostorero meurt à Villerupt le 25 avril 1959. Il vient juste d’avoir 49 ans !
Une plaque « in memoriam » est apposée à la nécropole de Thil.
Sources
- Correspondance avec Madame Colette Speziale, sa fille.
- Témoignage de Giobbé Pasini (22 juin 1973).
- R. Piva (adjoint au Maire : 24 mai 1989)
- M. Gilbert Schwartz, président départemental de la FNDIRP (1989).
- Mairies de Thil et de Villerupt.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Val de Fontenay novembre 1993.
- Photo © Roger Ostorero, in site « Mémoire vive ».
- Arbre généalogique de Mme Aurore Girod.
- Photo de la plaque « in memoriam » à Thil © Alain Girod
Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024 par Pierre Cardon et Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com