François Morin : né en 1906 à Notre-Dame-du-Touchet (Manche) ; domicilié à Bayeux (Calvados) ; bucheron ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau, le 19 septembre 1942.
François Morin est né le 13 août 1906 à Notre-Dame du Touchet (Manche).
Il habite route de Vaux à Bayeux (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Rosalie Perrouault, 24 ans, née le 16 janvier 1882 à Montigny (Manche) et de François Morin, 29 ans, né le 5 mai 1877 à Villedieu (Manche), son époux.
Il est l’aîné de 5 enfants : il a 2 sœurs (Marie et Germaine, nées en 1908 et 1921) et deux frères (Armand né en 1910 et Marcel en 1918).
En 1907, la famille habite à Romagny, commune à deux kilomètres de Mortain, au hameau La Houlette. Son père est mobilisé (rappelé) en 1916.
Il est bûcheron. Il est appelé au service militaire en 1926 (cf photo en uniforme).
Le 18 avril 1930 à Vendeuvre François Morin épouse Anaïse Victor, née le 27 mars 1910 à Vendeuvre.
Le couple a 4 enfants (1) : Marguerite, né le 22/09/1933, Yvette, née le 24/01/1935, Claude, né le 17/10/1939 et Albert né le 03/07/1942. Ils viennent habiter route de Vaux après 1936. C’est une petite rue ne comportant que deux maisons à l’époque. Son père décède en 1940.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française. Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Le nom de François Morin est inscrit sur la liste des militants communistes arrêtés le 1er mai 1942 à la demande de la Kreiskommandanturen. Ces arrestations ont lieu en représailles au déraillement de deux trains depermissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril. Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos du sabotage de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Sa femme décrit les circonstances de cette arrestation, les 2 jours passés à la gendarmerie de Bayeux, et le 3 mai, le départ en camion pour Caen.
Après deux jours 2 jours passés à la gendarmerie de Bayeux, il est emmené le 3 mai en camion pour Caen à la demande de la Feldkommandantur 723, avec ses camarades de Bayeux arrêtés en même temps que lui, au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne). François Morin y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.
Son épouse a reçu une carte-lettre le 30 mai 1942, donnant quelques nouvelles.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, François Morin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45 889 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
François Morin meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué. Il a été déclaré « Mort pour la France ».
Un des rescapés du Calvados, Marcel Cimier a écrit à sa veuve, qu’il se souvenait de lui et il a témoigné de sa mort à Auschwitz dans les premiers mois.
Le 18 juillet 1945, le comité de libération de Bayeux s’est adressé à André Montagne, rescapé du convoi, afin qu’il puisse leur communiquer des renseignements concernant les déportés bayeusains du convoi (Bigot, Cadet, Morin, Duchemin, Lacroix, Lecarpentier, Assier).
Son nom et celui de ses camarades déportés à Auschwitz sont inscrits sur le monument aux morts de la commune. Une plaque commémorative collective a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de François Morin est inscrit sur la stèle à la mémoire
des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.
- Note 1 : sa fiche de la FNDIRP indique qu’il est père de cinq enfants.
Sources
- Deux lettres de sa veuve à André Montagne (juillet 46).
- Lettre du Comité de Libération (18 juillet 1945).
- Renseignements fournis par Jean Quellien, historien. février 1992.
- Témoignage de Marcel Cimier.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Photos collection Collection “guittmfm”, son neveu, arbre généalogique « Guittmich » in Geneanet.
Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2016, 2017 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel deportes.politiques.auschwitz@gmail.com