Matricule « 46 067 » à Auschwitz
Henri Rolland : né en 1922 à Paris 11ème ; domicilié à Paris 20ème, mineur-boiseur ; communiste ; arrêté le 28 juin 1941, condamné à 6 mois de prison (Santé, Fresnes, Poissy) ; interné aux camps de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le le 28 août 1942.
Henri Rolland est né le 18 décembre 1922 à Paris (11ème).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 78, rue des Amandiers à Paris (20ème), non loin du domicile de Raymond Moyen (au 53), d’Edouard Hoyer (au n° 45), et de la famille Zalkinov (affaire dite Brustlein-Zalkinov).
Il est le fils d’Agnès Kerguen (né le 13 mars 1904 à Pluméliau, Morbihan, décédée le 11 juillet 1978 à Orléans) et de Joseph Marie Rolland, 22 ans (né le 12 avril 1899 à Baud, Morbihan, décédé le 3 juillet 1951), son époux. Ses parents se sont mariés à Baud le 30 janvier 1922. Son père est terrassier, mineur-boiseur.
Venue en région parisienne en décembre 1923, la famille habite au 5, passage Courtois à Paris 11ème. Ils vont déménager en fonction des chantiers où le père, terrassier, va se faire embaucher. En février 1925, ils ont déménagé au 25, rue du Four, à Saint-Maur (Seine / Val-de-Marne). Fin septembre 1930, ils habitent au 3, rue des Braves, à Montreuil (Seine / Seine-Saint-Denis). En juillet 1935, ils habitent au 101, rue Jean de La Fontaine à Fontenay-sous-Bois (Seine / Val-de-Marne).
En mai 1937, Henri Rolland habite toujours avec ses parents, qui ont à nouveau déménagé au 78, rue des Amandiers à Paris 20ème.
Célibataire, Henri Rolland travaille comme son père en tant que mineur-boiseur au moment de son arrestation (profession déclarée au camp de Voves) ou jardinier (mention portée sur sa fiche au DAVCC, qui est peut-être la profession qu’il déclare à Auschwitz en espérant trouver un « bon » Kommando de travail ).
Il est membre des Jeunesses communistes. Non mobilisable à la déclaration de guerre (il est de la classe 42), il participe à l’action clandestine des Jeunesses communistes.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Malgré les arrestations massives d’octobre à décembre 1940, la propagande communiste clandestine continue dans les arrondissements de l’Est
parisien et inquiète le gouvernement de Vichy. Des filatures, perquisitions et arrestations sont ordonnées et opérées par les brigades spéciales des Renseignements généraux à partir de février 1941 dans le 20ème arrondissement.
Henri Rolland est arrêté le 28 juin 1941 pour « activité communiste » et « flagrant-délit de distribution de tracts ». Dans cette période qui suit l’invasion de l’Union soviétique, la Jeunesse communiste publie un tract. Les allemands arrêtent un millier de communistes dans le cadre de l’opération Aktion Theoderich»,(1).
Henri Rolland est inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, et il est écroué le 30 juin à la Maison d’arrêt de la Santé en attente de jugement. Il est condamné le 21 août 1941 à 6 mois de prison par la 15ème chambre du Tribunal correctionnel de la Seine (chambre des mineurs). Il est écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes le 30 septembre 1941, puis à la Maison centrale de Poissy.
Le 21 mai 1941, le directeur de la Centrale de Poissy transmet au Préfet de Seine-et-Oise, « en exécution des notes préfectorales des 14 novembre 1940 et 18 février 1941 », les dossiers de détenus communistes de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours des mois suivants. Pour la plupart des détenus communistes libérables de Poissy, le Préfet a prévu leur internement administratif, en application de la loi du 3 septembre 1940 (2). Toutefois il demande au directeur de Poissy que ces militants soient « interné à sa sortie de Poissy dans cet établissement, en attente qu’une place soit disponible à Aincourt ». Le CSS d’Aincourt est en effet complètement saturé à cette époque. Cette disposition concerne plusieurs détenus (3) qui sont finalement internés aux camps de Rouillé ou de Voves, le camp d’Aincourt étant surchargé.
A l’expiration normale de sa peine de prison, Henri Rolland est maintenu à Poissy. Le 13 février 1942 il est finalement transféré au Dépôt de la Préfecture de police de Paris avec 23 autres détenus communistes
de Poissy. Le Préfet de police de Paris, Charles Paul Magny, ordonne son internement administratif le 26 mars 1942 en application de la Loi du 3 septembre 1940 (1).
Henri Rolland est transféré au « Centre de séjour surveillé » de Voves (Eure-et-Loir) : le 16 avril 1942, à 5
h 50, un groupe de 60 militants « détenus par les Renseignements généraux » est transféré de la permanence du dépôt de la Préfecture au camp de Voves (Eure-et-Loir), convoyés par des gendarmes de la 61ème brigade. Ce camp (le Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5 janvier 1942 le « Centre de séjour surveillé » n° 15. Lire dans le site : Le camp de Voves
Henri Rolland est enregistré à Voves sous le numéro de dossier « 406.093 ». Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. Henri Rolland figure sur la première liste (3).
Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
Le 10 mai 1942 les Felgendarmen prennent en charge 87 détenus et les convoient jusqu’au camp allemand de Compiègne (Oise) (Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Henri Rolland est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Henri Rolland est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «46 067» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (4) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Henri Rolland retourne au camp principal. Il est affecté au block 16.
Henri Rolland meurt à Auschwitz le 28 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1013 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec son numéro matricule, domicile, dates et lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Globenslos » (athée).
Un arrêté ministériel du 14 décembre 2012 paru au Journal Officiel du 15 février 2013 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté s’il constitue un progrès, car il corrige le précédent qui indiquait« mort le 6 juillet 1942 »à Compiègne, porte pourtant une date erronée « décédé le 12 juillet 1942 à Auschwitz »,soient les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quant à la date réelle de décès à Auschwitz.
Or cette incertitude n’existe plus. Il serait logique que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (in Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau) et sur le site internet du Musée d’Auschwitz, qui apporte la preuve de son décès à Auschwitz !
Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz..
Une plaque commémorative honorant son nom a été apposée à son domicile, 78, rue des Amandiers.
- Note 1 : le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la
police française. Ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht. - Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
- Note 3 : François Dallet, Raymond Delorme, Georges Deschamps, Albert Faugeron, Raymond Langlois, Pierre Marin, Paul Monnet, Marcel Nouvian, René Robin, Pierre Roby, Jean Sterviniou, Eugène Thédé … ses futurs compagnons de déportation à Auschwitz (excepté Pierre Roby, déporté à Sachsenhausen).
- Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Fichier national du Bureau des archives des
victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
Fiche individuelle consultée en octobre 1993 par André Montagne. - Registre matricule militaire du père d’Henri Rolland, recensement de 1936 à Fontenay -sous-Bois (94). Registres d’état civil de Baud (Morbihan).
- Liste (incomplète) du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (archives des ACVG).
- Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Legifrance.
- Archives départementales de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine.
- Maison centrale de Poissy, Archives départementales des Yvelines.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.
- © Rue des Amandiers 1930, Paris rues.com
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique mise à jour en 2014 et 2020 à partir de la notice rédigée en 2002 par Claudine Cardon-Hamet pour l’exposition de Paris de l’association «Mémoire vive». Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteure des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi
politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com