Matricule « 45 573 » à Auschwitz
Henri Gateau : né en 1896 à Paris 20è ; domicilié à Drancy ; cheminot, chef de train ; militant syndical et communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 8 août 1942.
Henri Gateau est né le 22 septembre 1896 à Paris 20è au domicile de ses parents 72, boulevard de Charonne. Au moment de son arrestation, il habite 7, Cité jardins à Drancy (1).Il est le fils de Françoise, Louise Burckel, 32 ans, journalière et de Paulin, Edouard Gateau, 30 ans, journalier, son époux.
Conscrit de la classe 1916, Henri Gâteau est mobilisé par anticipation le 8 avril 1915, comme tous les jeunes hommes de sa classe. Il est cité à l’ordre du régiment, et il est décoré de la Croix de guerre pour un acte de bravoure. Il est libéré après 4 ans et 7 mois d’engagement sous les drapeaux.
Le 23 février 1924 à Saint-Georges-de-Poisieux (Cher), il épouse Germaine Martinet, née le 30 avril 1906.
Le 6 juin 1925, Henri Gateau est embauché à la Compagnie des Chemins de Fer du Nord. Il est « chef de trains » à la gare du Bourget triage pour la région Nord, avec Albert Beugnet et Gabriel Lamblin (3). Ils sont tous trois militants syndicaux et membres du Parti communiste. En 1931, il s’inscrit sur les listes électorales de Drancy, domicilié au 7, rue du Petit Drancy.
Devenu veuf de Germaine Martinet (elle est décédée le 10 octobre 1930), Henri Gateau épouse Madeleine, Rose, Louat (2), vraisemblablement à Lavau (Aube) où va naitre leur fille, Marcelle, Hélène, qui naît à Lavau (Aube) le 15 avril 1934 (elle est décédée le 1er janvier 2007).
Le 14 juin 1940, l’armée allemande occupe Drancy et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’ancienne cité de la Muette est occupée dès le 14 juin par les troupes allemandes : les lieux servent de camp d’internement pour des prisonniers de guerre et des civils étrangers (Frontstalag 111). La Préfecture de police y crée le 20 août 1941 un camp destiné aux Juifs. 4.230 hommes dont 1500 Français, raflés à Paris entre le 20 et le 25 août, sont les premiers internés juifs du camp de Drancy.
Le 5 octobre 1940, Henri Gateau est arrêté avec Albert Beugnet et Gabriel Lamblin (eux-aussi chefs de trains à Drancy) et le même jour que Jules Crapier (3), par la police française dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne : les militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars à Aincourt. Le préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevallier, exécute une rafle identique à celle de Paris dans son département. Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.
Sur la liste « des militants communistes concentrés le 5 octobre 1940» envoyée par les Renseignements généraux au directeur du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Henri Gateau on lit : « 54 ans. Employé à la SNCF. Propagandiste actif parmi les cheminots ». Le commissaire Andrey, directeur du camp écrit le 25 février 1941 à la rubrique « avis sur l’éventualité d’une mesure de libération » qui figure dans le formulaire de « révision trimestrielle du dossier » qu’Henri Gateau s’il a « bon esprit » mais « est resté communiste, dont l’internement n’a pas modifié les opinions ».
Le 9 mai 1942, à la demande des autorités d’occupation, Henri Gateau est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) au sein d’un groupe d’une quinzaine d’internés venant d’Aincourt ou de Mantes.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Henri Gateau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Henri Gateau est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 573» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Ce matricule sera désormais sa seule identité pour ses gardiens.
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, comme Henri Gateau restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Henri Gateau meurt à Auschwitz-Birkenau le 8 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 336 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Un arrêté ministériel du 9 septembre 1992 , paru au Journal Officiel du 8 novembre 1992, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais cet acte porte la mention fictive « décédé le 31 janvier 1945 à Birkenau (Pologne) ». Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) à partir des témoignages de rescapés, afin de donner accès
aux titres et pensions aux familles des déportés. Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte, par un nouvel arrêté, les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945, et qui sont accessibles depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau
Voir l’article : Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.
Henri Gateau est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté politique ».
La carte est adressée à sa fille, Mme Marcelle Fontana, domiciliée à Marseille.
La section de Drancy de la FNDIRP, par une lettre de son président H. Hardy s’adresse au Maire « La section Drancy de la FNDIRP serait désireuse que votre municipalité donne le nom de « Gateau – Lamblin » à la rue qui, actuellement se nomme rue des Castors Prolongée. Afin de donner toute la valeur et la reconnaissance que Drancy doit à ces deux combattants de la résistance contre le nazisme, morts dans les camps de concentration. Nous pensons que l’inauguration de cette rue pourrait être faite le dimanche 9 mai à 10 heures, date qui concorde avec l’anniversaire de l’armistice (…)».
Le 22 avril 1954 le conseil municipal de Drancy vote à l’unanimité le changement de nom de la rue des Castors, qui devient la rue « H. Gateau – G. Lamblin », du nom des deux cheminots drancéens morts en déportation, le premier à Auschwitz, le second à Neungamme. La rue longe les voies ferrées.
Son nom est gravé avec ceux d’Albert Beugnet, François Garcia, Gabriel Lamblin et Jules Mailly sur la stèle au triage du Bourget « Aux agents résistants de la gare du Bourget morts pour la France », sur la stèle en gare des voyageurs du Bourget « A la mémoire des agents de la S.N.C.F. morts par faits de guerre ».
- Note 1 : L’adresse du n° 7 Cité Jardins est portée sur la fiche des RG à Aincourt. Toutefois le Maire de Drancy, Maurice Nilès nous écrivait qu’il habitait « 32 Cité Jardins selon les informations en ma possession » dans son courrier de 1992. Cette Cité-jardins est réalisée à l’initiative de l’Office public d’Habitations à Bon Marché (HBM) de la Seine, rue de la République à Drancy entre 1921 et 1929 : 210 logements individuels et des logements collectifs, par les architectes Bassompierre et de Rutte. L’objectif était « d’édifier des agglomérations propres à assurer le décongestionnement de Paris et de ses faubourgs » selon Henri Sellier président de cet OPHBM. Une quinzaine de cités sont ainsi construites autour de Paris (d’après Wikipédia)
- Note 2 : D’après le Maire, Maurice Nilès (1992) « Il semblerait que sa veuve ait quitté notre ville vers 1954, avec leur fille Marcelle, qui se serait mariée à Marseille le 9 juillet 1955 avec M. Fontana ».
- Note 3 : Gabriel Lamblin, né le 17 mars 1901. Déporté à Neungamme le 21 mai 1944, où il meurt le 06 mars 1945. Jules Crapier, secrétaire général des cheminots CGT, organise les comités populaires cheminots sur la région parisienne en 1940.
- Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
- Extrait de naissance (Drancy 1992).
- Archives en ligne de Paris
- Courrier du Maire de Drancy, Maurice Nilès, juillet 1992.
- La Voix de l’Est, p 13 (1971).
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 64.
- Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juillet 1992.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site InternetLegifrance.
- © Site Internet MemorialGenWeb.
- Plaque de rue à Drancy © Google Street view
- ©Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com