Matricule « 46 180 » à Auschwitz
Paul Varenne : né le 16 octobre 1918 à Paris 13è ; domicilié à Bobigny (Seine / Seine-St-Denis) ; fondeur, riveur à la SNCF ; ajiste, sans doute sympathisant ou adhérent des JC ; arrêté en décembre 1940, condamné à 6 mois de prison ; arrêté comme otage le 28 février 1942 ; interné au camp Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.
Paul Varenne est né le 16 octobre 1918 à Paris 13è. Au moment de son arrestation, Paul Varenne habite chez sa tante au 11, rue Perrusset à Bobigny. Il est le fils de Marie Le Corre, 25 ans, domestique, née le 11 décembre 1892 à Ploaré (Finistère), domiciliée au 11, rue du Pont à Brest (Finistère) et d’Eugène Varenne (né à Languidic Morbihan), garçon de café. Ses parents se sont mariés le 22 mai 1922 à Paris 20è. La famille habite au 5, rue d’Eupatoria à Paris 20è.
Très tôt orphelin de mère (il a cinq ans à son décès), il est pris en charge par sa tante maternelle, Anne Le Corre, épouse de Joseph-Marie Le Floch, facteur, habitant à Bobigny au 9, place Carnot. Ils déménagent en 1936 et vont emménager au 11, rue Perrusset à Bobigny.
Après le certificat d’études, Paul Varenne est formé comme apprenti fondeur en aluminium.
Puis il est embauché comme riveur aux Chemins de fer.
En 1936, il fait partie d’un groupe de jeunes campeurs affilié aux Auberges de la Jeunesse de Bobigny au 42, avenue Henri-Barbusse.
Il est célibataire.
Le 5 février 1940, Paul Varenne aurait été arrêté en même temps qu’Emile Larosière « lors d’une distribution de tracts » (in brochure de Bobigny
éditée pour le « 40è anniversaire des camps de la mort » in « Bonjour Bobigny » d’avril 1985), par des inspecteurs des Renseignements généraux pour « propagande communiste clandestine et infraction au décret du 26 septembre 1939 ». Mais nous n’avons pas trouvé trace de cette arrestation dans son dossier au DAVCC, ni aux archives de la Préfecture de Police de Paris. Il s’agit vraisemblablement d’une confusion avec son arrestation du 22 novembre 1940 après laquelle il est condamné à une peine de prison de deux mois. Ajoutons qu’arrêté une deuxième fois il n’aurait certainement pas alors bénéficié d’une deuxième levée d’écrou à l’issue de sa peine.
Les mesures prises par le gouvernement Daladier à la suite de la déclaration de guerre, conduisent à la déchéance d’élus communistes. Par un décret du 26 septembre 1939, le gouvernement suspend les vingt-sept conseils municipaux communistes de la région parisienne. Du 5 octobre 1939 au 15 juin 1940, Bobigny est ainsi administrée par une délégation spéciale nommée par le Préfet de la Seine, composée de trois hommes, dont un médecin-chef et un employé de l’hôpital Franco-musulman.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Au tout début de l’Occupation, Paul Varenne milite clandestinement.
A la suite d‘une série de perquisitions menées chez dix-neuf militants par la police de Pantin (circonscription de Bobigny), dont celle de son domicile où un tract assez récent est trouvé dans le tiroir de sa table de nuit, Paul Varenne est arrêté par le commissaire de Pantin le 5 décembre 1940 : Il est inculpé par le commissaire de la circonscription de Pantin-Bobigny-Noisy-le-Sec d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939. Il est mis à la disposition du Procureur le 6 décembre. Le 7 décembre, Paul Varenne est condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois par la 12è chambre du tribunal correctionnel de la Seine.
Ayant fait appel de la sentence, celle-ci est maintenue par la cour d’appel le 27 janvier 1941.
Ayant purgé sa peine et compte tenu de son âge, il est remis en liberté, non sans avoir dû signer un engagement à ne plus agir contre le « gouvernement du Maréchal ».
Paul Varenne est à nouveau arrêté à Bobigny le 28 avril 1942 par la police française, en même temps qu’Emile Larosière. Ce 28 avril 1942 en effet, une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés d’activité clandestine par les services de police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril 1942 un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux autres soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff).
Paul Varenne est ensuite remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Paul Varenne est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Paul Varenne est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «46 180» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Ce numéro matricule sera désormais sa seule identité pour ses gardiens.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Paul Varenne meurt à Auschwitz le 28 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 787 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Une salle municipale de Bobigny porte ses noms et prénoms : la salle Paul Varenne dans le complexe Edouard Vaillant au 35, rue de Vienne à Bobigny(1).
Son nom et celui de 18 résistants Balbyniens (dont Pierre Cambouliu, Henri Nozières et Emile Larosiere) est gravé sur une plaque « Hommage aux héros de la Résistance » apposée en Mairie au-dessous de la plaque en mémoire de deux anciens employés municipaux déportés à Auschwitz dans le même que lui (Marius Barbier, de Saint-Ouen, et Henri Nozières).
- Note 1 : On trouve dans l’ouvrage de Monique Houssin Résistants et résistantes en Seine-Saint-Denis, l’indication d’une salle « Georges Varenne » située dans le complexe E. Vaillant à Bobigny. Indication est reprise sur plusieurs sites internet. Il s’agit d’une confusion avec la salle « Paul Varenne ». Georges Varenne, instituteur communiste de l’Yonne, lui aussi déporté dans le convoi du 6 juillet 1942 ne semble avoir aucun lien de parenté avec le jeune militant communiste balbynien.
Sources
- Communication de M. Claude Antony, Maire-adjoint de Bobigny (2 novembre 1989).
- Brochure « 40ème anniversaire des camps de la mort » in « Bonjour Bobigny » d’avril 1985.
- Archives communales, 11 sept 1990.
- Archives départementales de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine.
- © Gilbert.joubert.pdf. service des ressources historiques de l’Hôtel de ville de Bobigny et©Gilbert Joubert, Pdf Cercle d’Etudes et de Recherches Historiques de Bobigny Balbiniacum CERHBB (plaque).
- Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993 par André Montagne.
- Archives de la préfecture de police. Occupation allemande, dossier individuel des RG et du cabinet du préfet.
- Avis de décès (1992).
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique notice rédigée pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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