Sa signature lors de son mariage. 23/12/1922

Matricule «45 871» à Auschwitz

Louis Méresse : né en 1899 à Paris 19è ; domicilié à Aubervilliers (Seine) ; peintre en voitures ; communiste ; arrêté le 6 juin 1941 ; interné à la caserne des Tourrelles et au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 8 août 1942.

Louis Méresse est né le 3 novembre 1899 à Paris 19è.  Louis Méresse habite au 52, boulevard Edouard Vaillant à Aubervilliers (Seine / Seine-Saint-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Rosine Maquiné, née en 1857, 43 ans, sans profession et de Charles, Désiré Méresse, né en 1847, 52 ans, chauffeur, son époux, domiciliés au 30, rue de l’Ourcq dans le 19è arrondissement.
Il est issu d’une fratrie de 12 enfants (Joséphine 1878-1938, Charles 1880-1881, Marie Gabrielle, 1882, mariée en 1932, Catherine 1883-1959, Marie Eugénie 1885-1968, Alexandre 1887-1957, Alfred 1889-1915, Jules 1891-1922, Blanche 1894-1978, Marguerite 1895-1967, Marie Lucie 1902-1983.

Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 56, a les cheveux et les yeux marrons, le front et le nez ordinaires, le visage ovale.
Au moment de l’établissement de sa fiche, il est mentionné qu’il travaille comme manœuvre. Il habite alors chez ses parents au 150, rue de Flandre à Paris 19è. Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire écrire et compter, instruction primaire développée). Il est titulaire du permis de conduire.
Conscrit de la classe 1919, il est recensé dans le département de la Seine (matricule 1676 du 4è bureau). Il aurait dû être mobilisé par anticipation (en vertu du décret de mobilisation générale) au début de 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Mais il a été ajourné, classé dans la « 5è partie de la liste » des appelés par les conseils de révision de 1918, 1920, 1921). Il est classé « service auxiliaire » en 1922 pour un indice de Pignet 35 (coefficient de robustesse. L’indice 35 = inapte).
Il est domicilié chez sa mère, veuve, au 150, rue de Flandre.

Le 23 décembre 1922, Louis Méresse épouse à la mairie du 19è
 Ermine, Jeanne, Antoinette Moruzzi. Il a 23 ans. Elle est papetière, âgée de 19 ans (elle est née le 30 novembre 1903 à Paris 12è), elle est domiciliée chez ses parents au 15, rue Watteau.
En septembre 1923, le jeune couple habite au 15, rue Watteau, à Paris 19è.
Le couple se sépare et le jugement de divorce est prononcé le 17 juin 1929.
Louis Méresse travaille comme peintre en voitures.

En 1936, il s’inscrit sur les listes électorales d’Aubervilliers, où il est domicilié, seul, au 9, rue Arthur Rimbaud. A cette date, il est sans travail.
Louis Méresse est connu comme communiste par la Police française.
Le 1er décembre 1939, il a déménagé à Courménil, par Exmes, dans l’Orne.
Le 23 janvier 1940, Louis Méresse est affecté au 19è dépôt du Train
basé au Quartier Fontenoy (école militaire) à Paris (le registre matricule militaire ne précise pas s’il s’agit d’une mobilisation effective).

l’usine Quervel, 1940

A 4 heures du matin le 14 juin 1940, l’armée allemande entre dans Aubervilliers.
Dès son arrivée, l’armée allemande prend possession de plusieurs entreprises. Ci-contre l’usine Quervel, 35, rue du Port, qui produisait de l’huile moteur essentielle pour les camions, chars et autres engins de l’armée du IIIe Reich.

Le jeudi 13 juin 1940, la Wehrmacht occupe Aubervilliers.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

En 1941, Louis Méresse habite au 52, boulevard Edouard Vaillant à Aubervilliers.
Devant la recrudescence de l’activité communiste clandestine à Aubervilliers (tracts du PC clandestin, sabotage d’un câble téléphonique de l’armée allemande le 18 février 1941), les autorités allemandes exigent des arrestations. Louis Méresse est arrêté le 6 juillet 1941, comme Marcel Lavall d’Aubervilliers, pour distribution de tracts « en vertu du décret du 18 novembre 1939 (1) et interné au Centre des Tourelles le même jour ».

Etat des détenus communistes aux Tourelles

Aux Tourelles (2), « Centre de séjour surveillé », son nom figure sur « l’état n° 2 des détenus communistes caserne des Tourelles » (document joint). Cet élément sous-entend évidemment un internement pour « activités communistes ».

Caserne des Tourelles, DR

Le 5 mai 1942,  Louis Méresse fait partie des 37 internés administratifs au titre de la Police judiciaire (classés comme « indésirables » 1) qui sont « extraits » du Centre de séjour surveillé  des Tourelles pour être conduits à la gare du Nord.

Ils sont mis à la disposition des autorités allemandes et internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le jour même en tant qu’otages. Les « indésirables » des Tourelles seront tous déportés le 6 juillet 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Louis Méresse est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Louis Méresse est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 871» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Louis Méresse entre au Revier (« infirmerie »). Il meurt à Auschwitz le 8 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 801 et le site internet © Mémorial
et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau
) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, numéro de matricule, avec l’indication « Katolisch » (catholique).

Un arrêté ministériel du 15 juin 1995 paru au Journal Officiel du 28 juillet 1995 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs et reprend – avec un jour de décalage – la date portée sur le
certificat de l’état civil d’Auschwitz, également portée sur son acte de naissance le 21 septembre 1948.
Louis Méresse est déclaré « Mort pour la France » le 9 décembre 1948.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts situé dans le cimetière communal.
Par un arrêté de 1949 paru au Journal Officiel du 18 décembre 1949, il est homologué comme « Soldat » à titre posthume, au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er juin 1941.

  • Note 1 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy en 1941. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Les premiers visés sont les communistes
  • Note 2 : La caserne des Tourelles, « Centre de séjour surveillé » : Ouvert d’abord aux Républicains espagnols, entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les « indésirables » français : communistes, gaullistes etautres patriotes (on ratissait large), juifs saisis dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir) ». France Hamelin in Le Patriote Résistant N° 839 février 2010. Ce Centre de séjour surveillé fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. En 1942, deux bâtiments seulement étaient utilisés, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient entourés de fil de fer barbelé. Chaque bâtiment disposait de 3 WC à chasse d’eau, largement insuffisants. Des latrines à tinette mobile étaient en outre disposées dans l’étroit espace réservé à la promenade. La nuit, une tinette était placée dans chaque dortoir. C’est peu dire les conditions épouvantables imposées à des internés dont le nombre variera de 400 à 600 personnes. A cela s’ajoutait une sous-alimentation chronique entraînant bon nombre de maladies : entérites gastro-intestinales, affections cardiaques, tuberculose… © In site Internet Association Philatélique de Rouen et Agglomération.
  • Note 3 : « Indésirables » : des militants communistes (dont plusieurs anciens des Brigades Internationales) et des « Droits communs ». La plupart des « Droits communs » déportés dans le convoi du 6 juillet sont apparentés ou proches des milieux communistes.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1992.
  • Archives de la Préfecture de police, cartons occupation allemande, Etat n°2 caserne des Tourelles. BA 2447.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Caserne des Tourelles. Histoire pénitentiaire et Justice militaire, blog de Jacky Tronel.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Registres matricules militaires de la Seine.

Notice biographique notice rédigée pour le 60è anniversaire du départ du convoi des 45 000, brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014,  2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005).  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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