Matricule « 45.735 » à Auschwitz

Marcel Lavall : né à Aubervilliers (Seine), où il habite ; Boucher ; communiste ; arrêté le 6 juillet 1941 ; interné à la caserne des Tourrelles et au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Marcel Lavall est né le 24 décembre 1920 chez ses parents, au 42, rue du Vivier (l’actuelle rue
Henri-Barbusse) à Aubervilliers (Seine / Seine-Saint-Denis), où il habite au 42, rue du Vivier au moment de son arrestation.

Le 42 rue du Vivier (Henri Barbusse)

Il est le fils de Louise, Marie, Eugénie Moyen, 37 ans, née en 1883 à Ivry, et Nicolas Lavall, 38 ans, boucher (boyaudier) né à Pantin le 15 octobre 1882, son époux. Ses parents se sont mariés à Ivry le 9 mai 1908. Deux autres Lavall sont boyaudiers ou bouchers (Paul, né à Saint-Denis en 1892 et Claude, né à Pantin en 1888).
Marcel Lavall est boucher en 1936, chez Laurens, la famille Lavall habite alors à l’appartement n°6 du 42, rue de Vivier. La famille Karman (voir plaque à la fin de cette notice) habite le même immeuble à l’appartement n°34). En 1939,Marcel Lavall travaille peut-être à la boyauderie industrielle Fabre, rue de la Haie-Coq.
Célibataire, il est communiste (comme le laisse supposer la liste de la caserne des Tourelles ci-après) ou proche des milieux communistes.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Devant la recrudescence de l’activité communiste clandestine à Aubervilliers (tracts du PC clandestin, sabotage d’un câble téléphonique de l’armée allemande le 18 février), les autorités allemandes exigent des arrestations. Marcel Lavall, connu des services de police, est arrêté le 6 juillet 1941, comme Louis Méresse d’Aubervilliers, « en vertu du décret du 18 novembre 1939 (1) et interné au Centre des Tourelles le même jour ».

Etat des détenu communistes aux Tourelles, Marcel Lavall et Léon Lavoir

A la caserne des Tourelles (2), son nom figure sur « l’état n° 2 des détenus communistes caserne des Tourelles » (document joint : nous y avons fait également figurer le nom de Léon Lavoir du 17ème qui portera le n° matricule suivant le sien à Compiègne et le matricule « 45737 » à Auschwitz). Ces éléments sous-entendent évidemment qu’il a été interné pour « activités communistes ».
Le 5 mai 1942,  Marcel Lavall fait partie des 38 internés administratifs au titre de la Police judiciaire (classés comme « indésirables » (1) qui sont extraits du Centre de séjour surveillé  des Tourelles pour être conduits à la gare du Nord. Ils sont mis à la disposition des autorités allemandes et internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), le jour même en tant qu’otages. Les « indésirables » des Tourelles seront tous déportés le 6 juillet 1942.
A Compiègne Marcel Lavall reçoit le matricule « 5204 ». Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

carte formulaire FT 122

Le 19 juillet 1942, sa famille reçoit une carte-formulaire imprimée en allemand envoyée par le Frontstalag 122 aux familles des déportés du convoi : « Le détenu ci-dessus dénommé a été, sur ordre
de nos autorités supérieures, transféré dans un autre camp pour y être mis au travail. Le lieu de destination ne nous est pas connu. Vous devrez donc attendre d’autres nouvelles du détenu
« .

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Lavall est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.  

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Marcel Lavall est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45735» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
. Marcel Lavall reste à Birkenau.

Le 3 novembre 1942, Marcel Laval entre au Revier (« infirmerie ») de Birkenau en même temps que Pierre Roux.

Dessin de Franz Reisz, 1946

On ignore la date exacte de sa mort à Birkenau, mais elle survient avant la mi-mars 1943 (date à laquelle 17 survivants du convoi du 6 juillet 1942 sont ramenés de Birkenau à Auschwitz I. Huit autres déportés – dont les noms nous sont connus – restent à Birkenau).
Un arrêté ministériel du 6 janvier 2012 paru au Journal Officiel du 4 mars 2012 porte apposition de la mention «Mort en
déportation
» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais il comporte une date manifestement erronée : « décédé le 24 août 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Lire dans le blog l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès
des « 45000 » à Auschwitz

Ancienne plaque

Une plaque a été apposée sur l’immeuble ou est né Marcel Lavall : Ici sont nés Raymond Collot, fusillé par les Allemands le 25-4-1944, Marcel Lavall mort en déportation. Voir dans le Maitron la notice biographique de Raymond Collot (https://maitron.fr/spip.php?article20393).

Une autre plaque apposée en dessous de la précédente signale qu’André Karman, ouvrier fraiseur, résistant, déporté à Dachau, maire communiste d’Aubervilliers de 1957 à 1984, conseiller général de 1959 à 1984 est également né en 1924 dans cet immeuble.

  • Note 1 : Le décret du 18 novembre 1939 donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour
    surveillé, des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité
    publique.
  • Note 2 :La caserne des Tourelles, « Centre de séjour surveillé » : Ouvert d’abord aux Républicains espagnols, entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les « indésirables » français : communistes, gaullistes et autres patriotes (on ratissait large), juifs saisis dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir) ». France Hamelin in Le Patriote Résistant N° 839 février 2010. Ce Centre de séjour surveillé fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. En 1942, deux bâtiments seulement étaient utilisés, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient entourés de fil de fer barbelé. Chaque bâtiment disposait de 3 WC à chasse d’eau, largement insuffisants. Des latrines à tinette mobile étaient en outre disposées dans l’étroit espace réservé à la promenade. La nuit, une tinette était placée dans chaque dortoir. C’est peu dire les conditions épouvantables imposées à des internés dont le nombre variera de 400 à 600 personnes. A cela s’ajoutait une sous-alimentation chronique entraînant bon nombre de maladies : entérites gastro-intestinales, affections cardiaques, tuberculose… © In site Internet Association Philatélique de Rouen et Agglomération.
  • Note 3 : « Indésirables » : des militants communistes (dont plusieurs anciens des Brigades Internationales) et des « Droits communs ». La plupart des « Droits communs » déportés dans le convoi du 6 juillet sont apparentés ou proches des milieux communistes.

Sources

  • Archives de la Préfecture de police, cartons occupation allemande, Carnet BA 1837 et BA 2447. Caserne des Tourelles.
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1992 (Claudine Cardon Hamet et Fernand Devaux).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Livre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz, Registre des décédés(n° d’ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 15.07.1943.
  • Association Mémoire et création numérique © Droits Réservés.
  • © Caserne des Tourelles. Histoire pénitentiaire et Justice militaire, blog de Jacky Tronel.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en novembre 2007 (complétée en 2016,  2019 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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