Yannick Mahé : né en 1919 à Paris 15è ; domicilié au 20, avenue de la République à Cachan ; mécanicien outilleur ; communiste ; arrêté le 1er février 1941, condamné à 8 mois de prison, relaxé en appel ; arrêté le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt à Birkenau le 21 octobre 1942.
Yannick Mahé est né le 3 décembre 1919, au domicile de ses parents, 63/65, avenue de l’Amiral Roussin, à Paris 15è. Il habite au 38, rue Mouton-Duvernet à Paris 14è au moment de son arrestation ou au 20, avenue de la République à Cachan (Seine-et-Oise / Val-de-Marne) : il existe en effet plusieurs adresses sur sa fiche au DAVCC à Caen.
Il est le fils de Marcelle, Jeanne, Célestine Boucher (née en 1897, décédée en 1957) et de Félix Joseph Mahé, né à Guingamp (côtes du Nord / côtes d’Armor) le 12 mars 1895, décédé en 1993).
Il est reconnu par sa mère lors du mariage de celle-ci avec Félix Mahé, le 4 août 1923 à Paris 15è. Il a un frère, René né en 1921 à Paris et une sœur, Colette née en 1925 à Cachan. Yannick Mahé est adopté par la Nation en 1923 (son père, blessé grièvement en 1915 est décoré de la médaille militaire, Croix de guerre, médaille avec palme).
En 1926, la famille vient s’installer dans un pavillon de la Cité-Jardins de Cachan, au n° 210. Son père travaille comme métallurgiste chez Berline.
A la fin de 1936, ils déménagent au 20, avenue de la République à Cachan. Yannick Mahé travaille comme mécanicien outilleur.
Il est membre du Parti communiste.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Yannick Mahé est arrêté le 1er février 1941 avec son père et un autre militant, Ernest Poupon, pour « activité communiste ». Inculpés d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste), ils sont alors conduits au Dépôt de la maison d’arrêt de la Santé, à disposition du Procureur en attente de jugement.
Début février 1941, Yannick Mahé est condamné à 8 mois de prison par la 12è chambre du tribunal correctionnel de la Seine, son camarade à 6 mois. Yannick Mahé fait appel de la sentence le 4 mars. Conduit au Dépôt de la Préfecture, le 25 mars 1942 en attente de son appel, il est relaxé le même jour.
Yannick Mahé est de nouveau arrêté le 28 avril 1942, lors d’une rafle concernant tout le département de la Seine et visant des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff).
Lire dans le site le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).
A Compiègne il reçoit le matricule « 4075 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Yannick Mahé est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45 811 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il est affecté à la Brotfabrik, boulangerie du camp, éloignée d’environ deux kilomètres du camp principal d’Auschwitz. Gabriel Lejard se souvient avec émotion de l’aide de son camarade Yannick Mahé. Chaque jour, celui-ci mettait deux pains sous les barbelés devant lesquels passait la colonne du kommando de Gabriel Lejard : « Ce n’était pas du troc ! On travaillait aux cailloux, qu’est-ce que tu veux qu’on donne ?« « On arrivait, « ein, zwei »… on se baissait. Parfois, on recevait un coup de trique et les deux pains croulaient. Mais ceux qu’on ramenait, on se les partageait ».
Yannick Mahé meurt à Auschwitz le 21 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 882 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Un arrêté ministériel du 1er juin 1994 paru au Journal Officiel du 16 juillet 1994 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté corrige le précédent qui indiquait mort le 6 juillet 1942 à Compiègne. Mais il indique néanmoins une date erronée : décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz, soient les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quant à la date réelle de décès à Auschwitz. Celle-ci est désormais connue. Il serait souhaitable que le ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français). Lire dans le site : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Yannick Mahé est homologué comme « Déporté politique » en 1946. Sa mère Marcelle habite au 38, rue Mouton-Duvernet à Paris (14è) après guerre.
Le nom de Yannick Mahé est inscrit sur le monument FFI commémoratif de Cachan, premier monument édifié après-guerre par souscription publique (honorant résistants, fusillés, déportés).
La carte de déporté politique est attribuée conjointement à sa mère (28, rue du général Leclerc à Bourg la Reine, puis 39, avenue Ernest Renan à Cachan, ainsi qu’à madame veuve Vincent (sa grand-mère), domiciliée au 65, avenue de l’Amiral Roussin à Paris 15è. Les parents de Yannick Mahé ont déposé une demande d’homologation au titre de la Résistance intérieure française (service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 383973), comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance (Front national).
Il n’y a pas d’homologation correspondant à l’une des cinq catégories de Résistants (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL) sur la base de données du SHD.
Sources
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- © Site Internet MemorialGenWeb.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Témoignage de Gabriel Lejard in « Triangles rouges à Auschwitz » page 107 et cassette audio (1988).
- Death Books from Auschwitz / Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Archives en ligne de Paris et du Val de marne, état civil et recensements.
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Photo de Yannick Mahé : dossier statut DAVCC.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2012, 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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