Matricule « 45 355 » à Auschwitz  Rescapé

 

Carte d’immatriculation au KL Dachau, 16 mars 1945. Tampon de Mauthausen et visa de l’US Army
Henri Charlier après son retour des camps, collection Cécile Charlier
Henri Charlier : né en 1900 à Besmont (Aisne) ; domicilié au Blanc-Mesnil (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis) ; ouvrier agricole, puis mouleur en fonte ; communiste ; arrêté le 18 septembre 1940 ; condamné à 6 mois de prison + 4 par un tribunal militaire allemand (Pontoise); interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; gross-Rosen, Mauthausen, Dachau ; décédé le 11 décembre 1952 dans un accident de la route. 

Henri Charlier est né le 15 septembre 1900 à Besmont (Aisne, in table décennale de Besmont). Il habite au 58, rue des Marguerites au Blanc-Mesnil (Seine-et-Oise / Seine-St-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Clouet, manouvrière, âgée de 18 ans, néele 26 mai 1860 à Coingt, et d’Hyppolite Charlier, né en 1862 à Besmont. Ses parents se sont mariés le 2 novembre 1887. Il a une sœur, Marie, née en 1882 et deux frères, François, né en 1889 et Henri, Emile, né en 1890. En 1911, la famille (les parents et les deux Henri) habite au 42, rue Genot à Besmont.
Il est ouvrier agricole, puis mouleur. Selon son registre matricule militaire, il mesure 1 m 73, a le visage ovale, le nez épaté, le front ordinaire, les cheveux et les yeux châtain foncé. Il a un niveau d’instruction « n° 2 » pour l’armée (sait lire et écrire et compter, instruction primaire).

Il épouse Marie, Louise Petitot à Houdan, le 6 mars 1920. Elle est née le 24 juillet 1901 à Houdan, où elle habite au 3, rue des Clos de l’Écu. Le couple aura trois enfants (Robert, Henri (1920-1976), Simone, Gilberte (1923-2014), et Henri, Gilbert.

« Non recensé en temps utile pour cas de force majeure », (il est classé soutien de famille indispensable le 27 juillet 1920 – car marié et père d’un enfant), Henri Charlier, matricule 703, est néanmoins déclaré « bon pour le service » et incorporé le 16 mars 1920 au 150è Régiment d’infanterie.
Il est transféré au 101è Régiment d’infanterie le 25 avril 1921 et participe à l’occupation des pays rhénans au sein de l’Armée Française du Rhin (AFR). Il « passe » « soldat de première classe » le 25 septembre 1921, puis est versé dans « la disponibilité » (libéré du service militaire), « certificat de bonne conduite accordé » le 15 mars 1922.
Le couple habite successivement (en décembre 1924) au 24, rue aux Juifs aux Mureaux, puis (en janvier 1930) au 6, rue du Pont Galon aux Mureaux. Ils s’installent ensuite au Blanc-Mesnil au 58, rue des Marguerites.

Les fonderies modernes de Bondy

Henri Charlier travaille comme mouleur aux Fonderies modernes de l’automobile de Bondy, 104 rue Edouard Vaillant.
Pour l’armée, cet emploi le fait alors « passer » théoriquement dans la réserve de l’armée active comme «affecté spécial» au titre du tableau 3 de la région (il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit).
Henri Charlier est membre du Parti communiste.
Il est recensé d’office au bureau de recrutement militaire de la Seine (matricule 809) le 4 juillet 1939, classé « affecté spécial », et versé dans la plus jeune classe de la Réserve (en tant que père de famille de 3 enfants). Le registre matricule militaire n’indique pas s’il est maintenu « affecté spécial » ou mobilisé.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Henri Charlier est arrêté le 18 septembre 1940 par la brigade de gendarmerie du Blanc-Mesnil, « à la suite d’une dénonciation, pour distribution de tracts clandestins » (réponse de la Sureté générale à l’enquête de gendarmerie en 1951 pour l’attribution du titre de Déporté Résistant à Henri Charlier).

En même temps que lui sont arrêtés deux autres militants, Léopold Alton et Etienne Renault (rapport de police AD 78 1W 67). Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Henri Charlier est condamné à 6 mois de prison par le tribunal correctionnel de Pontoise.
LTribunal militaire allemand de Versailles aggrave sa peine et le condamne le 11 octobre 1940 à 4 mois de prison supplémentaires pour « menées communistes« . « Par suite d’un deuxième jugement par l’autorité allemande, j’ai été condamné en plus à 4 mois de prison » déclare Henri Chartier lors de l’enquête de gendarmerie de 1951.
Il est écroué à la maison d’arrêt de Pontoise. Il y côtoiera deux autres militants communistes : Joseph Kerhervé, arrêté le 16 avril 1940 et Charles Véron arrêté le 19 septembre 1940. Tous deux seront déportés avec lui à Auschwitz depuis le camp de Compiègne le 6 juillet 1942.
Il écrit à sa famille depuis la prison. Sa petite fille, Cécile Charlier, nous a communiqué les lettres envoyées à sa fille Simone.

Lettre à sa fille Simone / 7 avril 1941

Le 7 avril 1941, prison de Pontoise. Henri Charlier écrit à Simone en réponse à son petit mot du 30 février.
Il lui dit qu’il est en bonne santé et que le moral est assez bon, et lui demande de communiquer ces nouvelles à sa
mère (le nombre de lettres est limité à la Maison d’arrêt). Il lui dit avoir vu « le père Gallet » en allant aux douches. Il recommande à Simone de dire à sa mère de ne pas lui envoyer d’argent, car « il en a encore ». Il lui dit de s’acheter un peu de pain tous les matins et qu’il s’est commandé des topinambours à l’huile et au vinaigre, car ses réserves commencent à s’épuiser et qu’il commence à avoir« le ventre dans les talons ».
Il parle lui de son frère « Tu diras à Riri que c’est un petit fainéant, car il avait dit qu’il m’écrirait, mais je n’ai toujours pas reçu sa lettre. Il est vrai qu’il n’a pas beaucoup de temps car il ne pense qu’à jouer » (Henri est son cadet). Il parle aussi de leur chienne (ou chatte) « Tu me dis que Miquette a fait un de ses tours chez les voisins, mais elle tient de la famille, elle est assez propre et ne laisse rien trainer ! Ils n’ont pas dû être contents… Elle a dû trouver que c’était bien meilleur que la soupe au son ».

Lettre à sa fille Simone / 7 avril / verso

« Je te dirais que nous attendons toujours de passer au tribunal, comme je l’ai dit à ta mère. Il paraît que c’est pour le 18 de ce mois. Je voudrais bien, je t’assure. Ta mère m’a dit que tu ferais ton possible pour venir le jour du jugement, et que tu viendrais à vélo avec Riri, et qu’elle viendrait par le train. Je te dirais que messieurs les juges ne sont pas trop méchants et je compte rentrer avec ta mère à Blanc-Mesnil, près de vous. Car tu sais ma petite Simone, ça commence à me sembler bien long, depuis 7 mois que je suis là, tu dois bien le comprendre toi aussi ma chère petite ».
« Ta mère me dit que ton boulot ne marche pas trop fort en ce moment, mais ma petite, il ne faut pas trop t’en faire, car c’est toujours mieux de travailler que d’être au chômage par les temps qui courent ». « Tu me racontes que notre quartier est toujours aussi calme et que grand-mère sort toujours dans son petit coin. Tu leurs diras bien des choses de ma part, et que j’attends la classe (la libération en argot militaire) avec impatience et que je compte rentrer bientôt. Tu me dis que Caron est rentré : il en a de la veine (…). Ma petite Simone, embrasse bien ta petite mère pour moi et aussi ton petit frère».

Lettre à Simone, 14 avril 1941, recto

Le 14 avril 1941, prison de Pontoise, lettre à Simone.

« Je viens bavarder un peu avec toi et en même temps te remercier de ta gentille lettre que j’ai reçue hier et qui m’a bien fait plaisir de vous savoir tous en bonne santé et de voir que tous
avaient bon moral. Quant à moi, ça va toujours à peu près. Je n’ai pas trop le cafard, depuis que nous savons que nous devons passer
(en jugement) le 23. Ca va beaucoup mieux et je t’assure ma petite que je compte les jours avec impatience. C’est du 8 au jus comme on disait au régiment. Et ce jour vient lentement et surement. Passé ce jour peut-être serons-nous à la maison, ou bien faudra-t-il encore rester en ce lieu ?

Lettre à Simone, 14 avril 1941, verso

C’est bien ce qui nous inquiète, car vois-tu ma petite, j’ai l’impression que nous ne serons pas quittes. Car comme je l’ai dit à ta petite mère, c’est les 4 mois que j’ai eu par les Allemands.
Une supposition que le tribunal français me condamne à 6 mois et ne fasse pas la confusion de peine, il me resterait encore près de deux mois à rester ici. Alors tu vois ma petite que le calvaire qui m’est imposé ici n’est pas encore terminé. Enfin en attendant d’être passé par là pour en avoir le cœur net, mais n’importe comment, je ne pense pas rentrer ce jour-là en même temps que vous. Et pourtant de voir par les barreaux de ma cellule le beau temps qu’il fait dehors, je t’assure que je voudrais être sorti d’ici et au moins je pourrais respirer le bon air qui fait dehors ». Il change de sujet et questionne sa fille sur les petits lapins et sur le besoin de leur trouver de quoi brouter. « Tu me dis que Riri est en vacances. Il pourrait aller leur ramasser des herbes dans les champs » et il continue « dis-lui qu’il pense un peu à moi, et que j’attends toujours ma petite lettre ». Il poursuit sur les fêtes de Pâques et les cloches qui n’ont pas arrêté de sonner « et je te dis que ce doit être un sacré pays de bigots ce Pontoise ». Il poursuit en revenant sur le jour du jugement où il espère bien les voir et les embrasser.

25 avril 1941, prison de Pontoise

25 mai 1941

Henri Charlier fait réponse à la petite lettre de sa fille, et comme le font tous les
détenus ou internés dont nous avons pu lire les lettres, il l’assure qu’il n’a
pas trop le cafard et qu’il est en bonne santé. Il croit toujours être bientôt
libéré : « je te dirais que la classe vient petit à petit. Car encore 10 jours et je pense bien être parmi vous et pouvoir respirer l’air du Blanc-Mesnil ».
Comme sa fille lui a écrit que son petit frère Riri n’était pas content de la
cantine, il répond « 
tu n’as qu’à lui dire qu’il vienne prendre ma place ici et alors il verrait la différence avec la cantine ». 

Le 29 mai 1941, le préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevalier, demande par écrit au commissariat central d’Aulnay-sous-Bois de lui donner un avis sur l’opportunité d’une mesure d’internement concernant Henri Charlier, libérable le 3 juin suivant. Le 2 juin, le commissaire du Blanc-Mesnil répond : « Charlier reprendrait sa propagande s’il était relâché » et « il est prudent de prendre à son égard un arrêté d’internement ». A l’expiration de sa peine d’emprisonnement Henri Charlier n’est donc pas libéré.

Carte envoyée du camp d’Aincourt à Simone

Le Préfet de Seine-et-Oise ordonne son internement administratif au camp d’Aincourt en application de la Loi du 3 septembre 1940 (1). De la prison de Pontoise, il est donc transféré au camp d’Aincourt le 5 juin 1941. Lire dans le blog : Le camp d’Aincourt

Carte du camp d’Aincourt.

Sur la carte postale d’Aincourt qu’il envoie à sa fille (ci-contre), il a porté la date du 12 mai 1941, mais s’est manifestement trompé, les documents administratifs cités plus haut (préfet et commissariat du Blanc-Mesnil) faisant foi.
Dans cette carte il écrit qu’il est toujours en bonne santé « et tu sais le moral est très bon, car ici je suis avec des bons camarades. Et tu sais je suis surtout mieux qu’à Pontoise. Il n’y a même pas de comparaison. Nous sommes de fait mieux nourris ».
Il espère que « son boulot marche bien et qu’elle n’a pas trop la poisse avec son vélo« . Il la charge d’embrasser sa famille pour lui. 

Le 27 juin 1941 Henri Charlier fait partie du groupe de 88 internés d’Aincourt qui sont transférés au camp allemand de Compiègne (mémoire de maîtrise d’Emilie Bouin).

Ils ont tous été désignés par le directeur du camp avec l’aval du préfet de Seine-et-Oise. Conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, ils sont ensuite convoyés au Fort de Romainville, qui dépend du camp de Compiègne.  Quelques jours plus tard (Henri Charlier pense qu’il s’agit du 10 juillet 1941), ils sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontsalag 122).
A Compiègne, Henri Charlier se retrouve avec deux autres militants communistes du Blanc-Mesnil internés eux aussi à Aincourt et transférés vers Compiègne le 27 juin 1941 : Yves Cariou, (arrêté le 1er novembre 1940) et Marcel
Alizard
(arrêté le 18 janvier 1941). 

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Charlier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Dessin de Franz Reisz, 1946

Henri Charlier est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 355» selon la liste par
matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais – sera désormais sa seule identité pour ses gardiens.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Henri Charlier reste à Birkenau au Block 14. Il est dans le même Kommando (tannerie) que Jean Pollo. Il est témoin de l’horreur au quotidien, décrite minutieusement par René Maquenhen (lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz).
La plupart des « 45 000 » vont mourir dans les premiers mois de leur arrivée. A la fin de l’année 1942, ils ne sont plus que 220 survivants et 150 environ en mars 1943 !

Un soir (le 16 ou le 17 mars 1943), après l’appel, la plupart des « 45 000 » survivants à Birkenau (vingt-cinq) sont rassemblés. Consignés dans un block, dix-huit d’entre eux – dont Henri Charlier et Jean Pollo – sont conduits le lendemain sous escorte au camp principal, Auschwitz I.

En application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, Guy Lecrux, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz (140 « 45000 » environ), reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments. Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943. Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du site « les 45000 au block 11.  Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.

Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, Henri Charlier est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants.
Lire l’article du site « les 45 000 au block 11.
Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Le 3 août 1944, il est à nouveau placé en “quarantaine”, au Block 10, avec les trois quarts des “45000” d’Auschwitz pour être transférés vers d’autres camps (ce qu’ils ignorent).

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.  Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".

Un groupe de 31 est transféré le 28 août pour Flossenburg, un autre groupe de 30 pour Sachsenhausen le 29 août 1944. Un troisième groupe de 30 quitte Auschwitz pour Gross-Rosen le 7 septembre. Henri Charlier est de ceux qui restent à Auschwitz  jusqu’au début de 1945.

Henri Charlier est transféré à Gross-Rosen le 21 janvier 1945 (il y est interné du 25 au 30 janvier 1945).

Le camp de Mauthausen en 1945

Henri Charlier est transféré à Mauthausen le 8 février (le 15 février il reçoit le matricule n° « 127659 »).
Atteint de pneumonie, il est si malade que Jean Pollo – qui est lui aussi déporté au camp de Mauthausen -, a cru qu’il était mort avant le retour en France.

Carte d’immatriculation au KL Dachau, 16 mars 1945. Tampon de Mauthausen et visa de l’US Army

Il est transféré à Dachau le 16 mars où il reçoit le matricule n° « 145437 ». La 45e division d’infanterie de la 7e armée US libère le camp de Dachau le 29 avril 1945.
Libéré, Henri Charlier regagne Paris le 30 mai.
Henri Charlier habite à la même adresse à son retour (au 58, rue des Marguerites) au Blanc-Mesnil. Il est malade, souffrant de « séquelles appréciables de tuberculose pulmonaire » (il a une pension d’invalidité de 10 %). Il est homologué « Front national » le 8 novembre 1948.

Il décède le 11 décembre 1952, « des suites d’un accident de la route » d’après le témoignage de M. Deneux. « Il est renversé par une camionnette alors qu’il rentrait du travail à mobylette. Sa fille Simone avait conservé une coupure de presse de l’époque mentionnant l’accident » (courriel de son arrière petite fille, Cécile Charlier).

Une perte cruelle

« C’est avec stupeur que nous avons appris le décès de notre camarade Henri Charlier, blessé mortellement en revenant de son travail. Lundi 8, Henri Charlier qui rentrait de son travail à mobylette a été renversé par une auto à Pavillon-sous-bois. Transporté à l’hôpital avec fracture du crâne et la mâchoire fracassée, il est décédé après être resté 48 heures dans le coma.
Qui ne se rappelle, dans le quartier des Sables, l’émouvante réception qui lui fut faite à son retour des camps de la Mort, où il a laissé tant de ses frères de misère, en particulier son compagnon de souffrance Yves Cariou. Nous le voyons encore revenir, décharné, lui l’homme si fort, ses yeux hagards reflétant encore l’horreur
de l’enfer qu’il avait supporté. Nous te disons un dernier adieu, en jurant que tes souffrances n’auront pas été vaines, et que, toujours, nous lutterons pour la Paix
« . 
Trémoulet

Henri Charlier est homologué au titre du Front National le 8 novembre 1948. Il est homologué comme « Déporté politique ».

  • Note 1 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des
    victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
    Fiche individuelle consultée en octobre 1992 et dossier statut.
  • Registre matricule militaire d’Henri Charlier.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt
    d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone
    occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
    / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Archives de la police / BA 2374
  • Liste des 88 internés d’Aincourt (tous de
    l’ancien département de Seine-et-Oise) remis le 27 juin 1941 à la disposition
    des autorités d’occupation
  • Enregistrement sur cassette audio de Jean
    Pollo (15 février 1991)
  • Joël
    Clesse et Sylvie Zaidman, La
    Résistance en Seine-Saint-Denis
    , 1940-1944, éd. Syros, juin 1994, page
    377.
  • Rapport de la Direction générale de la Sûreté
    Nationale, 26 avril 1951.
  • ©Dessin de Franz
    Reisz, in « Témoignages sur
    Auschwitz »,
    ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz
    (1946).
  • ©Mauthausen, US
    holocaust museum.
  • Courriels documents et photos envoyés par son arrière petite fille, Cécile Charlier (septembre et octobre 2016).

Notice biographique installée
en octobre 2013 (complétée en 2016 et 2019 ) à partir de la
notice rédigée en 2002 pour l’exposition de Paris de l’association «Mémoire vive» par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages
: «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942
 
»
Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille
otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000
»,
éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces
références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou
d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou
corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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