Ernest Rossignol Anne-Marie Rossignol,

Matricule « 46 071 » à Auschwitz

Ernest Rossignol : né en 1910 aux Essarts-le-Vicomte (Marne) ; domicilié à Issy-les-Moulineaux (Seine) ; rectifieur ; syndicaliste et communiste ; arrêté le 4 mai 1941, condamné à 10 mois de prison, ramenés à six en appel (Santé, Fresnes) ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942. 

Ernest Rossignol est né le 25 décembre 1910 aux Essarts-le-Vicomte (arrondissement de Champernay, Marne). Il habite au 50, boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux (Seine / Hauts-de-Seine), puis au 26, allée Hoche de cette même ville au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Pingot, 29 ans (née le 6 mars 1881 à Lorreis, Loiret) et de Camille Rossignol, 31 ans (né aux essarts le 21 juin 1879) charretier, son époux. Ses parents se sont mariés le 16 novembre 1901 aux Essarts. Il a deux sœurs aînées, Marie-Gabrielle, née en 1902 et Camille, Ernestine, née en 1904.

Le 30 juin 1934, Ernest Rossignol épouse Anne-Marie Sefrin à Issy-les-Moulineaux.
Elle a 29 ans, née le 15 novembre 1904 à Contwig (Rhénanie-Palatinat / Allemagne). Sans profession, elle est domiciliée au 4, rue Auguste Gervais à Issy.
Le couple a deux enfants : Marie-Jeanne (née le 25 novembre 1929) et Guy, Ernest (né le 18 juin 1939).
Le 27 avril 1936, il est embauché chez Gnome et Rhône (SMGR / Société des Moteurs Gnome et Rhône), 70, boulevard Kellerman (Paris 13è).  « Embauché à la Société des Moteurs Gnome et Rhône (SMGR) le 27 avril 1936 en qualité de rectifieur, il est alors domicilié au 51, boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux » (1).
En 1936, il adhère à la CGT et au Parti communiste (cellule Victor Hugo), sollicité par des camarades de travail. Selon son épouse, il n’avait jamais milité.
Il est aussi membre d’une société de pêche.
À partir du premier juillet 1937, Ernest Rossignol déménage au 26, allée Hoche à Issy-les-Moulineaux. A la déclaration de guerre, Gnôme et Rhône, fabricant de moteurs d’avion qui équipent notamment les avions Bloch MB.210, MB.152, Le O 451 et Amiot 351) relève de la Défense nationale : Ernest Rossignol est classé « affecté spécial » au titre du tableau III, mobilisé sur son poste de travail.
«  Il est « porté sorti » le 30 mai 1940 avec la mention « Arnage » ce qui laisse supposer qu’il aurait été volontaire pour rejoindre la nouvelle usine d’Arnage dans la Sarthe » (1) au moment du repli en province.

Le 3 juin 1940, l’aérodrome d’Issy-les-Moulineaux, servant de base aux avions de l’Etat Major de l’armée
française pour les liaisons, et la cartoucherie Gevelot sont bombardés par la Luftwaffe (nom de code « Opération Paula ».  Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Il s’inscrit au fonds de chômage d’Issy-les-Moulineaux. Au printemps 1941, il est embauché au garage Aubry et Simonin, 28, boulevard du Parc à Neuilly (Seine / Hauts-de-Seine).

Le 3 mai 1941, il est arrêté à son domicile par la police française, « pris comme communiste, alors qu’il était syndicaliste CGT » (témoignage
d’Anne-Marie Rossignol, sa veuve), le même jour qu’onze autres militants, dont Paul Dumont, qui sera déporté avec lui à Auschwitz.
Selon les archives de la police, il aurait été pris en flagrant délit par les agents du commissariat de Vanves avec Paul Dumont sur le boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux alors qu’ils peignaient sur les murs avec un rouleau imprimeur en caoutchouc (principe de la tampographie), le slogan « Le Gouvernement du peuple fera la France Libre ».
Le 4 mai, inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (interdisant le Parti communiste), il est écroué à la maison d’arrêt de la Santé.
Le 28 avril 1941 il est transféré à la maison d’arrêt de Fresnes. Le 10 mai 1941, il est condamné avec son camarade à 10 mois de prison par la 12è chambre du tribunal correctionnel de la Seine. Il fait appel de la sentence comme son camarade.
Le 28 juillet, leur peine est réduite à 6 mois par la cour d’appel de Paris.

Le CSS de Rouillé (in VRID)

A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, le Préfet de police de Paris, François Bard, ordonne son internement  administratif, en application de la loi du 3 septembre 1940 (2). Maintenu au Dépôt de la préfecture de Paris, Ernest Rossignol est transféré au camp de « séjour surveillé » de Rouillé (2) le 9 octobre 1941, au sein d’un groupe de soixante communistes de la région parisienne (40 détenus viennent du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et  20 viennent de la caserne des Tourelles).
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé ‎
Au début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé (2) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne.
Le nom d’Ernest Rossignol (n°161) y figure.

Sa lettre jetée du train recto

C’est avec un groupe d’environ 160 internés (3) qu’il arrive au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Sa lettre jetée du train, verso

La veille du départ du convoi pour Auschwitz, il prépare une lettre pour son épouse, qu’il lancera depuis le wagon. Le texte de cette  lettre a été publiée par « Le Patriote Résistant  » de mars 1972.

Depuis le camp de Compiègne, Ernest Rossignol est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Ernest Rossignol est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46 071 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Ernest Rossignol meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1026).  Cent quarante-huit «45 000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp.
D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les Blocks d’infirmerie. Lire 80 % des 45 000 meurent dans les 6 premiers mois, pages 126 à 129 in « Triangles rouges à Auschwitz« .

Témoignage de Maurice Martin

Son camarade Maurice Martin de Gentilly a signé une attestation selon laquelle il est mort à Auschwitz, indiquant le mois de décembre 1942 comme date de décès.
Ceux qui eurent ainsi à signer de telles attestations étaient bien souvent incapable de fournir une date exacte.
Néanmoins, grâce à ce témoignage, Anne-Marie Rossignol aura-t-elle su que son mari était mort quelques mois seulement après sa déportation.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune, et une plaque en Mairie d’Issy-les-Moulineaux rappelle son souvenir.

La mention Mort en déportation est apposée sur son acte de décès (arrêté du 14 septembre 1998 paru au Journal Officiel du 2 décembre 1998). Cet arrêté porte néanmoins une mention erronée basée sur le témoignage de Maurice Martin, de Gentilly, rescapé : « décédé le 15 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).

Stèle à Issy : Camille Delbès, Paul Dumont,  Louis Lacour, Ernest Rossignol.  Quatre « 45000 » sont honorés Il y manque Marcel Burel.

Lire dans le  site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death
books»
et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Son nom et celui de trois autres « 45 000 » est honoré sur le monument aux morts de la commune.

  • Note 1 : In « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » par Serge Boucheny et Dominique Guyot. Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA 2018. Page 159.

  • Note 2 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy en 1941. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Les premiers visés sont les communistes
  • Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 4 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Photos de sa dernière lettre recto-verso adressée à son épouse (photocopies et photos reproduites par la FNDIRP) , écrite la veille du départ et lancée depuis le train. La plupart de ces lettres ont été ramassées par des cheminots et postées ou acheminées par eux.
  • Photo (original) d’avant-guerre communiquée par son épouse en 1989.
  • Lettre d’Anne-Marie Rossignol (1989)

    Lettre de Madame Anne-Marie Rossignol, sa veuve (29 / 9 / 1989).

  • Correspondance avec M. L. Moreau, archiviste municipal d’Issy les Moulineaux.
  • Archives en ligne de la Marne.
  • Archives de la Préfecture de Police, cartons occupation allemande, BA 2374. 

  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42 N° 161.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet www. Mortsdanslescamps.com 
  • « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » par Serge Boucheny et Dominique Guyot. Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA 2018.

    Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45 000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
    Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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