Matricule « 45 814 » à Auschwitz
René Maillard : né en 1896 à Notre-Dame-de-Bondeville (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) où il est domicilié ; boulanger, manœuvre, métallurgiste ; adhérent au Parti communiste et à la CGT ; arrêté comme otage dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941 ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 août 1942.
René Maillard est né le 15 mars 1896 à Notre-Dame-de-Bondeville (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) où il habite 102, route de Dieppe au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Eugénie Aufray, 35 ans, sans profession et d’Emile, Gustave Maillard, 36 ans, journalier, son époux.
Il a quatre sœurs et frères (Eugénie, née en 1888, Jeanne, née en 1890, Emile, né en 1891 et Émilienne, née en 1899).
La famille habite au 37, impasse de la Paix à Notre-Dame de Bondeville.
René maillard est ouvrier boulanger. Conscrit de la classe 1916, René Maillard devance l’appel et s’engage pour 4 ans, le 13 août 1914.
Sa fiche de signalement militaire le décrit : 1m 68, cheveux châtains, yeux gris, visage ovale. Il est affecté successivement au 24ème Régiment d’Infanterie, puis au 119ème RI le 10 mars 1915. Il fait les campagnes des Ardennes, de la Marne et de la Somme.
Au cours d’une permission il épouse à Notre-Dame-de-Bondeville, Adrienne, Ernestine, Léonie Tassery, le 22 septembre 1917.
Elle est née le 11 février 1897 à Saint-Jean-du Cardonnay (Seine-Inférieure). Le couple a deux filles, dont Jacqueline, née en 1924 à Notre-Dame-de-Bondeville.
Revenu au front René Maillard est fait prisonnier le 2 novembre 1917, au bois Derlhy, dans le secteur de Vaudesson (Aisne).
Il sera rapatrié d’Allemagne le 13 décembre 1918. Il est alors affecté au 403ème RI, puis au 39ème RI le 27 mars 1919.
René Maillard, rendu à la vie civile, est alors manœuvre aux Ponts et Chaussées et adhérent à la CGT.
En 1936, la famille habite au 52, route de Dieppe à Notre-Dame-de-Bondeville. René Maillard est métallurgiste chez Van Leer, son épouse et sa fille Jacqueline sont ouvrières d’usine chez Gresland.
Il est membre de la cellule du Parti communiste de sa commune.
Son registre matricule militaire ne fait pas mention d’une mobilisation en 1939. Père de deux enfants vivants, il a été rattaché à la classe 1914 (mobilisable). il a peut-être été classé « affecté spécial » dans son entreprise.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dès le 31 août 1940 les Allemands arrêtent des otages au Trait et à Duclair à la suite de sabotages de lignes téléphoniques. A partir de janvier 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes.
Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
A partir de mars 1941, René Maillard est à nouveau employé aux Ponts et Chaussées. Sa femme est ouvrière d’usine aux aciéries de Maromme et une des filles travaille aux Établissements Anceaume à Bapeaume-lès-Rouen.
René Maillard est arrêté à son domicile par les gendarmes français dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941. Son arrestation est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly). Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre. Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. La moitié d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
René Maillard est interné à Compiègne le 25 octobre 1941. Il y reçoit le numéro matricule 2024.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, René Maillard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
René Maillard est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 814» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
René Maillard meurt à Auschwitz le 17 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la
municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 760).
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès, (arrêté du 1er juin 1994, parution au Journal Officiel n°163 du 16 juillet 1994).
René Maillard est déclaré «Mort pour la France» et homologué «Déporté politique».
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune, route de Dieppe. Trois autres déportés du même convoi y sont honorés : Lucien Bellet, Léopold Duparc et André Godebout.
Sources
- Liste de militants de la CGT fusillés ou déportés pour leur action dans la Résistance établie parla CGT de Seine Maritime (page 7).
- Liste «de noms de camarades du camp de Compiègne», collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1991).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
- © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»
- Courriel d’octobre 2012 de Jean-Paul Nicolas, syndicaliste, collaborateur du Maitron (livret militaire de René Maillard. Archives de Rouen).
- Informations généalogiques concernant la fratrie : Madame Vinciane Vadcard.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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