Matricule « 45 903 » à Auschwitz
Simon Moreau : né en 1903 à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), où il est domicilié ; monteur ; arrêté dans la nuit du 21 juin au 22 juin 1941, présumé communiste ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.
Simon Moreau est né le 24 mars 1903 à Rouen (1). Il habite au 34, rue du Vieux Palais à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Giner et d’Edgar Moreau son époux.
Il travaille comme monteur et il est célibataire.
Son nom ne figure pas à l’adresse du 34, rue du Vieux Palais à Rouen lors du recensement de 1936.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dès le 31 août 1940 les Allemands arrêtent des otages au Trait et à Duclair à la suite de sabotages de lignes téléphoniques. A partir de janvier 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes.
Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Simon Moreau est arrêté vraisemblablement la nuit du 21 au 22 juin 1941 et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122).
Concernant sa date d’arrestation : son numéro matricule à Compiègne (n°1412) et la comparaison de celui-ci avec les matricules de Compiègne de deux autres rouennais, Raoul Mary (n°1414) et Raymond Mouret (n°1425), laisse penser qu’il a été arrêté avec eux en tant que communiste dans la nuit du 21 juin au 22 juin 1941 (2), et qu’il a été transféré à Compiègne dans les jours suivants.
Il a donc certainement eu une activité militante, soit syndicale, soit politique, ou les deux, qui a conduit à son fichage par les services de Police.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Simon Moreau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 903» selon la liste par
matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Il se déclare catholique lors de l’immatriculation.
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz
Simon Moreau meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 828). Les causes du décès portées sur le certificat «Schwaches Herz und Fleckfieber » (faiblesse cardiaque et typhus) sont fictives. Lire à ce propos dans le site Des
causes de décès fictives.
Il convient également de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18, 19 ou 20 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp été enregistrés à ces mêmes dates. Les motifs de décès portés sur les registres sont répétitifs et sans doute fictifs. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les blocks d’infirmerie.
Aucune demande de carte de déporté n’a été formulée pour lui après la guerre d’après le DAVCC.
- Note 1 : il s’agit de la date et du lieu de naissance inscrits sur les registres d’Auschwitz (page 828 du Sterbebücher von Auschwitz – livre des morts). Mais cette date ou le lieu de naissance sont certainement erronés, car on ne trouve pas d’acte de naissance à cette date sur le registre des naissances de la ville de Rouen pour l’année 1903.
- Note 2 : Il s’agit de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom «d’Aktion
Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici la caserne Hatry de Rouen), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour-là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Sources
- Mairie de Rouen : contact du 18 juillet 1992.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Et fiche individuelle consultée aux ACVG en juillet 1992
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- « Décédés du convoi de Compiègne en date du 6/7/1942 ». Classeur Ausch. 1/19, liste N°3 (Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Listes Auch 1/7. N°31927 et n°247.
- Recensement de 1936 à Rouen, canton 1, 1936, page 401.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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