Matricule « 45 333 » à Auschwitz
Marcel Carville : né en 1893 à Elbeuf (Seine-Inférieure/Seine-Maritime) où il est domicilié ; journalier, débourreur, cardier ; tapissier ; prisonnier de guerre en 1914 ; militant CGT ; arrêté le 23 janvier 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 8 août 1942.
Marcel Carville est né le 30 mars 1893 à Elbeuf (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). Il habite au 7, rue Bourdon à Elbeuf au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Augustine Ridout, 22 ans, née le 1er décembre 1870 à Elbeuf et d’Auguste Alphonse Carville, 31 ans son époux.
Il a trois sœurs aînées (Augustine, née en 1888, Marie-Louise, née en 1889, Victoire née en 1891). Sa mère décède le 17 avril 1894 à Elbeuf. Elle avait 23 ans.
Marcel Carville aura quatre demi-frères à la suite du remariage de son père avec Louise Bouillette (Fernand, né en 1899, Georges, né en 1901, Eugène Constant, né en 1903, Eugène-Marie né en 1905).
A sa naissance ses parents habitent au 52, rue de la Nation à Elbeuf.
Il travaille comme journalier avant son service militaire.
Conscrit de la classe 1913, matricule « 2522 », il est incorporé le 17 décembre 1913. Après ses classes, il « passe » au 10è Régiment de Hussards le 10 janvier 1914. Lors de la mobilisation générale, il « passe » au 4è régiment de hussards à Royan, 2è peloton, 2è escadron.
Marcel Carville est fait prisonnier le 14 septembre 1914, lors de la première offensive de la bataille de l’Aisne à Armifontaine (Aisne) et reste interné en Allemagne au camp de Quedlinburg jusqu’en janvier 1919.
On trouvera sur le site de Madame Gerbaud Davye, des informations et sources complémentaires avec le lien suivant http://prisonniers.camp-de-quedlinburg.fr/carville.html.
On notera sur la fiche du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) ci-contre que les informations sont à communiquer à Madame Jeanne Carville, au restaurant James, rue Gambetta à Cherbourg.
Après l’armistice, Marcel Carville est rapatrié le 15 janvier 1919 et est alors versé au 7ème Régiment de chasseurs le 7 avril 1919. Il est renvoyé dans ses foyers en août 1919.
Il revient alors habiter chez ses parents au 52, rue de la Nation, devenue rue Guynemer à Elbeuf.
Le 22 mai 1920, il épouse à Elbeuf, Claire, Suzanne Forestier, née à Elbeuf le 29 mars 1895. En 1921 le couple emménage au 8, rue Victor Grandin à Elbeuf. Il va alors travailler comme ouvrier dans les entreprises de textile de la ville. Entre cette date et son arrestation, il déménagera 4 fois, toujours à Elbeuf.
En 1925, il travaille comme débourreur. Le 2 septembre 1927, on sait par son registre matricule militaire qu’il est condamné à 13 mois de prison avec sursis. Il travaille comme cardier en 1937.
Marcel Carville est un militant de la CGT.
En 1938, il travaille aux Etablissements Gasse frères et Cautelou à Elbeuf (tissage puis apprêt des étoffes de laine). Il est pour la Réserve de l’armée « Affecté spécial ».
Le 15 février 1939, il est rayé de l’affectation spéciale, comme le seront la grande majorité des « affectés spéciaux » de France, connus comme cégétistes ou communistes).
Le 19 septembre 1939 à Elbeuf, étant divorcé de Suzanne Forestier (celle-ci épousera Maurice Coquerel en 1945), il épouse Emelie, Félicie Coquerel. Née le 22 décembre 1891à Elbeuf, elle est veuve en 1932 de Henri Aguinet, épousé en 1916 à Elbeuf (elle est décédée en 1956 à Elbeuf).
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Marcel Carville est arrêté le 23 janvier 1942 à Elbeuf comme otage (LA 12.228 au DAVCC). Son arrestation est probablement ordonnée à la suite de la mort d’un caporal de la Wehrmacht, tué par balles le 21 janvier 1942 à Elbeuf.
9 otages sont exécutés, d’autres, comme Marcel Carville seront internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne.
Incarcéré pendant presque un mois à la caserne Hatry de Rouen, il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Marcel Carville est transféré le 16 février 1942 au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122) où il y reçoit le numéro matricule « 3615 ».
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Carville est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Marcel Carville est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 333» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photographie d’immatriculation (1) à Auschwitz a été identifiée par des rescapés lors de la réunion organisée par l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin « Après Auschwitz« , n°20 de mars-avril 1948).
Cette photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz
Marcel Carville meurt à Auschwitz le 8 août 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 158).
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (J.O. du 15 novembre 1987).
Son ex épouse, Claire Forestier, épouse en 1945 le frère de la veuve de Marcel Carville, Marie, Fernand Coquerel.
- Note 1 : 524 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Liste de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
- Séance d’identification de 122 «45.000» le 30 avril 1948 par les rescapés du convoi, à partir des photos d’immatriculation de près de 500 de leurs camarades reçues de Pologne par l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin « Après Auschwitz« , n°20 de mars-avril 1948).
- Liste «de noms de camarades du camp de Compiègne», collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800).
- Death Books from Auschwitz/ Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts) : Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des
détenus immatriculés). - Bureau de la Division (ou Pôle) des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en décembre 1992.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été identifiée par des rescapés lors de la réunion organisée par l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin « Après Auschwitz« , n° 20 de mars-avril 1948).
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- © www.camp-de-quedlinburg.fr
- © Etat civil d’Elbeuf et Registres matricules militaires de Seine-Maritime.
- Mail de Mme Gerbaud Davye (février 2018), © http://prisonniers.camp-de-quedlinburg.fr/carville.html
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com