Matricule « 45 361 » à Auschwitz
Maurice Chaumond : né en 1916 au Houlme (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). officiellement domicilié chez son père à Caudebec-en-Caux (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; employé d’épicerie, manœuvre à la SNCAM Paris ; communiste ; arrêté le 21 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 10 août 1942.
Maurice, François, André Chaumond est né le 18 juin 1916 au Houlme (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). Il est officiellement domicilié chez son père, rue Henry Bailleul à Caudebec-en-Caux au moment de son arrestation, mais travaille à Paris en semaine dans une usine d’aviation.
Il est le fils de Constance, Louise Froissard et de François, Louis Chaumond son époux.
Maurice Chaumond a un frère aîné, André, et une sœur aînée, Marthe Chaumond (épouse Godalier).
A la mort de leur mère, en 1920, c’est Marthe âgée d’une vingtaine d’années qui s’occupe de lui, avec leur père François Chaumond.
Célibataire, il est d’abord employé chez l’épicier voisin à «l’épicerie fine Deboos». Il part ensuite travailler dans la région parisienne à l’usine métallurgique SNCAM (Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Midi), mais il revient chez son père chaque samedi.
Son frère André, de 18 ans son aîné, est chef de gare à Nantes.
Maurice Chaumond est « placé dans la 5ème partie de la liste » à l’issue du conseil de révision de 1937, c’est-à-dire qu’il est réformé temporaire, « ajourné faiblesse ». Il passe devant la commission de réforme en 1938 qui l’ajourne à nouveau. En 1939 il repasse devant la commission de réforme et est cette fois-ci reconnu apte, « placé dans la 1ère partie de la liste ».
A la déclaration de guerre, il est « appelé à l’activité le 28 novembre 1939 ».
Travaillant à Paris, il ne rejoint pas immédiatement le centre de mobilisateur. Il se présente au dépôt de Seine-Inférieure 32, le 16 janvier 1940, et au centre de recrutement de Rouen le 31 janvier 1940. Il rejoint son bataillon (le 122ème bataillon de l’Air basé à Chartres) le 2 février 1940.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Maurice Chaumond est démobilisé fin août 1940.
Maurice Chaumond est surveillé par la Sureté générale de Rouen : sur instructions du Commissaire divisionnaire de Police Spéciale concernant l’activité du mouvement communiste dans les communes de Villequier, Caudebec-en-Caux, Saint-Wandrille, Le Trait, Vatteville-la-Rue et Saint Nicolas-de-Bliquetuit, l’inspecteur de Police Spéciale « R… », après enquête, envoie un rapport à celui-ci le 15 mars 1941. Il y réfute l’opinion recueillie auprès de la plupart des autorités locales selon lesquelles le mouvement communiste y serait en sommeil. Il écrit : « De l’enquête effectuée, il ressort que malgré l’apparente inactivité de l’ex-Parti communiste, les militants de ce parti dissous se livrent à une propagande sournoise » qu’il résume pour chaque localité.
Pour Caudebec il écrit « dans cette localité, le nommé Chaumont,
communiste connu, a marqué une certaine activité. A plusieurs reprises au coursde gardes de câbles téléphoniques allemands, il a demandé après Messager et Loison (1),s ans toutefois les rencontrer à ces gardes. Le 16 février, il a été vu par plusieurs personnes à Vatteville, au lieu-dit « Le Vieux Chêne » porteur d’une musette contenant des paquets enveloppés. Il a été rencontré un peu plus tard sur la route de Villequier à Caudebec-en-Caux. Le Lendemain des
papillons communistes ont été trouvés collés au lieu-dit « Le dos d’âne » sur la route de Villequier à Caudebec. Pendant cette même période des réunions auraient eu lieu à Caudebec-en-Caux, chez un certain Duval (2). A ces réunions Chaumont se serait rencontré avec Duval, la femme Duval » et deux autres personnes dont l’une serait probablement Roussel Daniel, communiste dangereux de Saint-Wandrille »(3).
Maurice Chaumond est arrêté le 21 octobre 1941 au domicile de son père, retraité, à Caudebec, par la gendarmerie française (chef de brigade « M… »), comme «membre du Parti communiste». Son arrestation est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly) Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés les 21 et 23 octobre. Il est écroué comme la plupart de ses camarades à la caserne Hatry de Rouen. Tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. Trente neuf d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Il est immatriculé à Compiègne sous le numéro « 2073 » et affecté au bâtiment A7.
A Compiègne il écrit à sa famille par l’entremise d’amis, « Madame Duval rue Le Quai à Caudebec » (lettre ci-contre).
Le 23 décembre 1941, Maurice Chaumond figure sur la liste de recensement des 131 jeunes communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922, « aptes à être déportés à l’Est« , en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC).
Le jour du départ du convoi, il jette une lettre depuis le wagon («un 8 chevaux en long», écrit-il) en gare de Châlons-sur-Marne. Cette lettre sera transmise à destination, comme des centaines d’autres. Il y annonce à ses amis Duval qu’ils partent pour l’Allemagne et ne savent pas s’ils pourront écrire.
Il leur demande de prévenir son frère et son père. «Je suis en bonne santé et bon moral». Il les remercie pour le colis qu’ils lui ont envoyé par l’intermédiaire de Henri Peiffer, qui est dans le convoi avec «le père Lecoq» (lettre ci-contre).
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Chaumond est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignorait son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45361?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules.
Ce numéro a pu être validé en octobre 2012 grâce à la photo présentée plus haut de Maurice Chaumond avant-guerre sur un hydravion. (4)
Maurice Chaumond meurt le 18 septembre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 165). Cent quarante huit autres «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942. Un nombre important d’autres détenus du camp étant enregistré à ces mêmes dates, on peut penser qu’ils sont tous morts gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée sans doute dans les blocks d’infirmerie.
Maurice Chaumond est déclaré « Mort pour la France » en 1946. Il est homologué comme «Déporté politique». La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès paru au Journal Officiel du 14 novembre 1987.
Son nom est gravé sur le monument aux morts de Caudebec-en-Caux, aux côtés d’un autre déporté non communiste, Marcel Persil.
Son nom est honoré sur le monument commémoratif du PCF, dans la cour de la fédération du P.C.F. au 33 place Général de Gaulle à Rouen, – Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’ ESPOIR et le Désespoir.
Ce n’est qu’à la fin de la guerre que sa sœur apprend sa mort : «quelqu’un est venu lui apporter la montre de Maurice (…). Ce monsieur était en déportation avec Maurice et d’après mes tantes, il venait du Havre et/ou de Paris. Le seul qui corresponde, à mon sens, est Roger Collignon, natif du Havre et qui travaillait sur Paris dans une usine d’aviation, comme Maurice » (Sylvie Zègre, arrière petite nièce de Maurice Chaumond).
- Note 1 : Georges Loison, beau-frère d’Henri Messager entre en même temps que celui-ci dans
l’illégalité en novembre 1940 après une perquisition. Il est fusillé au Mont-Valérien le 11 août 1942. - Note 2 : Georges Duval était cordonnier à Caudebec le long du quai de Seine. Son épouse et lui hébergeaient occasionnellement les enfants Messager pour permette à Simone Messager de se rendre au Trait à vélo afin de soigner ses poumons. Les Duval habitaient sur les arrières de Caudebec dans une usine : la ville avait été rasée en 1940 et la population se relogeait comme elle pouvait. Georges Duval sera également arrêté et interné administratif à Compiègne (Jean Paul Nicolas, Maitron).
- Note 3 : Document de police n°57-393, recueilli en février 2008 par André Messager, fils d’Henri Messager. Celui-ci était secrétaire du syndicat CGT des pétroles, membre du bureau fédéral du Parti communiste clandestin depuis novembre 1940. Il est arrêté le 18 février 1942 à Cherbourg, et sera fusillé au Mont-Valérien le 21 septembre 1942 (in Maitron). Les époux Duval cités par l’inspecteur sont des amis de Maurice Chaumond.
- André Messager a confié ce document à Jean-Paul Nicolas, syndicaliste, collaborateur du Maitron (Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français), qui me l’a transmis.
- Note 4 : Cette photo m’a été adressée par Jean Paul Nicolas, syndicaliste, collaborateur du Maitron. Il étudie depuis 2007 la répression sous l’Occupation, des syndicalistes du raffinage à Port-Jérôme Gravenchon et à Caudebec. Cette photo était en possession de M. Bourdin qui l’avait reçue d’Alain Huon, photographe à Caudebec.
Sources
- Mairie de Caudebec 24 mars 1992.
- Lettre de Mme Odette Lepetit (15 avril 1992) dont les parents, amis de la famille Chaumond, ont été eux aussi arrêtés. Elle m’a communiqué la photocopie d’une lettre de Compiègne et celle de la «lettre du train» de Maurice Chaumond.
- Liste des jeunes communistes nés entre 1912 et 1922, «aptes à être déportés à l’Est» 23/12/1941 (archives du CDJC. XLIV-198).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juin 1992.
- Liste Louis Eudier (annexes de son livre)«Notre combat de classe et de patriotes. 1934-1945».
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
- Courriels de Jean Paul Nicolas, syndicaliste, collaborateur du Maitron. Octobre 2012.
- Documents de police communiqués à Jean-Paul Nicolas par André Messager, fils d’Henri Messager, cité dans ce rapport.
- © Courriel de Mme Sylvie Zègre, arrière petite fille de Marthe Chaumond-Godailier. octobre 2012.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com