Matricule « 45 961 » à Auschwitz
Lucien Pelletier : né en 1904 à Yvetot (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; domicilié à Barentin (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; ouvrier du textile ; candidat communiste aux cantonales, syndiqué CGT ; arrêté par la police française le 21 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 10 août 1942.
Lucien Pelletier est né le 19 septembre 1904 à Yvetot (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). Il habite au 16, rue du général Sarrail à Barentin (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Marthe Darnanville, 20 ans, tisserande et de Georges, Lucien Pelletier, 23 ans, domestique, son époux. Ils se sont mariés en novembre 1903 à Rocquefort (76). Ils habitent rue Rétimare à Yvetot.
Lucien Pelletier est ouvrier du textile, il est adhérent du Parti communiste dans les années précédant la guerre et syndiqué à la CGT.
Son père décède le 16 mai 1914 à Rocquefort.
Le 6 novembre 1926 à Yvetot, Lucien Pelletier épouse Alice, Georgette Délu. Elle est née le 1er décembre 1904 à Carville-la-Folletière (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). Elle est décédée en 1976 à Barentin. Au moment du mariage Alice Délu habite rue Auguste Badin à Barentin.
Lucien Pelletier est le candidat du Parti communiste pour les élections cantonales d’octobre 1937 dans le canton de Pavilly. Sur la liste des candidats de Seine-inférieure publiée par l’Humanité, figure également le nom d’André Pican, qui sera fusillé le 30 mai 1942 au Mont Valérien.
Selon les recherches de M. Claude-Paul Couture, après l’interdiction du Parti communiste, Lucien Pelletier n’appartient pas à un mouvement clandestin défini.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Lucien Pelletier est arrêté le 21 octobre 1941 à son domicile, par des gendarmes français, sur commission rogatoire du Préfet comme « membre du Parti communiste ».
Son arrestation est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly) Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés les 21 et 22 octobre.
Ecroué vraisemblablement à la prison Bonne Nouvelle de Rouen, Lucien Pelletier est remis aux autorités allemandes à leur demande, qui le transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) entre le 19 et le 30 octobre 1941. Trente neuf des militants raflés ces deux jours seront déportés à Auschwitz.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Lucien Pelletier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à Auschwitz sous le nom de Bolletier (même date et lieu de naissance) à son arrivée à Auschwitz, le 8 juillet 1942 avec le numéro matricule « 45 961 », selon la liste par matricule du convoi établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lucien Pelletier meurt à Birkenau le 10 août 1942 d’après le registre d’état civil d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1439) et le Livre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz. Registre des décédés».
Dans le numéro du 30 juin 1945 de l’Avenir Normand, organe régional du PCF de Normandie, ses camarades de la cellule communiste de Barentin, lui rendent hommage, ainsi qu’à Gustave Jonquais et Marcel Hurel.
Il a été homologué comme «Déporté Politique». La mention «Mort en déportation» a été apposée sur son acte de décès (J.O. du 27 août 1996).
Son nom figure sur le monument aux Morts des deux guerres, et sur le Mémorial dans l’église de Barentin.
Son nom est honoré sur le monument installé dans la cour de la fédération du PCF de Seine Maritime (33, place Général de Gaulle, Rouen) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’ESPOIR et le Désespoir ». Relevé Thierry Prunier.
Sources
- Claude-Paul Couture, auteur de «En Seine Maritime de 1939 à 1945» CRDP Rouen, 1986, ancien correspondant départemental du Comité d’Histoire de la 2ème Guerre mondiale (lettre du 8 avril 1992).
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Etat civil en ligne d’Yvetot.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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