Matricule « 46 254 » à Auschwitz
René Paillole : né en 1897 à Aiguillon (Lot-et-Garonne) ; domicilié à Orsay (Seine-et-Oise / Essonne) ; ajusteur, mécanicien ; communiste ; condamné à 6 mois de prison le 5 novembre 1940, effectués à la prison de Fresnes, à la maison d’arrêt de Clairvaux, interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 16 septembre 1942.
René Paillole est né le 3 septembre 1897 à Aiguillon (Lot-et-Garonne). René Paillole habite avec ses parents à Orsay (Seine-et-Oise / Essonne), au 16, rue du Buisson en 1920. Puis il habitera au 11, rue de Libernon au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne Fallières, sans profession, née en 1878 à Aiguillon et de Baptiste Paillole, né en 1867 à Aiguillon, charpentier, son époux.
René Paillole a une formation d’ajusteur.
Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m 70, a les cheveux châtains, les yeux gris, le front bas et le nez busqué, les lèvres épaisses. Au moment du conseil de révision, il habite chez ses parents au 16 rue du Buisson à Orsay.
Il travaille comme ajusteur-mécanicien.
Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1917, il est recensé dans le département de Seine-et-Oise. Il est mobilisé par anticipation (en vertu du décret de mobilisation générale) en 1916, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Il est incorporé le 11 août 1916 au 1er Groupe d’Aviation. Il est transféré au 2è Groupe d’Aviation le 31 janvier 1917. Il est envoyé « aux armées » du 9 juillet 1917 au 8 juillet 1918. Il est blessé ce même jour. Il est envoyé à l’hôpital, puis au dépôt du 9 juillet 18 au 30 mai 1919. Du 31 mai au 9 septembre 1919, il est en « sursis, détaché », comme ouvrier « affecté spécial» au dépôt des Chemins de fer d’Orléans (3è section des Chemins de fer de campagne). Il est réaffecté au 2è Groupe
d’Aviation le 23 octobre 1919. Il est démobilisé à cette date, « certificat de bonne conduite accordé ».
En octobre 1936, René Paillole travaille comme ajusteur « outillage » aux usines Citroën de Javel, 143, quai de Javel à Paris 15è (cette entreprise étant considéré par l’Armée comme relevant de la Défense nationale, il est ainsi considéré comme « affecté spécial », c’est-à-dire qu’il serait mobilisé sur son poste de travail en cas de conflit armé).
Il est membre du Parti communiste. Il est inscrit sur les listes électorales d’Orsay en 1920, 1930 et 1939. René Paillole est rayé de « l’Affectation spéciale » le 27 avril 1939, et « sans affectation » le 11 mai 1939.
A quelques kilomètres au nord d’Orsay les derniers combats ont lieu au Christ de Saclay le 14 juin 1940. Le même jour, l’armée allemande est entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
On ignore sa date exacte d’arrestation, mais le 5 novembre 1940, le tribunal correctionnel de Versailles le condamne à six mois d‘emprisonnement et cent francs d’amende pour « propagande communiste ». Le 20 juillet 1941, il est interné à la maison d’arrête de Fresnes. Puis il est transféré à la Maison centrale de Claivaux. Lire dans le site : La Maison centrale de Clairvaux .
Sur ordre des autorités d’Occupation (13 février 1942), le Préfet de l’Aube le fait transférer avec d’autres détenus de Clairvaux – dont Roger Le Bras, Frédéric Ginolin, Charles Véron – au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122. Il est transféré avec ses camarades à Compiègne le 23 février 1942. Il y est un « otage fusillable ».
En effet, le 20 avril 1942, son nom est inscrit sur une des 2 listes de 36 et 20 otages envoyés par les services des districts militaires d’Angers et Dijon au Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), à la suite de l’attentat contre le train militaire 906 à Caen (lire dans le site: Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942), et suite au télégramme du MBF daté du 18/04/1942.
Le Lieutenant-Général à Angers suggère de fusiller les otages dans l’ordre indiqué (extraits XLV-33 / C.D.J.C). Les noms de cinq militants qui seront déportés avec René Paillole à Auschwitz figurent également sur ces 2 listes (Alfonse Braud, Jacques Hirtz, André Flageolet, Alain Le Lay, René Paillole, André Seigneur).
Il est transféré après cette date au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122) à la demande des autorités allemandes.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, René Paillole est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 254 », selon la liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
René Paillole meurt à Auschwitz le 16 septembre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz Tome 3 page 898). Cent quarante huit «45 000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz entre les 16 et 19 septembre, ainsi
qu’un nombre important de détenus d’autres nationalités : il est probable qu’ils sont tous morts gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée sans doute dans les blocks d’infirmerie. Les SS indiquaient des causes naturelles fictives sur les registres des infirmeries pour masquer ces assassinats collectifs.
Jean Thomas, jeune cheminot de Boulogne-Billancourt, se souvenait de lui à son retour de déportation.
René Paillole est homologué (GR 16 P 454970) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Une voie d’Orsay porte le nom de René Paillole (une impasse dans le quartier du Guichet), qui est inscrit sur le monument aux morts du cimetière communal. Il est mentionné sur le site «Vivre à Orsay» de la municipalité, en ces termes : «Pendant la guerre de 1939-1945, Orsay connaît l’exode puis l’occupation allemande. La commune saura honorer la mémoire de ses héros, René Paillole, mort en déportation, et Louis Scocard, tué à la ferme du Moulon lors d’un combat contre les Allemands». Une cellule du PCF d’Orsay (cellule Croc-Paillole) portait encore son nom en 2011.
Sources
- Courrier de M. Olivier Gorse (archives départementales de l’Essonne, 13 novembre 1991), qui me transmets de nombreux documents : listes électorales 1920 /1930/1939, recensement de 1921, matrice cadastrale des actes de propriété, acte de concession du cimetière d’Orsay.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1991.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique rédigée en août 2011, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Merci pour pour toutes ces explications. J’en ai beaucoup appris aujourd’hui, et j’essayerai d’en savoir encore plus demain. René était mon arrière grand père, et son fils Roger Paillole était mon grand père. Nous ne connaissons pas beaucoup cette période de l’histoire de notre famille à cause des non dis.
Merci encore au nom de toute ma famille.
Bien cordialement.
Bonjour, je suis Damien Robert, fils de Catherine Paillole, fille de Roger Paillole, fils de René Paillole.
Je vous suis sincèrement reconnaissant d’honorer la mémoire de mon arrière grand père, je m’exprime au nom de toute ma famille en vous félicitant pour ce travail fait de façon irréprochable.
Merci du fond du cœur.