Lucien Leducq : né en 1899 à Beauchamps (Somme) ; domicilié à Mers-les-Bains (Somme) au moment de son arrestation ; cheminot ; syndicaliste et communiste ; arrêté le 23 octobre 1941 interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942
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Lucien Leducq est né le 7 mars 1899 au domicile de ses parents à Beauchamps (Somme). Il habite au 12 rue « Mon Oncle » à Mers-les-Bains (Somme) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Joséphine, Maria Folny, 28 ans, ménagère et d’Henri, Aimé,Gustave Leducq, 28 ans, domestique, son époux. Il est le quatrième d’une fratrie de onze enfants : Edmond, Gaston né en 1890, Edmond, Gustave né en 1895, Elise, née en 1897, René né en 1900, Charles, Paul né en 1902 (décédé la même année), Charles, Aimé né en 1907, Marguerite née en 1908, Lucienne née en 1911, Raymond né en 1913, Marcel né en 1914 (décédé en 1915).
Selon sa fiche matricule militaire Lucien Leducq mesure 1m 79, a les cheveux châtain et les yeux bleus, le front ordinaire, le nez moyen. Il a le
visage ovale. Au moment du conseil de révision, il travaille comme chaudronnier à Eu (Seine-inférieure / Seine-Maritime) où il habite au 64 rue Thiers. Il sera par la suite cheminot.
Conscrit de la classe 1919, Lucien Leducq, comme tous les jeunes hommes de sa classe après la déclaration de guerre est mobilisé par anticipation en avril 1918. Il est affecté au 39ème Régiment d’artillerie lourde le 16 avril. Il arrive au corps le 18 avril 1918, deuxième canonnier. Il « passe » au 70ème Régiment d’artillerie à longue portée le 11 janvier 1919, puis au 89ème RAL le 19 septembre 1919. Il est nommé « chauffeur de tracteurs » le 17 janvier 1921. Il est « renvoyé dans ses foyers » le 25 mars 1921, « certificat de bonne conduite accordé », « en attendant son passage dans la réserve de l’armée active » (le 15 avril). Pour hâter l’application du traité de Versailles (versement des dommages de guerre, en particulier le charbon), la première occupation militaire de la Ruhr par l’armée française va avoir lieu en mai 1921 (les effectifs de l’armée du Rhin d’occupation passent de 100.000 à 210.000 hommes) : le gouvernement rappelle les réservistes. Lucien Leducq est donc « rappelé à l’activité » (article 33, loi 8 mars 1905) et arrive au 71ème Régiment d’artillerie à longue portée le 5 mai 1921. Il est démobilisé le 18 juin 1921.
Lucien Leducq épouse Henriette, Flora Lagrange le 27 octobre 1923 à Eu. Elle est née en 1901. En novembre 1923, le couple est domicilié à Mers-les-Bains.
Le couple aura trois enfants : Bernard, Henri et Raymonde.
Il est cheminot, ouvrier aux ateliers de réparation des voitures et wagons à la gare du Tréport-Mers (compagnie des Chemins de fer du Nord). « Employé permanent des Chemins de fer du Nord »,
Lucien Leducq est classé comme « affecté spécial » en tant que réserviste de l’armée active, à la 5ème section des chemins de fer de campagne (c’est-à-dire qu’il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit).
Il est syndicaliste CGT et membre du Parti communiste.
Les Leducq habitent au n°12, rue Mon Oncle (rebaptisée rue Roger Lheureux à la Libération), un chalet en bois aujourd’hui disparu. Cette rue se situe dans le quartier dit « Le Four à Chaux ».
En janvier 1935, il est, pour l’armée, rattaché à la classe 1913 (comme père de famille de 3 enfants).
Après la percée allemande à Sedan, les troupes allemandes se ruent vers Amiens. Située sur la Somme elle est le dernier obstacle naturel avant la Seine et Paris : la ville est un nœud ferroviaire et routier de première importance. Le 19 mai 1940, les Allemands sont aux portes d’Amiens. Malgré une résistance acharnée des armées françaises, Amiens est prise le 20 mai. La prise d’Amiens ouvre à la Wehrmacht la route de Paris et lui permet de poursuivre son offensive vers le sud. Les conditions d’occupation sont très dures. Abbeville, est prise par les Allemands de la 2ème Panzerdivision le 20 mai 1940 et Mers, Eu et Le Tréport le 10 juin. Dès l’été 1940, une poignée d’hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l’occupation, de la mise en place du régime de Vichy. Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures de résistance sont opérationnelles à l’automne 1940.
Dès 1940, une poignée d’hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l’occupation, de la mise en place du régime de Vichy. Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures sont opérationnelles à l’automne 1940.
Pendant l’occupation « Lucien Leducq pose des bases de Résistance au dépôt de chemin de fer du Tréport » (in hommage aux déportés Mersois).
René Maquenhen, dans sa dédicace au fils de Lucien Leducq évoque leur arrestation (voir plus bas).
Lucien Leducq est arrêté le 23 octobre 1941 avec plusieurs autres cheminots. Le même jour des militants connus, comme CREUSET ALBERT, DESENCLOS LUCIEN , BRIET MARIUS et JOURNEL ORPHEE, tous de la même partie du département (la vallée du Vimeu) sont également arrêtés. René Maquenhen, un autre cheminot du dépôt du Tréport, est arrêté le lendemain.
Lucien Leducq est conduit rapidement, sans jugement, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), sans doute le 25 octobre 1941, comme Lucien Désenclos et Marius Briet arrivés à Compiègne à cette date.
Son épouse Henriette sera une résistante mersoise reconnue.
Depuis ce camp, Lucien Leducq va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Lucien Leducq est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 45758 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il était donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves. Il ne figure plus dans mon ouvrage « Triangles rouges à Auschwitz».
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Nous savons par René Maquenhen, qu’il est affecté au « Kommando des couvreurs » et au block 22 à Auschwitz I.
Lire dans le blog les témoignages de son camarade cheminot René Maquenhen : La mort de Lucien Leducq.
Lucien Leducq meurt le 18 septembre 1942, d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 702). De nombreux déportés d’Auschwitz (dont 148 «45000») sont déclarés morts à ces mêmes dates à l’état civil d’Auschwitz : il est vraisemblable qu’il sont morts dans les chambres à gaz de Birkenau, gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les blocks d’infirmerie.
Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte désormais la mention «décédé le 12 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il serait souhaitable que le ministère corrige cette date fictive. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Une rue de Mers-les-bains porte son nom, qui est inscrit sur les monuments aux Morts de Mers les Bains et sur la plaque commémorative apposée sur le quai de la gare de Mers-les-Bains. Le nom d’un autre cheminot «45000», Adélard Ducrocq (d’Eu-La-Chaussée), arrêté le 10 juillet 1941, figure également sur cette plaque.
Sur son registre matricule militaire est fait mention de son appartenance aux FTPF de la Somme « du 1-9-1941 au 23-10-1941. Arrêté le dit jour. Déporté à Auschwitz (…) Certificat d’appartenance aux FFI n°6156-BR-FFCR-FI/ délivré le 9-9-1954 par le général et la 2ème RM ».
Sa veuve Henriette est décédée le 28 mars 1896. Un hommage de la FNDIRP à cette Résistante a été rendu.
Sources
- M. A. Lalou, ADIRP d’Amiens (septembre 1991) a pris contact avec Madame Henriette Leducq «qu’il connaît depuis 45 ans».
- Avis de décès (ACVG, avril 1992)
- «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948″, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz.: N° 31640 – Liste S: N°206.
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
- © The Central Database of Shoah Victims’ Names
- © Site Internet Mémorial-GenWeb.Source photo de la plaque sur le quai de la gare de Mers-les-Bains : Didier Bourry (Genweb)
- ©www.ville-merslesbains.fr/site/pages/mairie/bulletins/…/9.ht
- Carte postale commémorative éditée par la section du PCF du Vimeu, envoyée par M. Gilbert Creuset (16 juillet 2011).
- Courriel de François
Thuillier, 5 juillet 2013 qui a été longtemps voisin avec Madame Henriette Leducq. - Photo de la maison de la famille Leducq (envoi de M. François Thuillier, mars 2016).
- Registres matricules militaires de la Somme.
- Arbre généalogique et photos envoyées par son arrière petite fille, dédicace de René Maquenhen © Fanny Leducq que je remercie vivement.
Notice biographique rédigée en juin 2011, complétée en 2015, 2016, 2018 et 2021, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com