Félix Bédin : né en 1896 à Marnes (Deux-Sèvres) ; domicilié à Loudun (Vienne) ; employé chemins de fer, chef de train (P/O / SNCF) ; communiste ; arrêté le 23 juillet 1941, interné aux camps allemands de la Chauvinerie, puis de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 10 octobre 1942.
Félix Bédin est né le 10 août 1896 à Marnes (Deux-Sèvres). Il habite 23, faubourg du Marbray à Loudun (Vienne) au moment de son arrestation. Il est le fils de Delphine Mareh, 35 ans et de Pierre Bedin, 34 ans, boulanger, son époux.
Il est recensé pour la classe 1916 avec le matricule « 1382 » pour la subdivision de Niort-Parthenay. Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 61, a les cheveux châtain et les yeux gris, le nez moyen, le visage ovale. Il possède un niveau d’instruction n° 3 (possède une instruction primaire développée).
Félix Bédin est valet de chambre au moment de son incorporation.
Conscrit de la classe 1916, il est mobilisé par anticipation en 1915, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre.
Il est appelé sous les drapeaux le 10 avril 1915 et incorporé au 20è Régiment d’Artillerie. Au fur et à mesure que les combats et les pertes humaines s’intensifient, les régiments sont reformés.
Le 21 avril 1916, il passe au 109è régiment d’artillerie lourde, puis le 7 juillet au 49è régiment d’artillerie. Le 1er octobre 1917, il est transféré au 20è régiment d’artillerie, le 21 décembre au 115è régiment d’artillerie lourde, le 8 février 1918 au 104è régiment d’artillerie lourde et le 1er mars au 143è Régiment d’artillerie lourde. Le 12 avril, il passe administrativement dans la réserve de l’armée active, mais est maintenu sous
les drapeaux en application du décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Le 4 septembre 1918, il est nommé brigadier.
Le 16 janvier 1919, il revient au 115è Régiment d’artillerie lourde et passe enfin au 13è régiment d’artillerie le 1er février.
Félix Bedin est démobilisé le 23 août 1919 par le dépôt du 20è Régiment d’Artillerie et se retire à Marnes (« certificat de bonne conduite accordé »).
Ses campagnes contre l’Allemagne sont comptabilisées du 10 avril 1915 au 22 août 1919.
Le 5 octobre 1919, Félix Bédin est classé « affecté spécial de l’administration des Chemins de fer de l’État » (4ème section des Chemins de fer de campagne, subdivisions complémentaires), en qualité d’homme d’équipe à Thouars (Deux-Sèvres). Il est déclaré embauché par cette société le 8 octobre.
Félix Bédin épouse Marguerite Lagiron le 6 avril 1920 à Messais (Vienne). Le couple a deux enfants.
En février 1927, ils habitent au 2, rue du Dépôt à Thouars. Le 2 mars 1930, il reçoit la carte du Combattant.
Cette même année Félix Bédin est nommé chef de train à Loudun (Vienne) il a le numéro matricule SNCF « 40 637 ».
Félix Bedin est membre du Parti communiste et dirige le « rayon » du Parti à Loudun.
En 1931, le couple seul est domicilié au n° 16, Faubourg du Marbrais. En 1936, ils sont recensés au n°9.
Il est présenté par son parti aux élections au Conseil d’arrondissement de Loudun en octobre 1937.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. 3000 Allemands occupent Châtellerault le 23 juin 1940. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dans le cadre de la réorganisation administrative opérée par Vichy le 19 avril 1941, Poitiers devient la capitale de la «région de Poitiers», qui comprend les départements de la Vienne, la Vendée, les Deux-Sèvres, la Charente et la Charente Maritime.
Félix Bédin, connu des services de police pour ses activités politiques d’avant guerre est arrêté le 23 juin 1941 à Loudun par des policiers français, dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich».
Lire dans le site l’article « L’Aktion Theoderich dans la Vienne », sur l’arrestation des 33 militants communistes et syndicalistes de la Vienne. Liste et récits des internements à Poitiers et à Compiègne.
Félix Bedin, incarcéré initialement au camp allemand de la Chauvinerie-Poitiers, est interné au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122) le 11 juillet 1941.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Félix Bédin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
On ignore son numéro matricule.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Félix Bédin est mort le 10 octobre 1942 à Auschwitz d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 62).
Sa fiche d’état civil, établie en France le 11 juillet 1946 porte toujours la mention «décédé le 15 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
La mention « mort pour la France » a été apposée sur son acte de décès, ainsi que la mention “Mort en déportation” (J.O. du 18 juillet 1987).
Son nom est honoré sur le monument « Aux enfants de Loudun Morts pour la France« érigé dans un espace vert sur le boulevard extérieur de la ville, près du carrefour RD 147, direction Saumur.
Sources
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Liste établie par Aristide Pouilloux, instituteur à Châtellerault, arrêté le 23 juin 1941, déporté à Sachsenhausen, rescapé.
- Lettre de Maurice Rideau à Roger Arnould (2 octobre 1971).
- Lettre de Raymond Jamain (1989) de l’ADIRP de la Vienne, arrêté le 23 juin 1941 à Nantes, déporté à Sachsenhausen, (1973).
- Lettre d’Emile Lecointre (23 février 1989) : souvenirs concernant 15 de ses camarades arrêtés avec lui le 23 juin 1941.
- Témoignage de Marcel Couradeau. Employé des PTT à Poitiers, il était membre du bureau fédéral du Parti communiste avant guerre.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
- © Le drapeau nazi sur la mairie de Loudun. © VRID
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz
(1946). - Registre matricule militaire © Archives en ligne des Deux Sèvres.
Notice biographique rédigée à l’occasion de l’exposition organisée en octobre 2001 par l’AFMD de la Vienne à Châtellerault, complétée en 2011 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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