André David ; né en 1890 à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) où il est domicilié ; employé de commerce, libraire ; présumé communiste ; arrêté comme otage le 21 octobre 1941 ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.
André David est né le 20 juillet 1890 à Rouen (Seine Inférieure, Seine Maritime) au 13, rue de Barcelone. En 1939, il habite au 57, rue de la Ganterie à Rouen.
Il est le fils de Joséphine Marie Duperrey, 29 ans, repasseuse et de Bernard David (1864-1925), 26 ans, artiste dramatique. Il a un frère, Etienne (1897-1970), puis une demi-sœur, Alice et un demi-frère, Elie (1904-1960) à la suite du remariage de son père avec Marie Louise Albert.
En 1910, il a vingt ans, est travaille comme employé de commerce.
On sait par la nature des articles de presse qui concernent son arrestation en 1911, qu’il a des sympathies anarchistes.
Conscrit de la classe 1910, il n’effectue en effet pas son service militaire en raison de son arrestation, suivie d’une condamnation le 28 septembre 1911 par les Assises de l’Oise à cinq ans de réclusion et à cinq ans d’interdiction de séjour pour vol qualifié, condamnation dont il est réhabilité de droit le 17 novembre 1939 par le tribunal de 1ère instance de Rouen.
Au moment de son arrestation en 1911, avec Buisson, recéleur connu comme anarchiste, Ernest Grenout, Gabriel Raguideau, Angel Beaumartin, Antonin Cornier et Armand Rosenthiehl, une des éditions du Petit journal du 22 avril 1911, publie en « Une » la photo des quatre premiers hommes, et titre « La Sureté générale a arrêté une bande d’anarchistes, cambrioleurs, rats d’église et faux monnayeurs« , à la suite d’un vol de tableaux dans une église et au Château de Puiseaux (Loiret) appartenant à la famille De Courtils depuis le XV° siècle.
En vertu des articles 4 et 5 du décret du 28 décembre 1900 relatifs aux «exclus de l’armée », ceux-ci sont mis à disposition des ministres de la guerre et des colonies « qui déterminent les travaux auxquels ils seront affectés ». Immatriculé aux sections métropolitaines d’exclus le 7 octobre 1912, il est envoyé à la maison centrale de Beaulieu à Caen.
En avril 1916, il est transféré depuis Beaulieu au dépôt des exclus de Montpellier et de là en Algérie au pénitencier d’Aïn El Hadjar (près d’Oran) où il arrive le 18 mai 1916. Il est démobilisé le 17 septembre 1919 (décret ministériel 739/1510) et passé au contrôle des absents. Puis il « se retire » (vient résider) au Havre, au 1, avenue François 1er.
En mai 1923, il habite au 4, rue Lamauve à Rouen.
Le 11 avril 1925, Il épouse au Houlme, Charlotte Aimée Delahaye (1905-2003). Elle est née le 25 mai 1905 au Houlme (Seine Inférieure, Seine Maritime). Le couple a deux enfants (Fernande, née le 15 février 1926, et Albert Léonard, né à Rouen le 24 janvier 1927).
Ils divorcent le 13 décembre 1928.
En août 1939, il habite avec son fils au 57, rue de la Ganterie à Rouen, où il a sa boutique de libraire.
André David est rattaché à la dernière classe de la Réserve le 3 septembre 1939 (comme père de deux enfants : article 58 de la loi de recrutement militaire). Réhabilité de droit le 17 novembre 1939 par le tribunal de 1ère instance de Rouen, il est « rayé des contrôles » le 28 novembre 1939.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dès le 31 août 1940 les Allemands arrêtent des otages au Trait et à Duclair à la suite de sabotages de lignes téléphoniques. A partir de janvier 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes.
Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
André David est libraire au moment de son arrestation (il semble également vendre des tableaux).
André David est arrêté par la police française le 21 octobre 1941 à son domicile, comme « membre du Parti communiste », dans le cadre d’une rafle qui concerne 150 militants communistes ou présumés tels (1). « Vers une heure du matin, deux policiers en civil ont sonné à la maison en disant à mon père de bien vouloir les suivre pour contrôle, en disant qu’il reviendrait le lendemain. Nous ne devions plus jamais le revoir. » (témoignage d’Albert David en février 1962).
Son arrestation fait suite au sabotage le 19 octobre 1941, de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly) et à un attentat contre la permanence de la LVF à Rouen. Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.
Tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à la demande de celles-ci. André David et 38 autres militants du département sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), entre le 23 et le 30 octobre 1941.
Il est désigné comme otage à déporter.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, André David est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro matricule attribué à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. On sait seulement qu’il s’est déclaré comme catholique au moment de son enregistrement au camp.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun document allemand ou témoignage ne nous apprend dans quel camp il est affecté à cette date. On peu toutefois penser que compte tenu de son métier, il est resté au camp de Birkenau.
André David meurt à Auschwitz le 15 octobre 1942 d’après un des registres des décès du camp d’Auschwitz et un acte d’état civil d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, tome 2, page 214 et site du Musée d’Auschwitz-Birkenau).
Le Journal officiel du 2 mars 1988 décide de l’apposition de la mention «Mort en déportation» sur l’acte de décès de « David (André, Robert), né le 18 juillet 1890 à Rouen (Seine-Inférieure), décédé le 11 septembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Voir les dates de décès des 45000 https://deportes-politiques-auschwitz.fr/2010/08/propos-des-dates-de-deces-auschwitz.html
- Note 1 : In « 30 ans de luttes », brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti communiste de Seine-Maritime
Sources
- Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en mars 2011 par Arnaud Bouligny, historien, FMD, Caen).
- Témoignage de Bernard David, avril 1962.
- © Archives en ligne de Seine-Maritime.
- AD 76, Etat civil et Registre des matricules militaires.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Photographies du mariage © David Thieulin, qui renseigne la photo « Mon propre arrière-grand-père, Albert Gustave Delahaye (1899-1944), frère de la mariée, se trouve au troisième rang, les mains posées sur les épaules de deux autres personnes. Son épouse (mon arrière-grand-mère), Jeanne, alors enceinte de mon grand-père, est debout à droite, à côté de l’homme à chapeau. A côté de la mariée sont assis mes arrière-arrière-grands-parents : Eugène Gustave Delahaye (1877-1962) et Florentine Emélie Delrue (1874-?) ».
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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