Matricule « 46 055 » à Auschwitz

Le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Robert Riché : né en 1893 à Saint-Mards-en-Othe (Aube), où il habite ; marchand de peaux ; arrêté le 23 octobre 1941 puis le 26 février 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 25 août 1942.

Robert Riché est né le 21 octobre 1893 (1) à Saint-Mards-en-Othe (Aube).
Il habite cette ville au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Alix, Delphine, Désirée Thierry, 41 ans (née le 13 décembre 1853 à Aix-en-Othe), bonnetière et de Cyrille, Emile Riché, 45 ans, (né le 9 septembre 1849 à Chennegy), manouvrier, son époux. Ils se sont mariés le 12 novembre 1872 à Aix-en-Othe.
A sa naissance ses parents habitent le hameau de Vaucouard, commune de Saint-Mards-en-Othe. Il a quatre aînés : Emile, né en 1876, Eugène, né en 1879, Auguste, né en 1882 et Berthe, née en 1883. En 1906 sa sœur est couturière et son frère, manouvrier, comme leur père.

Son registre matricule militaire indique qu’il habite à Saint-Mards-en-Othe au moment du conseil de révision et y travaille comme ouvrier agricole. Robert Riché mesure 1m 63, a les cheveux châtain, les yeux gris verdâtres, le front couvert, le nez vexe, les oreilles plates, la bouche moyenne, les lèvres plates, le menton saillant et le visage ovale coloré. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée). Conscrit de la classe 1913, matricule 693, il est ajourné pour « insuffisance de développement »(commission de réforme de Troyes novembre 1913). Le décret de mobilisation générale du 2 août 1914 le mobilise. Il est incorporé le 2 septembre 1914 au 8è Régiment d’artillerie, puis transféré au 29è Régiment d’infanterie cantonné à Autun le 11 octobre 1914. Après la formation militaire, il est engagé dans les combats des Hauts-de-Meuse au Bois d’Ailly (du 22 au 27 avril 1915) à l’est de Saint-Mihiel.

Médaille militaire 1916

Robert Riché est gravement blessé par un éclat d’obus le 25 avril 1915 au bois d’Ailly au cours d’une contre-attaque : « très bon soldat, qui a toujours servi d’une façon parfaite ». Il est évacué sur l’ambulance de Commercy. La commission de réforme du Rhône de décembre 1916 le propose pour une pension de 5ème classe, et celle d’avril 1916 le réforme avec gratification renouvelable de 6è catégorie. Il est décoré de la Médaille militaire le 13 mars 1916. Placé dans la réserve de l’armée active en septembre 1917, Robert Riché est réformé définitivement par la commission de réforme de Troyes du 21 décembre 1917 qui le propose pour une pension de retraite de 5ème classe de l’échelle de gravité n° 39.

Le 23 septembre 1918,  à Saint-Mards-en-Othe, il épouse Marie, Lucienne Gris. Elle est née le 24 décembre 1896 à La Lisière des Bois, hameau de Saint-Mards-en-Othe, décédée le 20 février 1975 (l’acte de naissance de Robert Riché ne fait pas mention du mariage). Mariée à 17 ans, elle est veuve de guerre d’Aramis Dardelet, tué le 1er juin 1917. Elle a une fille, Yvette.
Robert Riché est chasseur, un peu braconnier (il reçoit une amende avec sursis de 16 francs en 1921 pour chasse à la pie).
En juillet 1924, il se classe 2è au concours de tir au fusil Lebel à Villemoiron (La tribune de l’Aube).
En 1931, deux frères Riché et leurs épouses habitent au grand Vaucouard à Saint-Mards.
En 1937, Robert Riché, chasseur, gagne sa vie comme marchand de peaux. Réformé définitif en 1917, il n’est pas rappelé en 1939 à la déclaration de guerre.

Les chars allemands à Romilly le 13 juin 1940. Photo in l’Est Eclair, © Jean-Marie Le Nours

Le 13 juin, les Allemands entrent dans l’Aube, à Romilly, après avoir franchi la Seine. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». >
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

« la Dépêche de l’Aube » du 24 décembre 1940, Le premier journal clandestin édité par le Parti communiste

Robert Riché est arrêté une première fois le 23 octobre 1941, et condamné le 2 décembre 1941 pour « détention d’arme de guerre » à deux mois de prison, puis il est libéré le 31 décembre 1941.

Le 26 février 1942, il est de nouveau arrêté (LA 14222), par la police allemande de Toyes au motif de «détention d’armesdangereux à l’occupation allemande ».
Cette arrestation a lieu le même jour qu’Emile Andrès, de Troyes. 18 militants communistes du département de la Marne et de la Haute-Marne sont arrêtés le même jour comme otages à Reims et Saint-Dizier) : l’Aube, la Marne et la Haute-Marne dépendent de la même région militaire (Oberfeldkommandantur).

Robert Riché est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au allemand camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Robert Riché est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Robert Riché est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéromatricule « 46 055 ».

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Robert Riché meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, tome 3 page 1005).
Un arrêté ministériel du 31 juillet 1997 paru au Journal Officiel du 31 juillet 1997 (JO1997p18080-18106) porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Robert Riché.
Cet arrêté comporte néanmoins une date erronée :
décédé le 6 juillet 1942 à Auschwitz, soit la date de départ du convoi. Or sa date de décès est pourtant accessible depuis 1995 sur le site du musée d’Auschwitz : il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
Le titre de « Déporté politique » lui est attribué le 3 septembre 1954. Son nom figure sur le monument aux morts de Saint-Mards, ainsi qu’une courte fiche sur le site «Memorial Genweb».

  • Note 1 : son année de naissance est bien 1893 et non 1896 comme indiqué par erreur au DAVCC. Vérifications effectuées avec les registres matricules militaires de l’Aube (3/R/575), et au Musée d’Auschwitz.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés

Sources

    • La déportation de répression dans l’Aube par Rémi Dauphinot et Sébastien Touffu document PDF (AFMD Aube).
    • Sa photo a été identifiée par des rescapés en 1948.
    • site «Mémorial Genweb ».
    • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
    • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en février et juin 1992.
    • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
    • Fac-simile de la Dépêche de l’Aube, in « l’Aube dans la guerre 1939/1945 », Michel Roche Ed.Horvath.
    • Recherches généalogiques, Pierre Cardon (recensements, état civil, presse locale).

Notice biographique rédigée en 2010, complétée en 2012, 2016, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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