Marceau Vergua : né en 1896 à Blois (Loir-et-Cher) ; domicilié à Montreuil (Seine - Seine-St-Denis) ; boulanger, gérant de la Maison du Peuple, cantonnier ; communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné à Aincourt ; arrêté en avril 1941, condamné à deux mois de prison ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 3 octobre 1942.
Marceau Vergua est né le 7 août 1896 à Blois (Loir-et-Cher). A partir de 1922, il habite au 35 bis, rue Emile Raynaud à Montreuil (ancien département de la Seine – aujourd’hui Seine-Saint-Denis). Lors de sa première arrestation il est domicilié 35, rue aux Loups. Lors de sa deuxième arrestation il donne comme adresse le 14, rue du Général Galliéni à Montreuil.
Il est le fils d’Elizabeth, Pascalie Renaud, 18 ans, journalière et de Charles Vergua, 24 ans, jardinier.
Marceau Vergua a un frère cadet (Ismaël, né le 1er septembre 1898) et 2 sœurs cadettes (France, née le 23 avril 1900 et Lucienne, née le 9 août 1901).
Marceau Vergua travaille comme boulanger au moment de son service militaire. Conscrit de la classe 1916, il est mobilisé par anticipation (avril 1915) comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre, et il est incorporé au 113è régiment d’infanterie le 12 avril 1915 à la 25è compagnie, groupe 6 à Chevilly, Loiret (1). Le 9 juin, l’instruction terminée, il « passe » à la 5è section de C.O.A (commis et ouvriers militaires d’administration) affectée au 5è corps d’armée (station magasin des Aubrais, ouvrier boulanger, 5è section de COA) d’après un carnet qu’Alfred Renaud (famille de sa mère) détenait depuis la guerre de 1914/1918 (1). Le 11 mars 1918, Marceau Vergua « passe » au 8è régiment d’infanterie coloniale. Il part avec l’armée d’Orient le 21 mai. Le 10 octobre 1918, il passe au 37è régiment d’infanterie coloniale, en occupation en Bulgarie (la Bulgarie a signé l’armistice
le 30 septembre 1918), puis en Roumanie. Le 1er juin 1919, il « passe » au 4è R.I.C. avant sa démobilisation. En octobre 1921, la 4è commission de réforme de la Seine lui accorde un taux d’invalidité (inférieur à 10 %) pour des séquelles de paludisme (16.000 soldats français de l’armée d’Orient ont eu des séquelles du paludisme).
A son retour, il adhère à l’ARAC (Association républicaine des Anciens combattants, fondée par Henri Barbusse).
Marceau Vergua épouse Anna, Adélaïde Riquebourg le 11 février 1921 à Montreuil. Repasseuse, elle est née le 4 décembre 1892 à Wiencourt-l’Equipée (Somme).
Il est embauché comme employé municipal à la voirie (cantonnier).
Syndicaliste, il est en 1924 et 1926, archiviste (1) du syndicat des employés et ouvriers des communes de la Seine (le secrétaire général en est Vaysse (Maitron).
Il habite au 2, ruelle aux Loups en 1924. Puis au 100, rue de Paris en 1926.
Il est gérant de la Maison du Peuple de Montreuil jusqu’en mars 1934. En novembre 1934, il gère la Coopérative du Haut-Montreuil, et s’occupe de la société « Etoile de Montreuil ».
Il habite dès lors au 35, rue aux Loups, jusqu’à sa première arrestation en octobre 1940.
Marceau Vergua est membre du Parti communiste, à la cellule des communaux.
Le 10 octobre 1936, il présente le rapport sur le syndicalisme à la conférence de rayon du Parti communiste de Montreuil.
Il est vraisemblable qu’il ait continué à militer clandestinement après l’interdiction du Parti communiste le 26 septembre 1939 (cf. la note blanche des Renseignements généraux). Il est d’ailleurs contrôlé par la police le 19 février 1940.
Le 29 février 1940, il est mobilisé au 219è bataillon d’infanterie coloniale.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Démobilisé, il retourne à Montreuil. Le 5 octobre 1940, Marceau Vergua est arrêté par la police française pour « propagande communiste clandestine » (note blanche des « Renseignements généraux »). Cette arrestation a lieu dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine (élus, cadres du parti et de la CGT).
Marceau Vergua est interné avec ses camarades, au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, en Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement, en octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés.
Lire dans ce site : Le camp d’Aincourt
Libéré, il est arrêté une seconde fois après avoir été pris en filature par la police française. Il est condamné le 26 avril 1941 par la 15è chambre correctionnelle à deux mois de prison. « Cinquante internés administratifs actuellement écroués au Dépôt seront transférés samedi 3 janvier 1942 au Centre de séjour surveillé de Rouillé (Vienne). Les internés se répartissent comme suit : 38 internés politiques (RG) et 12 « indésirables » (PJ). Ils quitteront Paris par la Gare d’Austerlitz à 7h 55 (train 3). Le chef du convoi disposera d’une voiture directe avec 10 compartiments. En accord avec M. Le chef de la Gare d’Austerlitz les autocars arriveront par la rue Sauvage et pourront pénétrer jusqu’à la voie où sera placé le wagon (voie 23). Le départ est fixé à 7h 55, l’arrivée à Rouillé à 18h51. Départ à Poitiers à 18 h 10, arrivée à Rouillé à 18 h 51(il existe aux archives de la Préfecture de Police un deuxième avis, libellé différemment, mais avec les mêmes chiffres et les mêmes horaires).
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Le nom de Marceau Vergua (n° 180 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Lire dans ce site : le camp de Rouillé
Il est le n° 180 de la liste des internés du camp de Rouillé transférés à la demande des autorités allemandes au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), le 22 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Marceau Vergua est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 46187 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz
Marceau Vergua meurt à Auschwitz, le 3 octobre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1275).
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte toujours la mention «décédé le 31 juillet 1942 à Auschwitz ». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 8 juillet 2001), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Il est nommé Chef cantonnier de la ville de Montreuil à titre posthume (JO du 1er juillet 1946).
Par un arrêté de 1949 paru au Journal Officiel du 20 juillet 1949, il est homologué « adjudant » à titre posthume au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er septembre 1941.
Marceau Vergua est homologué « Déporté politique ».
Son nom figure sur la plaque commémorative apposée en Mairie etintitulée « Honneurs aux communistes de Montreuil tombés pour une France libre forte et heureuse« .
- Note 1 : Dans les statuts du syndicat, le Conseil syndical élit en son sein un Bureau syndical composé d’un secrétaire, d’un secrétaire adjoint, d’un trésorier, d’un trésorier adjoint et d’un archiviste documentaliste.
Sources
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau de la Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen (dossier individuel consulté).
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 43, page 143.
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne le 22 mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
- FNDIRP de Montreuil : lettre de Daniel Tamanini du 23 avril 1989, qui le mentionne.
- Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- © Photo de Marceau
Vergua, Musée de l’Histoire vivante, Montreuil. - Registre matricule militaire de la Seine, classe 1916, 4ème bureau, volume 3501-4000.
- © Généanet, plaques commémoratives en mairie de Montreuil.
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com