Jean Guenon : né en 1916 à Clérac (Charente-Maritime) ; domicilié à Cenon (Gironde) ; communiste ; arrêté le 22 octobre 1940 ; prison de Bordeaux, camp de Mérignac ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.

Jean Guenon est né le 11 septembre 1916 (1) à Clérac (Charente-Maritime).
Il habite à Cenon (Gironde) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Augustine Vacher, née le 2 décembre 1883 à Saint-Pierre-du-Palais (Charente-Maritime), cultivatrice, et de Jean Guenon, né en 1876 à Clérac, cultivateur, son époux.
Ses parents se sont mariés le 10 janvier 1902 à Saint-Pierre-du-Palais. Nous lui connaissons trois frères aînés : Auguste (1905), Edouard (1906), Marcel (1911) tous trois à Saint-Pierre. En 1911, la famille habite à Clérac au lieu-dit le Boulat (1). Elle a déménagé en 1921.
Jean Guenon est communiste selon sa fiche au DAVCC (SHD Caen).
Jean Rieu secrétaire régional de la Jeunesse Communiste pour le Sud-Ouest, est arrêté le 20 mai 1940 (il sera condamné à 20 ans  de travaux forcés et vingt ans d’interdiction de séjour par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand le 31 janvier 1941).

Sentinelle allemande à Bordeaux

En mai et juin 1940 Bordeaux subit des bombardements quotidiens. Il y a plus d’un million de réfugiés en Gironde. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées.  Bordeaux est déclarée ville ouverte par le maréchalPétain. Le 27 juin les premiers détachements allemands traversent la ville. Le 28, le général Von Faber du Faur installe l’administration allemande dans les grands hôtels du centre-ville et la Feldkommandantur à la cité universitaire. Le 29 juin le gouvernement français a quitté Bordeaux pour s’installer à Vichy.. La ligne de démarcation coupe le département en deux.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Jean Guenon est arrêté le 22 octobre 1940, par les policiers français de la tristement célèbre « Brigade Poinsot » (2), pour ses activités politiques antérieures connues et « détention d’armes et distribution de tracts« .

Une vague d’arrestations commencée le 22 octobre 1940 jette en prison 147 militants communistes de la région bordelaise, parmi lesquels trois d’entre eux seront déportés avec Jean Guenon dans le convoi du 6 juillet 1942 : Jean Beudou, Gabriel Eustache, et Gabriel Torralba. Il y a aussi le frère de Gabriel Eustache, le père et les frères de Gabriel Torralba, et Jean Bonnardel secrétaire de section qui sera fusillé au Camp de Souge à l’âge de 37 ans (avec 49 autres militants les 23 et 24 octobre 1941).

Le camp de Mérignac

Jean Guenon est détenu à la prison de Bordeaux (Quai de Baculan), au motif de « détention d’armes, distribution de tracts« .  Il est transféré en décembre 1941 au camp de « Beau-Désert » à Mérignac.
Puis, il est remis aux autorités allemandes à leur demande et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en avril ou mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Jean Guenon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore le numéro d’immatriculation de Jean Guenon à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.

Le numéro matricule »45 630″, dont la photo ci-dessus figurait encore en 2024 sur le site « Mémoire Vive » n’est pas Jean Guenon, mais Jean Gros, identifié depuis la sortie de mes livres

Le numéro « 45 630 ? » inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Depuis, le déporté portant ce numéro a été identifié. Il s’agit de Jean Gros.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date du décès de Jean Guenon à Auschwitz.
Dans les années d’après-guerre, l’état civil français
a fixé celle-ci en « juillet 1942 » (acte de disparition du 7/9/1946, dossier de l’état civil 14283). C’est la date reprise par l’arrêté du 31 mars 1994, portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes de décès, et paru au Journal Officiel du 17 mai 1994.
Gabriel Torralba, de Villenave d’Ornon (faubourg de Bordeaux), rescapé du convoi, qui a témoigné sur la mort de ses 4 camarades Bordelais, pense qu’il est mort en 1943, sans pouvoir préciser la date.
Jean Guenon a été homologué « Déporté politique ».

  • Note 1 : On la date du 11/09/1918 sur le site du service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 274382. Mais bien 1916 au DAVCC et sur Légifrance. L’état civil de Clérac n’étant pas consultable en ligne à partir de 1900, nous n’avons pu vérifier. Mais nous avons maintenu la date de 1916. Nous avons pu reconstituer une partie de sa filiation à partir du recensement de 1911 à Clérac, ainsi que par le registre des mariages de 1902 à Saint-Pierre-du-Palais.
  • Note 2 : Pierre Napoléon Poinsot, commissaire aux Andelys et à St Lô en 1936 où il se fait remarquer par un anticommunisme effréné. Muté à Bordeaux en 1938 dans la police spéciale de la préfecture, il est affecté au commissariat de la gare Saint-Jean (…) où il se lance dans la chasse aux communistes, qu’ils soient militants ou sympathisants. A l’Occupation, grâce à l’appui d’Olivier Reige, directeur de cabinet du Préfet, Poinsot reste à Bordeaux, malgré un avis défavorable de sa hiérarchie. Il organise la S.A.P (section des activités politiques) : sa « brigade Poinsot » devient le numéro un des services allemands pour la chasse aux communistes, gaullistes et résistants. Extraits de l’ouvrage de René Terrisse.

Sources

  • Témoignage de Gabriel Torralba, « 46264 », rescapé, décédé à Séville en 1989.
  • Site internet de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en juillet 1992).
  • « La Gironde sous l’occupation. La répression française. Bordeaux 1940 -1944» ouvrage de René Terrisse.

Notice biographique rédigée en novembre 2010 (complétée en 2016, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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