Matricule « 45 315 » à Auschwitz
Henri Burghard : né en 1897 à Messigny (Côte-d’Or) ; domicilié à Verrey-sous-Salmaise (Côte-d’Or) ; manœuvre SPLM, puis cafetier ; sympathisant de gauche ; arrêté le 26 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.
Adrien Burghard dit Henri est né le 12 mai 1897 au domicile de ses parents à Messigny (Côte-d’Or). Il habite 20-21, rue de la Gare à Verrey-sous-Salmaise (Côte d’Or) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Justine, Angèle Paillet, 30 ans, manouvrière et de Jules, Conrad Burghard, 23 ans, charbonnier, puis bucheron, son époux. Ses parents se sont mariés le 12 mai 1889 dans cette même commune.
Il est issu d’une fratrie de quatre enfants : deux aînés Marie (1888-1981) et Jules, Marcel (né le 30 janvier 1890), et un cadet, Georges, né en 1902.
Au moment du conseil de révision, Henri Burghard habite Messigny et exerce le métier de bucheron. Il sera par la suite employé aux chemins de fer. Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 77, a les cheveux châtain clair, les yeux marron, le front moyen et le nez rectiligne, le visage rond. Il a un niveau d’instruction n°2 pour l’armée (i.e. possède une instruction primaire). Conscrit de la classe 1917, Henri Burghard est mobilisé par anticipation le 12 avril 1916, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre, et il est incorporé le jour même au 11è Génie à Epinal. Il passe au 2è
Régiment du génie en juin 1917. Le 2 novembre 1918, il est cité à l’ordre de la division du génie : « sapeur dévoué et courageux. Par son ardeur au travail dans la période du 28 septembre au 23 octobre 1918 a contribué activement
à l’établissement de passages sur les cours d’eau à proximité de l’ennemi ». Il est décoré de la croix de guerre avec étoile de bronze. Il est mis en congé de démobilisation le 23 octobre 1919 (certificat de bonne conduite accordé) et se retire à Messigny.
Le 8 octobre 1919 il épouse Jeanne, Hermance Garnier à Clémencey (Côte d’Or). Sans profession, elle est née le 20 mars 1898 à Deschaux (Jura), domiciliée à Clémencey. Elle a un garçon, Adrien Garnier, né le 4 avril 1916, que le couple annonce reconnaître le jour du mariage en vue de légitimation.
Son frère Jules est également bucheron en 1920, comme leur père. Le 6 juin 1921, le jeune couple habite Sémezanges, près de Gevrey-Chambertin.
Henri Burghard travaille comme manœuvre au PLM, aux ateliers de wagons de Dijon-Perrigny. A ce titre, il sera classé en août 1922 pour la Réserve de l’armée comme « affecté spécial » au titre des chemins de fer de campagne.
En 1924, il est condamné par le tribunal de Dijon à une amende pour « voies de fait sur agents » (condamnation amnistiée en 1925).
En avril 1927, Henri Burghard habite au 7, rue de Jouvence à Dijon. Le couple se sépare et divorce (jugement du 4 février 1930).
Le 12 juillet 1930, à Dijon, Henri Burghard épouse en secondes noces Louise Marguerite Porcherot. Veuve d’Emile Laguet (mariage en 1913), elle est hôtelière, « propriétaire d’un café-restaurant à Verrey-sous-Salmaise (Côte d’Or), l’Hôtel de Bourgogne ».
Agée de 43 ans, elle née le 28 avril 1887 à Verrey-sous-Salmaise, elle est également domiciliée au 7, rue de Jouvence à Dijon au moment de son mariage avec Henri Burghard.
Elle a deux enfants de son premier mariage : Gabriel Laguet (né en 1916) et Jeanne Laguet (née en 1920). Le 15 août 1930, le couple habite au 21, rue de la Gare à Verrey-sous-Salmaise (dans la vallée de l’Oze, près de Sombernom, à 36 km de Dijon).
De nombreux cheminots habitent ce village de moins de 400 habitants.
Adrien Burghard a quitté la SNCF : « avec l’âge, il avait quitté la profession et monté un bistrot » dira Gabriel Lejard. En 1931, les époux sont domiciliés au n°21, rue de la Gare. Henri Burghard et son épouse sont indiqués sur le registre de recensement respectivement comme « maître d’hôtel » et « maitresse d’hôtel ». La fille de son épouse, Jeanne, vit avec eux (1).
En avril 1933, Henri Burghard est condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à 48 h de prison et 50 F d’amende pour «violences à gendarmes».
Lors du recensement de 1936 à à Verrey-sous-Salmaise, Adrien Burghard et son épouse habitent le n°20, rue de la Gare (il n’y a pas de n° 21 indiqué). Adrien Burghard et son épouse sont indiqués respectivement sur le registre de recensement « aubergistes » et Adrien est noté « patron ». Les deux enfants de son épouse vivent avec eux (Gabriel est mécanicien chez Bernard Lereuil, patron mécanicien à Darcey distant d’une quinzaine de kilomètres), ainsi qu’une employée de maison, Hélène Follet.
Henri Burghard est considéré comme communiste dans son village (les renseignements généraux ne semblent toutefois pas le penser, voir plus loin la note de février 1942). Par contre, son frère Georges était un militant syndicaliste connu : « En novembre 1938, Georges Burghard, manœuvre spécialisé à l’entretien du Matériel à Dijon Perrigny, était, délégué du personnel suppléant, au titre de la CGT » (Le Maitron).
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 17 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Dijon et s’y installent. Interdictions, réquisitions, couvre-feu, l’armée allemande contrôle la ville. Dijon est durement touchée par la politique antisémite et les arrestations orchestrées par les troupes allemandes et l’administration de Vichy. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Le 9 décembre 1941, une lettre de dénonciation accuse Henri Burghard de détenir un fusil. Il voit son domicile perquisitionné, sans résultat. Quatre autres hommes, habitant le village ou y travaillant sont également dénoncés, et leurs domiciles perquisitionnés. L’un d’eux, René Dufour, 29 ans, domicilié à Villotte-sur-Seine, cantonnier SNCF à Verrey, qui a une arme chez lui, est arrêté le 15 décembre. Condamné à mort pour« détention illégale d’armes de guerre », il est fusillé à Dijon le 16 janvier 1942 (https://maitron.fr/spip.php?article168006&id_mot=21).
Henri Burghard est à nouveau dénoncé, comme « communiste dangereux ».
Le 19 février 1942, le commissaire principal des Renseignements Généraux écrit : « il est considéré comme sympathisant aux partis de gauche, mais non comme un militant communiste, il s’abstient de toute propagande et ne saurait être considéré comme dangereux ».
Mais Henri Burghard est néanmoins arrêté comme otage le 26 février 1942, par la police allemande.
Un rapport des RG datant du 3 octobre 1942 mentionne : « Sur les motifs de son arrestation aucune précision n’a pu être recueillie. Vraisemblablement Burghard aura été dénoncé à plusieurs reprises comme communiste dangereux aux Autorités Allemandes».
Il est incarcéré à la Maison d’arrêt de Dijon, puis transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122, administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Henri Burghard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 315 ».
Gabriel Lejard , rescapé dijonnais a reconnu le visage de son camarade lors d’une séance d’identification des photos (2) transmises par le Musée d’Auschwitz, parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz non détruites par les SS et emportées par les armées soviétiques a fixé celle-ci en septembre 1942 sur la base du témoignage de deux de ses compagnons de déportation. Mais selon Gabriel Lejard, il meurt à Auschwitz-I, entre le 20 et le 25 août 1942. La date officielle de sa disparition prise en compte par le Ministère des Anciens combattant à la Libération et portée sur son état civil, est celle du 20 septembre 1942.
- Note 1 : Dans le même village au n° 17, vit également une autre Marguerite Porcherot… née la même année, mais à Bligny-le-Sec… épouse d’un employé du PLM nommé Millerand, avec ses deux enfants !
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Témoignage enregistré de Gabriel Lejard, en 1988, qui a reconnu la photo d’immatriculation de son camarade à Auschwitz lors d’une des rencontres à la FNDIRP.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen (1993).
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Recensements, état civil (naissances, mariages) et registres matricules militaires de la Côte d’Or en ligne.
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Archives de la Maison des sciences de l’homme de l’Université de Bourgogne.
Notice biographique rédigée en février 1998, complétée en 2015, 2017, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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