Alphonse Marie, né en 1889 à Maisy (Calvados) ; domicilié à Saint-Jacques de Lisieux (Calvados) ; sous-chef de canton à la SNCF ; arrêté comme otage communiste dans la nuit du 1er au 2 mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 17 septembre 1942.

Alphonse Marie est né le 24 novembre 1889, à Maisy (Calvados). Il habite Saint-Jacques de Lisieux (Calvados), rue du Point-du-Jour au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Eugénie Vallery, 20 ans, journalière, et de Jules Gustave Marie, 26 ans, maçon. Il a un frère cadet, Albert, né le 4 février 1892. En 1896 la famille demeure au Hameau Poix, à Grandcamp-les-Bains (Calvados).
Leur mère décède alors qu’il a à peine 10 ans. Leur père s’est remarié en 1903 et aura un garçon (Marcel qui naît en 1904) avec Adolfine Douflant, également veuve.
Alphonse Marie habite alors à La Cambe (Calvados), où il travaille comme jardinier.
Le 9 mai 1910, il signe un engagement volontaire de trois ans à la Mairie de Caen.

Alphonse Marie est affecté au 1er régiment de marche de zouaves à Alger. Du 30 avril 1911 au 4 avril 1913, ce régiment est en opérations extérieures au Maroc. Le 9 octobre 1911, il est nommé « clairon ». Il obtient la médaille du Maroc, agrafe Maroc, (décret du 15 mai 1912). Le 9 mai 1913, il est libéré et « passe dans la réserve de l’armée active », au 11e bataillon de zouaves, certificat de bonne conduite accordé.
Le 19 octobre 1913, il est domicilié à Littry (Calvados) chez Monsieur Venet et en mars 1914, il habite à Campigny (Calvados), chez Monsieur Guilbert.
Le 3 août 1914, il est « rappelé à l’activité militaire » par le décret de mobilisation générale. Il rejoint son régiment de réserve, le 11e zouaves, puis il est affecté le 10 août au 1er zouave nouvellement formé. Il est évacué, blessé par balle à l’épaule gauche le 15 septembre 1914. Il retourne au front à sa demande le 1er novembre de la même année.
Le 17 décembre 1916, il est cité à l’ordre de son régiment : « A rempli à la satisfaction de ses chefs les fonctions de brancardier auxiliaire et s’est particulièrement distingué aux attaques du bois de (lieu non cité)Revenu au front sur sa demande».
Il est décoré de la croix de guerre, étoile de bronze. Il reçoit également la médaille militaire.

Signature des mariés. Le nom de la mariée est bien orthographié Madelaine sur le registre d’état civil.

Le 5 novembre 1917 à Grandcamp-les-Bains (14), Alphonse Marie en permission régulière épouse Maria Armandine Madelaine, née le 15 septembre 1897 à Grancamp.
Il a 28 ans, travaille comme domestique et il est domicilié à Trévières.  Elle est mineure, née le 15 septembre 1897 à Grancamp, ménagère. Le couple a cinq enfants.

Alphonse Marie, revenu au front est à nouveau évacué, blessé lors des combats de Longpont (Aisne). Il a été atteint par un éclat d’obus à l’aine, le 18 juillet 1918. Il revient au front le 6 octobre 1918.
Leur premier garçon, Alexandre, Louis, Gustave, naît le 25 décembre 1918 à Grandcamp.
Le 31 janvier 1919, Alphonse Marie, est détaché par l’Armée au « réseau de l’État », à la gare de Sainte-Gauburge (Orne). Le 31 juin suivant, il est classé “affecté spécial” en qualité de poseur à Le Merlerault (Orne).
En octobre 1926, l’armée classe Alphonse Marie “affecté spécial” dans la réserve comme sémaphoriste à Carentan (Manche).
En mars 1929, et au moins jusqu’au 25 mars 1931, La famille Marie est domiciliée à Nonant (Calvados), au hameau de Neuville.
Leur fille Marcelle Andrée, y naît le 7 novembre 1930.
Les trois enfants suivants naissent à Saint-Côme-du-Mont (Manche) : Maurice naît en 1921, Albertine en 1924, et Paulette en 1925.

Le 30 octobre 1933, il est classé dans la plus ancienne classe de la deuxième réserve militaire, comme père de cinq enfants.
En juin 1935, la famille est domiciliée à Boisset-les-Prévanches (Eure), près de Pacy.
En novembre 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Alphonse Marie est domicilié rue du Point-du-Jour à Saint-Jacques-de-Lisieux (Calvados).
Le 15 décembre 1937, il est affecté au bureau central à Saint-Jacques-de-Lisieux. Il est alors sous-chef de canton à la SNCF.

In l’Ouest Eclair du 11 octobre 1937.

Lors des élections cantonales d’octobre 1937, Alphonse Marie est présenté par le Parti communiste comme candidat au Conseil général du Calvados, pour  la circonscription de Cambremer. Le candidat indépendant Louis Maurice est élu au premier tour.

Troupes allemandes à Caen

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.

Alphonse Marie est arrêté par la police française, dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, sur désignation de la Kreiskommandantur en raison des ses activités communistes passées.
Il figure sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes.
Son arrestation est ordonnée en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands.
Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht. 28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen.
Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI.
Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).

Il est conduit à la gendarmerie de Lisieux, puis remis aux autorités allemandes (Feldkommandantur 723) à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, le 4 mai, en vue de sa déportation comme otage.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Alphonse Marie est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942, dit des « 45 000 »..

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu.
Le numéro « 45 831 » (?) figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Alphonse Marie meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942 d’après les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Le titre de « déporté politique » lui a été attribué.

Sources

  • Contact avec les Archives municipales de Lisieux.
  • Liste des « communistes arrêtés dans la nuit du 1er au 2 mai sur désignation de l’Autorité Allemande (Kreiskommandanturen) et remis le 3 mai 1942
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BACC), Ministère de la Défense, octobre 1993, Caen.
  • Registre matricule militaire Caen. Matricule 280 docs 3/3.

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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