Maurice Monroty : né en 1920 à Boulon (Calvados) ; domicilié à Dives-sur-Mer (Calvados) ; arrêté le 2 mai 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt en septembre 1942.
Maurice, Edmond, Eugène, Monroty est né le 10 mars 1920 à Boulon (Calvados). Il habite 31, rue des Escalettes à Dives-sur-Mer (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Augustine, Joséphine, Albertine Leroux, 37 ans, née le 16 septembre 1893 à Espins et d’Henri, Clément, Alexandre Monrôty, 33 ans, né le 15 juillet 1887 à Gouvix (Calvados), maçon, puis ouvrier d’usine, son époux.
Ses parents se sont mariés à Boulon le 30 juillet 1915. Il a une sœur ainée, Henriette, née en 1915. Denise, née en 1917 est décédée à 21 mois, et Georges est mort l’année de sa naissance en 1922. Puis naissent Denise, en 1923 à Boulon, Jeanine en 1928 à Dives, et Jacques, en 1932 à Dives. En 1924 la famille habite à Dives au 33, rue des Escalettes. Son père travaille à l »Electro » de Dives.
Son père décède le 16 mars 1933 à Dives.
Lors du recensement de 1936 à Dives, Maurice Monroty habite avec sa mère et ses sœurs et frère au 4, rue des Escalettes. Il a 16 ans, et travaille à l »Electro » de Dives (Société d’Electro-Métallurgie de Dives, usine du groupe Cégédur en 1945, puis Tréfimétaux), ainsi que sa mère.
Henriette, Denise, Jeanine et Henri vivent avec eux.
Conscrit de la classe 1940, il n’est pas mobilisable en septembre 1939. En 1939, « l’Electro » de Dives emploie 3000 ouvriers et fabrique des obus et des cartouches. Au printemps 1940, elle produit 2500 tonnes de munitions par mois.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. Les troupes allemandes défilent à Caen. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Le 6 novembre 1941, à Dives-sur-Mer Maurice Monroty épouse Violette, Angèle, Julie Lelogeais, qui est la sœur d’un autre déporté du convoi du 6 juillet 1942, Pierre Lelogeais.
Maurice Monroty habite alors au 31, rue des Escalettes. Elle habitait la maison voisine, au n° 31.
Le jeune couple s’y installe. Ils ont une fille, Yvonnette qui naît le 2 octobre 1942 à Dives-sur-Mer.
Maurice Monroty est arrêté le 2 mai 1942. Son nom figure en effet sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes.
Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht. 28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI.
Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Avec six autres habitants de Dives, il est amené à la maison d’arrêt de Pont-L’Evêque.
Madame Christine Le Callonec, parente par alliance du petit-fils fils d’un déporté, M. Jacques Sergeff, m’a fait parvenir les registres d’écrou de la prison de Pont-L’Evêque, concernant les arrestations effectuées par la Gendarmerie nationale française sur réquisition des Autorités allemandes le 3 mai 1942. Sur les quatre pages de ces registres d’écrou figurent les noms de 15 hommes. Parmi eux, 11 seront transférés à la Maison d’arrêt de Caen le 3 mai, puis à Compiègne et de là déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942.
Il s’agit de Maurice Auvray, Maurice Monroty, Pierre Lelogeais, Jacques Grynberg, Maurice Guerrier, Henri Philippard, Emmanuel Michel, Lucien Lehmann, Henri Hasman, Chaïm Levinsky et son fils, René Levinsky.
Pour Maurice Monroty, après l’appositions de deux empreintes digitales, le signalement du registre d’écrou relève son âge : 22 ans et ses caractéristiques physiques : 1 m 68, Barbe : rasée, Menton : fuyant, Bouche : bée, Nez : ab, Sourcils : lisses, Yeux : châtains, Cheveux : châtains, Teint : ordinaire. Sa date et lieu de naissance : le 10 mars 1920 à Boulon (Calvados).
Suivent sur la même ligne les mentions concernant l’identification des autorités ayant effectué l’arrestation (elle est « passagère » réalisée par la Gendarmerie nationale française) et l’autorité l’ayant commandée (autorités allemandes). Suivent : le dernier lieu de « séjour » (Dives-sur-Mer), la date d’entrée à la prison de Pont-L’Evêque : le 3 mai 1942 et la date de sortie : le 3 mai 1942, puis la mention du transfert à la Maison d’arrêt de Caen le 3 mai 1942.
Maurice Monroty et dix autres otages – Juifs et communistes -, sont conduits en autocars le 3 mai au « Petit lycée » de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne). Maurice Monroty y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage. Il y reçoit le matricule « 5241 ». Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Monroty est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45 890 ? » ffigurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.
Maurice Monroty est mort à Auschwitz en septembre 1942 selon le témoignage de son beau-frère Pierre Lelogeais, rescapé du convoi. Mais il ne figure pas dans les Livres des morts d’Auschwitz à cette date.
Les registres officiels français le mentionnent « décédé le 1er juillet 1946 en déportation en Allemagne », ce qui est impossible, puisque nous connaissons la liste des rares rescapés au Block 11 en 1943 et que Maurice Monroty ne figure pas parmi eux !
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué (N° 1140127).
Sources
- Liste des « communistes arrêtés dans la nuit du 1er au 2 mai sur désignation de l’Autorité Allemande (Feldkommandantur 723) et remis à celle-ci le 3 mai 1942
- Témoignage de Pierre Lelogeais (rescapé matricule « 45775 ») de Cabourg.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen, février et juin 1992.
- Recherches généalogiques (état civil, recensements de Dives, registre matricule militaire du père sous le nom de Montroty, Falaise n° 37) effectuées par Pierre Cardon
Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2016, 2020, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com