Albert Fouquet : né en 1902 à Paris 14è ; domicilié à La Garenne-Colombes (Seine) ; ajusteur-outilleur ; militant CGT ; arrêté le 10 juillet 1941 ; interné aux camps des Tourelles et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 4 septembre 1942.
Albert Fouquet est né le 16 mars 1902 à Paris 14è au domicile de ses parents, passage Bournisien.
Il habite au 74, boulevard de la République à La Garenne-Colombes (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne, Marie Day, 22 ans, sans profession et de Jean, Marie, Joseph Fouquet, 25 ans, employé, son époux.
Le 12 mai 1922, il est appelé au service militaire et incorporé au 68è Régiment du Génie (matricule 5092). Un an après, il passe au 15è Régiment du Génie. Le 6 novembre 1923, il est dégagé de ses obligations militaires, « certificat de bonne conduite accordé».
Le 19 septembre 1925, à Courbevoie, il épouse Suzanne, Emmilienne Natural. Elle est alors sans profession, née le 29 décembre 1903 à Marly-le-Roy (ancienne Seine-et-Oise) et est domiciliée au 53, avenue Franklin, où habite également Albert Fouquet et sa mère devenue veuve.
Le couple a un garçon, Jean, né à Paris en 1926.
En 1933, les Fouquet habitent au 48, rue de l’Avenir à Asnières. En mai 1935, ils déménagent à Courbevoie au 109, boulevard de Saint-Denis, puis en 1936 au 49, rue Lambrecht et au 125, boulevard de Verdun, immeuble HBM où habitera également Maurice Guerrier, qui sera déporté avec lui (une plaque y honore son nom).
Albert Fouquet travaille en 1925 chez Hispano-Suiza à Courbevoie, comme ajusteur-outilleur. Puis il est embauché en 1935 chez Citroën à Levallois. Son épouse travaille comme expéditrice chez Beaudecroux à Courbevoie.
En 1936, inscrit sur les listes électorales de Courbevoie, il est adhérent à la CGT, secrétaire de la section syndicale et est l’un des organisateurs de la grève générale du 29 mai dans son usine.
Le 30 novembre 1938, il participe au mouvement national de grève de 24 heures pour protester contre les abandons des acquis du Front populaire, notamment les 40 heures. Daladier choisit l’épreuve de force : il refuse tout contact avec les leaders syndicaux, réquisitionne tous les employés des administrations publiques, des chemins de fer et du métro et annonce que la grève serait considérée comme faute grave les exposant à la révocation.
Du côté patronal, des circulaires suggèrent aux patrons de licencier tous les grévistes, pour effectuer un tri lors de la réembauche et éliminer les meneurs.
Ce qui va être le cas pour Albert Fouquet qui est licencié. Le mouvement de grève se solde par un échec.
Albert Fouquet, professionnel qualifié retrouve du travail à la petite entreprise de Matériel électrique aéronautique (14, rue Adam-Ledoux à Courbevoie) sous-traitante d’Hispano-Suiza, où il est réembauché de juin 1939 à juin 1940 à l’usine de Bois-Colombes.
Cette entreprise étant considéré par l’Armée comme relevant de la Défense nationale, il est classé « affecté spécial » au titre du tableau III, et donc mobilisé sur son poste de travail lors de la mobilisation générale de 1939.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et sans s’adresser à la municipalité, occupent maisons et villas de plusieurs quartiers. En ce début de l’été 1940, l’effectif des troupes d’occupation à Nanterre s’élève par moments à 3500 hommes et près de deux cents officiers. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Au début de l’Occupation, il est inscrit au fonds de chômage de la mairie de Courbevoie.
« En octobre 1940, le bureau de chômage l’incite à partir comme travailleur volontaire en Allemagne. Le 24 octobre, il signe un contrat pour y exercer son métier. Le 30, il part pour Eberswalde, Brandebourg, où il est choisi comme délégué du personnel français par les autorités allemandes. En février 1941, il rentre en France, notamment afin de revenir auprès de son fils de 15 ans qui a subi une grave opération à l’Hôtel-Dieu de Paris au mois de décembre (…). C’est peut-être alors que la famille emménage au premier étage du 74, boulevard de la République à La Garenne-Colombes. Pendant quelque temps, il travaillerait comme bûcheron à Chaumes-en-Bry (Seine-et-Oise). À partir du 7 avril 1941, Albert Fouquet est embauché par la société Glaenzer-Spicer – transmissions à cardan, dépositaire d’un brevet de joint homocinétique en 1934, équipant notamment la Traction avant Citroën dont le siège est au 7, rue Jules-Ferry à Courbevoie (aujourd’hui GKN) – pour aller travailler dans son usine du 10, route d’Achères à Poissy (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), donnant alors toute satisfaction professionnelle à la direction qui ne lui connaît pas d’activité politique. Le commissaire de police de Courbevoie rédige un rapport préconisant son internement : « Continuerait à exercer une active propagande en faveur de l’ex-parti communiste, notamment au cours de ses conversations. Il tient des propos faisant l’apologie de la doctrine communiste. L’internement de Fouquet paraît donc s’imposer» (In site Internet de « Mémoire Vive » notice d’Albert Fouquet).
Surveillé par la police avant-guerre, en tant qu’ancien militant militant syndical, il fait comme ses camarades l’objet de fiches policières comme
cela a été le cas dans la plupart des communes de la Seine (lire à titre d’exemple dans le site : Le rôle de la police française (Rouen, Ivry et Vitry, BS1). Ces données sont reprises à l’occupation par la Brigade spéciale des RG (BS1). Les Renseignements généraux le considèrent comme un « meneur
très actif ».
Le 10 juillet 1941, Albert Fouquet est arrêté à La Garenne-Colombes. A cette date, le Préfet de police de Paris, François Bard, ordonne son internement administratif.
Il est interné administratif à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e (1).
Le 9 octobre 1941, Albert Fouquet est transféré au camp d’internement administratif de Rouillé (2) , au sein d’un groupe de soixante communistes
de la région parisienne (40 détenus venant du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et 20 venant comme lui de la caserne des Tourelles).
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne.
Le nom d’Albert Fouquet (n° 82 de la liste) y figure. Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il est transféré arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
La plupart d’entre eux seront déportés comme otages à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Albert Fouquet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est quasiment certain désormais, grâce à l’identification par la Division des Archives des de Fouquet René n° « 45 554 » par comparaison avec une photo en civil, et la certitude également pour le n° « 45 552 », Maurice Foubert.
Il s’agit du numéro « 45 553 » (3) qui figurait avec un point d’interrogation dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 et qui correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne pouvait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Albert Fouquet meurt à Auschwitz le 4 septembre 1942 d’après les registres du camp. La mention marginale de son acte de naissance a été rectifiée en 1995 et porte désormais cette même date.
- Note 1 : La caserne des Tourelles, « Centre de séjour surveillé » : Ouvert d’abord aux Républicains espagnols, entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les « indésirables » français : communistes, gaullistes et autres patriotes (on ratissait large), juifs saisis
dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir). France Hamelin in Le Patriote Résistant N° 839 –
février 2010. Ce Centre de séjour surveillé fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. - Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles.In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Archives du CDJC (XLI-42).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Camp de Séjour Surveillé de Rouillé : archives départementales de la Vienne
- Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine
XLI-42). - Bureau de la Division (ou Pôle) des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Registres matricules militaires de Paris, classe 1922, remerciements à M. Daniel Depaux.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com