Matricule « 45 461 » à Auschwitz
Marcel Deschamps : né en 1890 à Esvres (Indre-et-Loire) ; domicilié à Levallois-Perret (Seine) ; ajusteur-mécanicien aéronautique ; communiste ; arrêté le 22 mai 1940, évadé ; arrêté le 6 octobre 1940 ; interné au camp d'Aincourt, puis à la centrale de Clairvaux, puis aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 15 août 1942.
Marcel Deschamps est né le 8 janvier 1890 à Esvres (Indre-et-Loire). Au moment de son arrestation, il habite au 84, rue Charles Gide (devenue rue Paul Vaillant-Couturier à la Libération) à Levallois Perret (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine).
Il est le fils de Marie, Louise Moreau, 27 ans (née en 1862, couturière et d’Octave, Marcelle (sic), Deschamps 32 ans (né en 1857), mécanicien, son époux. Ses parents habitent rue Carnot à Azay-le-Rideau.
Il a un frère cadet, Charles (1891-1971).
Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 57, a les cheveux noirs, les yeux bleu foncé, le front et le nez moyens et le visage rond. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1910, Marcel Deschamps est incorporé le 10 octobre 1911 au 5è régiment du Génie (221è bataillon). Le 1er janvier 1913, il passe suite à réorganisation au 8è régiment Génie. Le 8 novembre 1913, il est renvoyé dans ses foyers, « Certificat de bonne conduite accordé ».
En 1913, Il a été embauché par la maison Chailly et Pottier, 119, rue de Montreuil à Paris 11è. Il habite au 47, rue Alexandre Dumas à Paris 11è.
Marcel Deschamps épouse Marie, Claudine Monnet le 2 mai 1914 à la mairie de Paris 11è. Elle est domestique, née le 2 janvier 1893 à Dyo (Saône-et-Loire), près de Charolles. Le couple habite au 47, rue Alexandre Dumas à Paris 20è.
Il est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale du 2 août 1914. Dirigé sur le 8è régiment Génie le 3 août, il est détaché à la maison Chailly et Pottier, 119 rue de Montreuil à Paris à compter du 30 juillet 1915. Il passe (pour l’administration militaire) au 4è régiment de zouaves, le 1er juillet 1917. Il est « relevé d’usine » le 17 mai 1918 et repasse au 8è régiment Génie le 28 mai 1918.
Marcel Deschamps est démobilisé le 8 août 1919.
Le couple se sépare (le divorce est prononcé le 11 février 1924). En 1920 Marcel Deschamps qui a refait sa vie, habite avec sa nouvelle compagne (mention « avec compagne » sur sa fiche aux archives de la DAVCC) au 104, rue de Montreuil, à Paris 11è, à côté de son entreprise.
En 1924 il a déménagé au 84, rue Charles Gide (devenue rue Paul Vaillant-Couturier) à Levallois Perret et s’inscrit sur les listes électorales de la ville. Toutefois, en 1926, à cette adresse, il est indiqué comme habitant avec Marie (la date et le lieu de naissance correspondent bien avec Marie Monnet). Il travaille chez Tardy. Marcel Deschamps, ouvrier mécanicien dans l’aéronautique a trouvé du travail en banlieue.
En 1931, il est toujours domicilié rue Charles Gide, mais cette fois ci, il est fait mention dans le registre de recensement d’une épouse, Julie, née en 1895 à Clichy-la-Garenne. Lors du recensement de 1936, domicilié au 84 rue Gide… il est à nouveau indiqué : Marie, épouse, née en 1893 en Saône et Loire.
Il est classé « Affecté spécial » pour la réserve de l’armée en cas de mobilisation le 24 mars 1939, dans l’entreprise où il est alors employé : la société d’embouteillage et de constructions mécaniques, 151-173 boulevard du Havre à Colombes (la SECM). La SECM fabrique et répare des avions : Morane-Saulnier, Bréguet, Sopwith.
Marcel Deschamps est rayé de l’affectation spéciale par mesure disciplinaire (décision du général commandant la région militaire de Paris), comme la majorité des « affectés spéciaux » connus comme communistes ou syndicalistes. Il est réintégré « A.S. » le 1er mai 1940.
Militant communiste connu, il est arrêté le 22 mai 1940 par la police française. Il « recouvre la liberté » (soit au moment de « l’exode des prisons » (1), soit à l’occasion de l’entrée des Allemands à Paris (2).
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et sans s’adresser à la municipalité, occupent maisons et villas de plusieurs quartiers. En ce début de l’été 1940, l’effectif des troupes d’occupation à Nanterre s’élève par moments à 3500 hommes et près de deux cents officiers.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le 6 octobre 1940 il est arrêté à nouveau à Levallois-Perret, par la police française. Durant toute cette période la Préfecture de police effectue des démarches pour que les autorités allemandes ne contrecarrent pas la répression anticommuniste et demande aux commissariats de faire remonter toutes les affaires au cours desquelles les autorités allemandes ont fait libérer des communistes (2) et pour lesquelles le préfet Roger Langeron ordonnera leur internement administratif (document ci-dessous) au camp de «Séjour surveillé» d’Aincourt ouvert spécialement le 5 octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés (lire dans le site : Le camp d’Aincourt).
Marcel Deschamps est interné à la Maison centrale de Clairvaux. Lire dans le site : La Maison centrale de Clairvaux .
Il est transféré au Camp d’Internement administratif de Rouillé le 27 septembre 1941. Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé .
Il y donne une nouvelle adresse : le 32, rue de Lagny à Paris 20è, qui correspond vraisemblablement à l’adresse où sa compagne s’est réfugiée depuis son arrestation.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom de Marcel Deschamps (n° 66 de la liste) y figure. Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
puis le camp de Compiègne, Marcel Deschamps est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 461 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Marcel Deschamps meurt à Auschwitz le 15 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 221).
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
- Note 1 : « Exode des prisons ». Les prisons parisiennes de la Santé et du Cherche-Midi sont évacuées manu militari à partir du lundi 10 juin 1940, sur ordre de Georges Mandel, ministre de l’Intérieur. Le repli concerne plus de deux mille détenus. Cette opération a pour but de transférer ces détenus de la « prison militaire de Paris » au Camp de Mauzac (Dordogne). Au bout de cinq jours (le samedi 15 juin 1940) au départ du camp de Cepoy (Loiret), près d’un millier de détenus ont réussi à s’échapper. 1040 détenus de la prison militaire sont entraînés dans un exode qui va les conduire, à pied, jusqu’à Châtillon-sur-Loire. Cet épisode est connu sous le nom de « colonne de Cépoy ».
- Note 2 : Fin juin 1940, période qui suit l’arrivée des Allemands à Paris, une partie de la direction communiste clandestine croit pouvoir obtenir de ceux-ci la reparution de L’Humanité et des démarches sont effectuées en ce sens. Parallèlement, elle suscite des manifestations en direction des villes administrées par des « délégations spéciales » depuis octobre 1939 sur les thèmes : « Pour la réintégration de nos élus propres et honnêtes » et « réintégrez les communistes ».
Sources
- Etat-civil de la mairie d’Esvres (28 juin 1990). Archives en ligne de la Vienne, registres matricules.
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division ou pôle des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Remerciements à M. Bernard Ledet qui m’a transmis les photos du père et de l’oncle de Marcel Deschamps.
Notice biographique rédigée en 2007, complétée en 2015 et 2019, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com