Photo prise à sa sortie de Fresnes (février1941) après sa première arrestation. © Dominique Vergne, DR

Matricule « 46 186 » à Auschwitz 

Gaston Vergne : né en 1923 à Paris 12ème, où il habite ; serrurier ferronnier ; secrétaire des Jeunes communistes du 12ème arrondissement ; arrêté le 16 septembre 1940, puis le 1er novembre 1941 ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.

Gaston Vergne est né le 18 avril 1923 à Paris 12ème. Il habite au 44, passage Montgallet à Paris 12ème  au moment de son arrestation.  Il est le fils de Suzanne Durand et de Marcel Vergne, ébéniste, son époux. Il a une sœur, Dominique, Germaine, née en 1920.
Il est célibataire et travaille comme ouvrier métallurgiste (serrurier-ferronnier, ou « petite main serrurier »).

Les JC du XIIème

Selon le témoignage de sa sœur, il était le responsable du mouvement des Jeunesses communistes de l’arrondissement (« 100 jeunes sous sa direction » écrit-elle).
En 1936, ses parents étant divorcés, il habite avec sa sœur, étudiante au 37, rue de Reuilly, Paris 12ème, chez sa mère qui travaille comme caissière.

L’Humanité du 30 janvier 1939

Il milite en faveur de la République espagnole. Lorsque les phalangistes de Franco s’emparent de Barcelone, le 26 janvier 1939, c’est la « retirada », exode des républicains vers la France.
Avec les JC du 12ème, il manifeste à l’angle de la rue d’Aligre et du Faubourg Saint-Antoine le 29 janvier 1939. Le cortège remonte le vieux faubourg aux cris d' »Ouvrez les frontières ! Des canons, des avions pour l’Espagne ! « , « l’Espagne aux Espagnols« . La police municipale disperse la manifestation à la hauteur de l’hôpital Saint-Antoine.  Il est alors interpellé avec un autre militant, pour vérification d’identité, sur ordre d’un officier de paix municipal.
A la déclaration de guerre il n’est pas mobilisable étant de la classe 1943.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Homologation au grade de sergent au titre de la Résistance intérieure française

Pendant la guerre et dès le début de l’Occupation, il continue ses activités militantes politiques. Il participe à la distribution de tracts sur les marchés, notamment contre l’institution des camps de jeunesse par le régime de Vichy. Il participe à la préparation de la manifestation de la Jeunesse communiste le 14 juillet 1941 sur les grands boulevards, manifestation à laquelle il participe.
Gaston Vergne est arrêté par la police française le 16 septembre 1940Il a été pris en train d’écrire « à bas les camps de travail » (1) sur un mur de la rue Daumesnil par des policiers municipaux du commissariat de Picpus. Il a en outre quelques tracts de la JC clandestine dans les poches. Interrogé au commissariat, il est déféré au dépôt de la Préfecture pour infraction au décret du 29 septembre 1939. Inculpé par un juge d’instruction il est incarcéré à la Santé, puis à Fresnes.
Il est jugé le 8 février 1941 devant la 15ème Chambre correctionnelle de Paris, qui prononce son acquittement en raison de sa jeunesse (« a agi sans discernement« ).

Remis en liberté le 9 février 1941, il reprend ses responsabilités à la Jeunesse communiste clandestine du 12ème arrondissement (distribution de tracts reproduisant la déclaration de la JC, préparation et participation à la manifestation du 14 juillet 1941 sur les grands boulevards).
Il est arrêté à nouveau le 1er novembre 1941 lors d’un rassemblement des Jeunesses communistes «sous le signe de l’antifascisme, commémorant la mort d’Henri Barbusse au cimetière du Père-Lachaise».
En même temps que lui sont arrêtés André Pradelles et Henri Migdal (selon sa sœur ils sont cinq jeunes, dont deux jeunes filles).

Fiche de transfert au camp de Rouillé du 10 novembre © CDJC C-331-24. Montage photo à partir de plusieurs feuilles © Pierre Cardon

Gaston Vergne est interné au camp de Rouillé le 10 novembre 1941. Il y devient responsable clandestin à l’éducation. Il tente de s’évader (le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «Centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé).

Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, le 21 mai 1942. Il est blessé le 22 juin 1942 au cours du bombardement de représailles du camp après l’évasion de 19 internés par un tunnel (parmi eux Georges Cogniot, André Tollet, Louis Thorez).
Lire dans le site les deux articles : 22 juin 1942 : évasion de 19 internés  et Le bombardement du camp de Compiègne dans la nuit du 23 au 24 juin 1942 . 
Gaston Vergne figure sur la liste des jeunes communistes du camp de Compiègne pouvant être déportés « à l’Est », en application de l’Avis du 14 décembre 1941 du Commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (Archives du CDJC). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Il jette une lettre du train qui l’emmène à Auschwitz. Celle-ci est postée par un cheminot.

Depuis le camp de Compiègne, Gaston Vergne est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-BirkenauGaston Vergne est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro 46186 selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il est affecté à Birkenau, au block 25.
Gaston Vergne meurt le 18 septembre 1942 d’après les registres du camp à la suite d’une « sélection » des « inaptes au travail » destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Il a été déclaré « Mort pour la France ».

Homologation au titre de la RIF de Gaston Vergne (1947)

Il est homologué le 18 décembre 1949 au grade de sergent au titre de la Résistance intérieure française ( Vincennes
GR 16 P 589693)
.

  • Note 1 : Le régime de Vichy a mis en place le 30 juin 1940, des « chantiers de la jeunesse » qui sont une obligation de 6 mois pour les jeunes qui auraient été en âge d’être appelés au service militaire. La JC clandestine a mené campagne contre ces « chantiers » paramilitaires mis au service de la « Révolution nationale » pétainiste.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Madame Dominique Vergne, sa sœur (questionnaire rempli le 16 mars 1987 accompagné de photocopies de documents : acte de disparition, homologation comme sergent RIF, attestation d’appartenance au Front National).
  • Photo transmise par sa sœur.
  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42). N° 79.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *