Matricule « 45 582 » à Auschwitz

Marcel Gauthier, photo de famille D.r.
Marcel Gauthier ; né au Creusot (Saône-et-Loire) en 1897 ; domicilié à Reims ; maçon puis verrier ; secrétaire du Syndicat Cgt des Verriers de Reims ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il décède le 27 septembre 1942.

Marcel Gauthier est né le 4 novembre 1897 au domicile de ses parents, « aux carrières, maison Grenot » au Creusot (Saône-et-Loire).
Ouvrier verrier, il est domicilié au 22, rue Cognacq-Jay à Reims au moment de son arrestation.
Il est le fils Catherine Dechaume, 26 ans, sans profession et de Charles Gauthier, 32 ans, manœuvre, son époux.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite au Creusot, où il travaille comme maçon au moment du conseil de révision. Il mesure 1m 79, a les cheveux châtains foncés et les yeux gris-bleus, le front ordinaire et le nez moyen, le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1917, Marcel Gauthier est mobilisé par anticipation en 1916, comme la plupart des jeunes gens de sa classe, depuis la déclaration de guerre et la mobilisation générale du 1er août 1914. Il est mobilisé le 11 janvier 1916 et incorporé le même jour au 11è régiment du génie, cantonné à Epinal. Ce régiment est engagé sur le front de Verdun, la Champagne et la Somme en 1916 et en Alsace en 1917. Souffrant d’inflammations des ganglions lymphatiques et d’insuffisance respiratoire « imputable au service » (adénopathie cervicale bilatérale, insuffisance respiratoire du sommet gauche), Marcel Gauthier est évacué vers l’arrière et classé « service auxiliaire » par la commission de réforme de Pau (siégeant dans un des hôpitaux provisoires) le 13 septembre 1917 (on notera qu’un autre déporté à Auschwitz, Ange Macés souffrira de  symptômes identiques, également « imputables au service »). 21 jours après, Marcel Gauthier est néanmoins déclaré « apte au service armé » par la commission de réforme d’Epinal du 4 octobre 1917. Il est alors affecté à la 24è section d’infirmiers le 26 octobre… Pour repasser au 11è régiment du génie le 28 décembre. Il est proposé pour la réforme temporaire n°1 avec gratification de 8è catégorie par la commission de réforme de Chalon-sur-Saône le 17 septembre 1918.  il « se retire » au Creusot, 16 rue de Tunisie. Il reçoit la médaille commémorative de la Grande guerre et la médaille de la Victoire… Mais le « certificat provisoire du combattant » qui donne droit à pension lui sera refusé en 1921, 1935 et 1940 !
En 1919 il est admis à la réforme temporaire n° 1 avec gratification de 100 F. Une pension temporaire de 30 % lui est accordée en 1919, 1920, 1921 (720 F). La commission de réforme de Chalon-sur-Saône le réforme définitivement avec pension de 20 % en
1922.

Le 13 décembre 1919 Marcel Gauthier épouse Anna, Léontine, Rougeot
(elle est née le 1er août 1898 à Saint-Léger-sur-Dheune) au Creusot. Ils ont trois enfants (dont Henri, né le 31 mai 1921 et Roger le 10 avril 1925).
En juillet 1922, le couple habite au 24, rue de Cormontreuil à Reims.

La clinique Lemaire à Berk-Plage
Marcel Gauthier peu avant la guerre de 1939 (in l’Union 1945)

Dans les années 1930, Marcel Gauthier part en soins à la Clinique orthopédique Lemaire, 46, rue Pierre Cornu à Berck-plage, puis à l’hôpital des anciens combattants à Metz en avril 1934 (aujourd’hui hôpital d’instruction des armées).

Verrerie Charbonneaux © Wikipedia / Gérald Garitan

Marcel Gauthier est « ouvrier d’entretien à la Verrerie Charbonneaux  Reims.
Militant syndical, il est secrétaire du Syndicat des Verriers de Reims en 1938 (qui compte alors 875 adhérents) et qu’il représente au Congrès de la CGT de 1938 » (Le Maitron).

Adolf Hitler à la cathédrale de Reims, le 26 juin 1940 (© journal L’Union).

En 1940, l’évacuation de Reims est décrétée par les autorités militaires françaises le 19 mai devant l’avancée allemande.
Le 11 juin 1940 des éléments de la 45è division d’infanterie allemande entrent à Reims. Le 14 juin, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Bousquet et Carl Oberg, Obergruppenführer, chef de la SS et de la Police pour la France

Dès septembre 1940, le Préfet de la Marne, René Bousquet fait établir par commune, des listes de “communistes notoires” et effectue des enquêtes dans les entreprises.
Ainsi, en décembre 1940, 200 militants sont identifiés et photographiés dans une trentaine de communes du département.
Au lendemain de l’invasion de l’Union soviétique, il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française.

Le 26 février 1942, la Feldgendarmerie arrête à Reims 18 militants syndicaux
et politiques dont huit seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » : Marcel GauthierJules HuonGuy LecruxRené ManceauFélix ReillonMaurice Roussel,  Henri RoyRoland Soyeux, ainsi que des membres de la communauté juive.

Lire dans le site : Le rôle de René Bousquet dans la déportation des « 45 000 » de la Marne.

Marcel Gauthier est arrêté à son domicile le 26 février 1942 par la police militaire de l’armée allemande (Feldgendarmerie), accompagnée de policiers français, le même jour que 17 autres marnais.
Il est détenu à la prison de Reims, puis remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celle-ci l’internent au camp allemand (le Frontstalag 122) de Royallieu à Compiègne, le 5 mars 1942 (il y reçoit le matricule « 3673 »).
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Gauthier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Marcel Gauthier, le 8 juillet 194

Marcel Gauthier est immatriculé le 8 juillet à Auschwitz sous le n° matricule « 45 582 ».
Il a 44 ans.

Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Marcel Gauthier meurt à Auschwitz le 27 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 336). Il est déclaré « mort pour la France ».
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Bourse du travail de Reims photo © Alain Girod
Photo © Bernard Bretet

Il est homologué au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL).
Sur décision du conseil municipal de Reims (25 août 1945), une plaque est apposée sur son domicile, 22, rue Cognacq-Jay à Reims (« Ici demeurait Marcel Gauthier, Patriote, mort en déportation au camp d’Auschwitz (Allemagne) 1899-1942« ).
Son nom est également honoré sur la stèle apposée dans la salle de réunion de la Bourse du travail de Reims.
Marcel Gauthier est homologué comme Déporté politique. Sa famille a en vain demandé son inscription comme « Déporté Résistant » (refus notifié par la mention « DR inadmis »).
Lire dans le site « La carte de « Déporté-Résistant ».

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Notice et photo parue dans « L’Union » (15 et 16 juin 1946).
  • Communication de Madame Jocelyne Husson, professeur à Reims (juin 1990).
  • Jean Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, tome 29, page 210.
  • J. Fallet, Le Front populaire à Reims
  • Fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale (archives des ACVG)

    Dessin © Jérôme Beunier
  • Les Livres des morts d’Auschwitz.
  • © Etat civil et registres matricules militaires de Saône-et-Loire.
  • Plaque du 22, rue Cognacq-Jay © Bernard Bretet / Genweb.
  • Photo de famille de Marcel Gauthier, in bulletin N° 13 d’avril 2013 de l’AFMD Marne et collection Dominique Grandjean-Gauthier, in site « Mémoire Vive ».
  • Dessin © Jérôme Beunier, in « Reims souviens-toi« . Plaquette réalisée dans le cadre d’un PAE par 27 élèves des classes de troisièmes B et C (année scolaire 1984-1985) du Collège St Rémi de Reims.

Notice Biographique (mise à jour en 2015,  2018, 2021 et 2024) réalisée à l’occasion de la conférence donnée au CRDP de Reims sous l’égide de l’AFMD de la Marne le 4 décembre 2002, par Claudine Cardon-Hamet en 2002, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

2 Commentaires

  1. Bonjour
    je suis tombé par hasard sur un tableau représentant deux resistants en train de saboter une voie ferrée.
    Au dos sur le cadre, on peut lire les inscritions : HOMMAGE A RESISTANCE-FER » et « MARCEL GAUTHIER » et « 4 RUE DAVRON PARIS XX »
    Ce tableau fait environ 12x90cm.

    1. Bonjour. Il y a bien un déporté nommé Marcel Gauthier dans le convoi de déportés du 6 juillet 1942. Mais celui-ci était verrier et habitait Reims. Pas de rapport avec Résistance Fer. Il s’agit donc d’un homonyme. Merci d’avoir écrit.

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