Henri Lefevre, in © Patrick Liber, © Photo

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Henri, Léopold Lefevre : né en 1894 à Levallois-Perret (Seine) ; domicilié à Gennevilliers (Seine) ; électricien outilleur, rectifieur ; fait prisonnier en 1916 ; syndicaliste, communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 20 août 1942.

Henri, Léopold Lefevre est né le 17 juin 1894 au domicile de ses parents au 33, rue Victor Hugo à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine). Il est domicilié, au moment de son arrestation, au 34, rue Chevreul à Gennevilliers (Seine / Hauts-de-Seine).
Il est le fils de Marie, Louise, Amélie Pierre, 37 ans, journalière, et de Louis, Léopold Lefèvre, 31 ans, serrurier, son époux. Il a trois frères et une sœur dont nous connaissons les prénoms et âges par les recensements : Thomas, 13 ans, Eugénie, 9 ans 1/2, et Louis, 3 ans. Leur frère cadet, Georges Louis Léopold, naît le 12 mars 1899 à Clichy. La famille habite alors au 1, rue du Bois.
Son registre militaire (matricule n° 4854 de la Seine) nous apprend qu’il mesure 1m 70, a les cheveux blonds, les yeux gris, le front et le nez moyens et le visage ovale. Au moment du conseil de révision, il est indiqué habitant Levallois, sans doute chez ses parents au 3, rue Trézel. Il travaille comme électricien outilleur, puis perceur.
Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire écrire et compter, instruction primaire développée).
La mobilisation générale française a été décrétée le 1eraoût 1917. Conscrit de la classe « 1914 », il est mobilisé et incorporé le 2 septembre 1914, au 5èmeRégiment d’artillerie à pied. au 5ème Régiment d’artillerie à pied. Le 9 mars 1916, il est signalé prisonnier à Bethincourt.

Camp de Meschede

Il est emprisonné au camp de Meschede (kriegsgefangenenlager situé à l’Est de Düsseldorf, sur la Ruhr). Il est rapatrié d’Allemagne le 26 décembre 1918. Le 18 février 1919, il est affecté au 13ème Régiment d’artillerie de campagne. Il est démobilisé le 3 septembre 1919 et revient habiter au 3, rue Trézel à Levallois.

Le 29 mars 1919, alors qu’il est soldat au 5ème Régiment d’Artillerie, il épouse Marie Raymond à Levallois. Elle est née le 24 février 1891 à Châteauneuf (Haute-Vienne). Journalière, domiciliée au 16, rue Morice à Levallois, elle est veuve de Jean Valade et maman d’une fille, Marie-Louise. Le couple Lefevre aura trois enfants (Albert né en 1920, Raymond né en 1924, Jacqueline née en1930.
En mai 1921, ils habitent au 129, impasse Gravel à Levallois. En octobre 1925, ils déménagent à Gennevilliers au 155, Cités Jardin, Parc Richelieu.
Lors du recensement de 1931, Henri Lefèvre est rectifieur et Marie Lefèvre travaille comme manœuvre chez Carbone Lorraine à Gennevilliers. Le couple héberge la mère d’Henri et une nièce Renée Jean-Pierre, manœuvre à Levallois.
Henri Lefevre est un syndicaliste chevronné « il avait vécu toutes les luttes ouvrières » (services des archives municipales de Gennevilliers), adhérent à l’USTM-CGTU (métallurgie), secrétaire du comité intersyndical de Gennevilliers.
Il est également adhérent au Secours populaire de France, et adhérent au Parti communiste (une cellule dépendant du 7ème rayon de la Seine). Il est considéré par les services des renseignements généraux comme un « agitateur communiste notoire ».
Début 1931, Henri Lefèvre est perceur aux établissements Chausson, à Asnières : un rapport des Renseignements généraux le concernant est adressé au Préfet. Son nom est mentionné « n° 14320 – 1938 » dans l’inventaire des individus du Fichier central de la Sûreté nationale récupérés en 1940 par les allemands (archives dites de Moscou récupérées par les soviétiques. Ce fonds devient le « fonds n°1 » des trésors de guerre conservés aux Archives spéciales centrales d’État à Moscou qui sont restituées à la France entre 1994 et 2001.
Lors du recensement de 1936, la famille Lefevre habite au 34, rue Chevreul à Gennevilliers : Henri Lefevre est toujours rectifieur chez Chausson à Asnières, son épouse est journalière chez Carbonne-Lorraine, Marie Valade est bonne chez Daverdin. Albert est tôlier chez Chausson et Renée Jean-Pierre manœuvre chez Hydra à Levallois.
A partir de 1938, il est classé « affecté spécial ». En effet travaillant dans la métallurgie comme rectifieur à l’Atelier de construction de Puteaux, et cette entreprise étant considéré par l’Armée comme relevant de la Défense nationale, il sera ainsi mobilisé sur son poste de travail (Compagnie de renfort 3964). Le 8 juin 1940, la famille habite 34, rue Chevreul à Gennevilliers.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Le 5 octobre 1940, Henri Lefèvre est arrêté par la police française dans la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine (élus, cadres du parti) et de la CGT.

Il est interné avec ses camarades, au camp de «séjour surveillé» d’Aincourt, près de Mantes (dans la Seine-et-Oise et aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés. Lire dans le blog Le
camp d’Aincourt

Note des Renseignements généraux au directeur du camp d’Aincourt sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» reçue par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur
internement (C 331/7). Pour Henri Lefevre on lit : « Agitateur communiste notoire. Se livre à une active propagande communiste clandestine». Lors de la « révision trimestrielle » de son dossier le commissaire Andrey, directeur du camp, bien connu pour son anticommuniste émet un avis négatif sur une éventuelle libération «un  communiste certain dont l’internement n’a pas modifié les opinions, père de 4 enfants » écrit-il. Les « internés administratifs » à Aincourt de 1940 et début 1941 n’ont en effet pas été condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont « amendés »… Andrey, dont l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables à une éventuelle libération.
Le 6 septembre 1941, Henri Lefevre est transféré avec 148 autres internés venant du camp d’Aincourt au CIA-CSS de Rouillé (1) pour l’ouverture de celui-ci.
Le 14 octobre 1941 le commandant du Centre d’Internement Administratif de Rouillé s’adresse au Préfet de la Seine pour obtenir des informations concernant les 149 internés provenant du camp d’Aincourt arrivés à Rouillé le 6 septembre 1941. La réponse du 1er bureau des Renseignements généraux (circulaire n°13.571.D) lui arrive le 30 octobre (doc C-331.24). Pour Henri Lefevre on lit, comme à Aincourt, avec son âge, adresse et date d’arrestation, comme cause de l’arrestation « Agitateur communiste notoire. Se livrait à une active propagande communiste clandestine»».

Note des Renseignements généraux au directeur du camp de Rouillé

Le 9 février 1942, il fait partie d’un groupe de 52 internés communistes qui sont remis aux autorités allemandes à leur demande, et
transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Fronstalag 122), via Poitiers.
36 d’entre eux seront déportés à Auschwitz avec lui. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Lefevre est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

L’entrée du camp d’Auschwitz

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45762 » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000), signalé comme incertain par un point d’interrogation correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Henri Lefevre meurt à Auschwitz le 20 août 1942 d’après les registres du camp. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français, n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, fixe la date de son décès au 15 janvier 1943 sur la base des déclarations (plus ou moins exactes) de deux de ses compagnons de déportation. Un rectificatif de 1994 la ramène au 30 août 1942.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué le 7 avril 1948. La courte notice biographique de la Mairie rappelle « le dévouement et l’abnégation » d’Henri Lefevre. Henri Lefevre est homologué (GR 16 P 353489) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance

La « Voix Populaire » du 6 juillet 1946. Montage photo Pierre Cardon

Le  6 juillet 1946, la « Voix populaire » de Gennevilliers rend hommage aux « 11 communistes » déportés
quatre ans plus tôt dans « le convoi maudit » vers Auschwitz. Il y est mentionné ainsi : « Henry Lefevre, vieux militant syndicaliste arrêté en octobre 1940 ».
Son nom est honoré sur une stèle en hommage au morts de 1939/1945 et sur le monument aux morts de la commune.

  • Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Sources

  • Archives municipales (Liste des Déportés, nom des rues, biographies).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943 le décès des détenus immatriculés).
  • © Photo Henri Lefevre, in Patrick Liber, rue de la Résistance (photocopie transmise par les archives de Levallois).
  • Registres matricules militaires de la Seine.

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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