Le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Christ Vannier avant guerre  (Val de Fontenay)

Matricule « 46 172 » à Auschwitz

Christ Vannier : né en 1902 à Saint Christophe-du-Jambet (Sarthe) ; domicilié à Almenêches (Orne) ; cheminot ; communiste, trésorier de cellule, syndicaliste CGT ; arrêté le 18 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Christ Vannier est né le 26 janvier 1902 à Saint Christophe-du-Jambet (Sarthe). Il habite 25, Le Fidelaire à Almenêches (Orne) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Eugénie Narbonne, née le 3 juillet 1862 à Saint Christophe-du-Jambet et de Christophe, Michel Vannier, son époux, né en 1852, cultivateur. Il est le cadet d’une fratrie de six enfants (Léocadie, 1879, Clémentine, 1881, Eugénie, 1889, Christine, 1892, Alice 1894 et Christ). Leurs parents se sont mariés le 20 juillet 1878 à Saint Christophe-du-Jambet.
Au moment du conseil de révision, il habite Ségrie (près de Beaumont-sur-Sarthe) et travaille comme « aide de culture ».
Conscrit de la classe 1922 (n° 37, bureau de Mammers) il est ajourné d’un an pour adénite (inflammation des nœuds lymphatiques). Il est déclaré « bon pour le service » l’année suivante. Cet ajournement l’a fait bénéficier de la loi du 1er avril 1923 qui réduit le service militaire de 3 ans à 18 mois (étape vers le service à 12 mois). Le 28 mai 1923, il est incorporé comme zouave au 1er Régiment de Zouaves. Embarqué à Marseille, il arrive à Casablanca au Maroc le 5 juin. Le 11 août 1924, il « passe » au 64e Régiment de tirailleurs marocains, jusqu’au 17 février 1924 (le régiment est devenu le 64e Régiment de tirailleurs nord-africains le 1er janvier 1924, mais sera toujours appelé Régiment de tirailleurs marocains).
Il fait partie des unités marocaines qui vont quitter le Maroc et participer à l’occupation des Pays Rhénans dans le cadre de l’Armée du Rhin : elles sont stationnés à Wiesbaden. Le 2 mai 1924, Christ Vannier est placé « dans la disponibilité », certificat de « bonne conduite » accordé.
En janvier 1927, il est domestique agricole et il est domicilié à Saint-Christophe-du-Jambet, Sarthe.
Le 12 février 1927 à Almenèches (Orne), Christ Vannier épouse Yvonne, Fernande, Alice Lefrant, née dans cette commune le 20 février 1907. Elle est domestique agricole. Le couple a cinq enfants : Denise (1923-2020), Roger (1926-2005), Marcel (1930), Yvette (1933-2018) et Christiane (1940-2018).
Le 21 janvier 1933, ils habitent au Château-d’Almenêches (Orne). En 1936, la famille habite route du Pin-au-Haras à Almenêches.
Il travaille à la SNCF comme ouvrier de deuxième classe aux Ateliers de Surdon. A la déclaration de guerre, il est mobilisé pour l’armée comme « affecté spécial » sur son poste de travail.
Adhérent du Parti communiste depuis 1938, trésorier de la cellule d’Almenêches et Surdon, il est également responsable du syndicat CGT de Surdon.

Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel. Flers, Vire et Coutances sont prises sans résistance.  Le 16 juin la 7ème Panzerdivision ravitaille à Flers, et traverse l’Orne à Alençon le 17. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les syndicalistes, anciens élus ou militant-es communistes « notoires » et procédé à des perquisitions et des arrestations.

Sa fiche au Val de Fontenay

Christ Vannier est arrêté le 18 octobre 1941 sur le chantier de Surdon. Le rapport de police stipule « en raison de son appartenance au Parti communiste« . Il est signalé par la Préfecture «comme agent surveillé».
Cette arrestation a lieu le même jour que celles Lucien Blin, Justin Daguts, Maurice
Denis
, Louis Fernex, Eugène Garnier, et Léon Leriche, syndicalistes ou militants communistes de l’Orne qui seront comme lui déportés à Auschwitz. «Le danger imminent de voir se développer des attentats et de nouvelles distributions massives de tracts, notamment dans la région flérienne où elles ont été très nombreuses durant les mois précédents, pousse les autorités locales à lancer une grande opération de ratissage sur tout le département. Au total, dix-neuf personnes sont arrêtées dans la journée» (1). Eugène Garnier, rescapé du convoi du 6 juillet 1942 arrêté lui aussi ce 18 octobre 1941, a écrit à propos de cette rafle : «Des arrestations et perquisitions de la Gestapo le jour même, ont lieu à la suite de la distribution massive d’un tract (rédigé et imprimé par imprimerie clandestine). Cette diffusion est à la base de l’arrestation de 3 camarades traduits en cour martiale, dont l’un deux, Henri Veniard fut fusillé à Caen le 12 novembre 1941. Les tracts appelaient au sabotage des installations de l’Occupant et des entreprises sous leur contrôle, également au renforcement de la Résistance et à la création de comités populaires, qui par la suite donnèrent naissance au Front national et aux premiers groupes FTPF».
Christ Vannier est remis aux autorités allemandes à leur demande, celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne le 19 octobre 1941.
Dans ce camp, il fait partie de l’organisation clandestine de résistance et de solidarité.
A Compiègne, il reçoit le matricule « 1680 », affecté au Bâtiment 3.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Christ Vannier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. 

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Christ Vannier le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Christ Vannier est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46172» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé celle-ci en septembre 1942 sur la base du témoignage de deux de ses compagnons de déportation.
Le titre de «Déporté Politique» lui a été attribué. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune.
Sa veuve est décédée le 13 mai 1998 à L’Aigle.

  • Note 1 : Centre de Recherche d’Histoire Quantitative – CRHQ – Biographies de résistants de l’Orne, par Thomas Pouty et Stéphane Robine.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen
    (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Il figure dans la liste des déportés de l’Orne, communiquée par M. Ventillard, bibliothécaire à l’Aigle (p.30).
  • Témoignages de Maurice Hochet et d’Eugène Garnier.
  • Photo en civil, fiche du Val de Fontenay (annexe du ministère des Anciens combattants)
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen et Val de Fontenay 1993.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Registres matricules militaires de la Sarthe (2014). N° 37, bureau de Mammers.
  • Archives de l’Orne (mariages, naissances).

Notice biographique  réalisée en avril 2001 (modifiée en 2011, 2018 et 2021), pour l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association «Mémoire Vive». Par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteure des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942«  Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

2 Commentaires

  1. Un très grand Merci à Claudine Cardon-Hamet, avec qui j’avais pu échanger lors de la sortie de son très beau livre.
    En traçant les circonstances du décès de mon grand-père, elle m’a permis de lui donner la vie, à mes yeux de petite-fille de déporté…
    Encore Merci.

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