Eugène Guillaume à Auschwitz

Matricule « 45 642 » à Auschwitz 

Eugène Guillaume : né en 1907 à Moulery-Thury (Yonne) ; domicilié à Clichy-la-Garenne (Seine) ; employé de commerce ; communiste ; le 14 octobre 1940, condamné à 6 mois de prison (Santé, Fresnes) ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 13 août 1942.

Eugène Guillaume est né le 3 septembre 1907 au lieu dit Moulery à Thury (Yonne).
Il est domicilié 5, rue de Neuilly à Clichy (ancien département de la Seine/ Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Eugénie Denis, 30 ans, giletière et de Fernand Guillaume, 29 ans, employé de commerce, son époux. Ses parents habitent à Paris 17è, rue Ruhmkorff. Il a trois frères : Edmond né en 1903 à Paris , Raoul né en 1905 et Bertrand, né en 1907 tous deux nés dans l’Yonne à Thury

Eugène Guillaume s’est marié à Clichy le 30 juin 1932 avec France, Elianne Chenais, 17 ans, née le 21 octobre 1914 à Paris 10è . Domiciliée 14 rue Dagobert à Clichy, elle est employée de commerce.
Lui a 24 ans, est domicilié au 12 rue Alfred Couillard à Clichy et travaille lui aussi comme employé de commerce.
Le couple a un garçon, Jean, Lucien, né le 6 juin 1933 à Paris 18è (il est décédé le 9 juillet 2004).

Eugène Guillaume
est membre du Parti communiste.
En consultant le registre de recensement de Clichy pour l’année 1936, on constate qu’il n’habite plus rue Dagobert et que son nom ne figure pas au 5, rue de Neuilly à cette date. Par contre au 3, rue de Neuilly habite Jean Guillaume, et au n° 5, sont logés à l’appartement n° 2 : sa mère, Eugénie Guillaume, née Denis, qui travaille comme crémière et ses trois frères, Edmond qui est dessinateur et son épouse Ernestine qui est employée de bureau, Raoul qui est manœuvre, et Bertrand qui travaille comme employé de bureau. Il est vraisemblable que Guillaume et son épouse France aient remplacé Edmond et Ernestine, soit au numéro 5, soit aient habité dans un des deux logements vacants au n° 3 au moment du recensement (appartements 15 et 16).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population.
La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Connu des services de Police comme ancien adhérent du Parti communiste, Eugène Guillaume est arrêté à son domicile le 14 octobre 1940 le même jour que trois autres clichois, les frères Mathiaud et René Petitjean. Qualifiés de « meneurs communistes actifs« , ils sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, et sont condamnés à 6 mois de prison (leurs peines seront confirmées en appel le 10 mars 1941). Ils sont écroués à la Santé (le 16) puis à Fresnes le 17 mars 1941.

Petits sabots sculptés à Aincourt par Eugène Guillaume © Eric Guillaume 2012

A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, et en application du décret
du 18 novembre 1939 (1) le préfet de police de Paris, Camille Marchand, fait interner « administrativement » Eugène Guillaume au camp de «Séjour surveillé» d’Aincourt, ouvert
spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la
région parisienne par le gouvernement de Vichy.

Lire dans le site Le camp d’Aincourt.

Montage photo : liste des communistes internés à Aincourt le 18 mars 1941

Il y est interné avec deux autres clichois les frères Henri et René Mathiaud le 18 mars 1941.

Ils y retrouvent un autre communiste clichois, René Petitjean, interné depuis le 16 janvier. Eugène Guillaume, René Louis, Henri Mathiaud, Louis Preuilly et Edouard Dufour seront tous déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942 (seul le frère d’Henri Mathiaud, Raymond, ne le sera pas).

Puis, comme eux, il est transféré au camp de « Séjour surveillé » de Rouillé le 6 septembre 1941.
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé 

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé (2) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122).
Le nom d’Eugène Guillaume (n°95) y figure, comme ceux de ses deux camarades clichois, Henri Mathiaud et René Petitjean.
C’est avec un groupe d’environ 160 internés (3) qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Eugène Guillaume est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, en vue de sa déportation comme otage.
A Compiègne il reçoit le n° matricule « 5886 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Eugène Guillaume est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.

Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Eugène Guillaume à Auschwitz

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 642 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

L’entrée du Camp d’Auschwitz

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Selon un témoignage de René Petitjean, page 34 de « Témoignages sur Auschwitz« , Eugène Guillaume est mort à la suite du supplice de la Schlague (25 coups de baguette métallique assénés par les SS). La date de décès du certificat du camp d’Auschwitz destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz est le 13 août 1942 (in Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz, Tome 2, page 409).

La mention « Mort en déportation«  est apposée sur son acte de décès (arrêté du 6 mai 1994 paru au Journal Officiel du 21 juin 1994). Cet arrêté porte néanmoins une date erronée : décédé le 15 mars 1943
à Auschwitz.
Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée  sur son certificat de décès de l’état civil de la municipalité d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.

Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué (carte n° 35.480).
Il est homologué (GR 16 P 277961) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.

  • Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
  • Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives en ligne de l’Yonne, Etat civil de Thury.
  • Archives municipales de Clichy.
  • Archives du CDJC (XLI-42).
  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC, Archives de Caen du ministère de la Défense).
  • Internés au camp d’Aincourt / Archives de la préfecture de police / BA 2374.
  • Liste du 22 mai 1942, transfert vers Compiègne (Centre de Documentation Juive
    Contemporaine XLI-42).
  • Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz , Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Témoignage de René Petitjean, militant communiste, rescapé du convoi, Clichois comme lui.
  • Courriel de son petit-fils, Eric Guillaume (communication du livret de famille d’Eugène Guillaume, et photos) / mai 2012.
  • Recensement de 1936 à Clichy.

Notice biographique (complétée en 2016, 2019, 2021 et 2024), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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