Maurice Auvray in « De Caen à Auschwitz« 
A Auschwitz le 8 juillet 1942

Matricule « 45 187 » à Auschwitz

Maurice Auvray : né en 1920 à Orbois (Calvados) ; domicilié à Dives-sur-Mer (Calvados) ; imprimeur ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 1er mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 31 octobre 1942. 

Maurice Auvray est né le 23 janvier 1920 à Orbois (Calvados). Il habite 19, rue de Bretagne à Dives-sur-Mer (Calvados) au moment de son arrestation. Il est célibataire.
Il est le fils de Victor, Alexandre Auvray (1879-1965), boulanger, né le 19 février 1879 à Estry, Calvados. Celui-ci a épousé en premières noces le 13 septembre 1904 à Saint-Charles-de-Percy, Eugénie Simon, institutrice née le 16 novembre 1866 à Maisoncelles-sur-Ajon, Calvados.
En 1911 son père est boulanger à 
Saint-Charles-de-Percy.
Le 10 avril 1915, à Anctoville, son père s’est remarié avec Julienne, Marie, Léontine Leboeuf dite Léontine, née le 23 janvier 1896 à Hottot-les-Bagues, Calvados.
Maurice Auvray a sept sœurs et frères : Yvonne, née le 10 février 1916, Georges, le 28 mars 1918, Simone, le 6 septembre 1921, tous nés à Orbois, Hélène Solange le 28 février 1924 à Sainte-Marie-aux-Anglais, Odette le 8 octobre 1926, née à Gonneville-sur-Merville, Jean,  le 8 février 1932 et André en 1933 nés à Dives.
En 1921 et 1926 avec ses parents, Yvonne et Georges, Maurice Auvray habite Orbois au n° 12, Le Village, où leur père est boulanger.
En 1931 la famille habite à Dives-sur-mer au 1, rue de Bretagne. Son père travaille alors chez à l »Electro » (Société d’Electro-Métallurgie de Dives, usine du groupe Tréfimétaux).  En 1936, ils habitent au n° 3, rue de Bretagne. Leur père travaille toujours comme ouvrier chez Electro, ainsi que sa fille aînée Yvonne.
Georges est ouvrier boulanger et Maurice est imprimeur chez Marcouire (d’après la fiche remplie par son père pour la FNDIRP. il travaille comme manœuvre. Mais la liste établie par la Préfecture et remise à la FeldKommandantur 723 le 3 mai 1942, le mentionnait bien comme « imprimeur » au moment de son arrestation, habitant au 19, rue de Bretagne. Voir le document ci-dessous).

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Membre du Parti communiste clandestin, Maurice Auvray est arrêté dans la nuit du premier au 2 mai 1942 par des policiers français.  

Listes d’arrestations des communistes arrêtés sur désignation de l’autorité allemande (Feldkommandantur 723)  et remis à celle-ci le 3 mai 1942 (montage photo à partir du document de la Préfecture de Caen / CDJC)

Son nom figure en effet sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes. Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands.
Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants.

24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht.
28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1
er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI.
Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.

Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).

Avec six autres habitants de Dives, Maurice Auvray est amené à la maison d’arrêt de Pont-L’Evêque.
Madame Christine Le Callonec, parente par alliance du petit-fils fils d’un déporté, M. Jacques Sergeff, m’a fait parvenir les registres d’écrou de la prison de Pont-L’Evêque, concernant les arrestations effectuées par la Gendarmerie nationale française sur réquisition des Autorités allemandes le 3 mai 1942. Sur les quatre pages de ces registres d’écrou figurent les noms de 15 hommes. Parmi eux, 11 seront transférés à la Maison d’arrêt de Caen le 3 mai, puis à Compiègne et de là déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942. Il s’agit de Maurice Auvray, Maurice Monroty, Pierre Lelogeais, Jacques Grynberg, Maurice Guerrier, Henri Philippard, Emmanuel Michel, Lucien Lehmann, Henri Hasman, Chaïm Levinsky et son fils, René Levinsky.

Le signalement du registre relève son âge : 22 ans et ses caractéristiques physiques. 1 m 72, Barbe : blonde, Menton : fuyant, Bouche : pincée, Nez : r, Sourcils : arqués, Yeux : clairs, Cheveux : châtains. Sa date et lieu de naissance : 23 janvier 1920 à Orbois (Calvados). Suivent sur la même ligne les mentions concernant l’identification des autorités ayant effectué l’arrestation (elle est « passagère » réalisée par la Gendarmerie nationale française) et l’autorité l’ayant commandée (autorités allemandes). Suivent : le dernier lieu de « séjour » (Dives-sur-Mer), la date d’entrée à la prison de Pont-L’Evêque : le 3 mai 1942 et la date de sortie : le 3 mai 1942, puis la mention du transfert à la Maison d’arrêt de Caen le 3 mai 1942.

Maurice Auvray et dix autres otages – Juifs et communistes -, sont conduits en autocars le 3 mai au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le 4 mai, en vue de sa déportation comme otage.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, le Frontstalag 122, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Maurice Auvray est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 187 ».

Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Maurice Auvray meurt à Auschwitz le 31 octobre 1942 d’après les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Son nom figure sur le monument de Dives dédié aux victimes des camps de concentration nazis.

Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de  David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Maurice Auvray est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fiche de renseignements FNDIRP établie par son père. (N° 8413) : Motif d’arrestation, « Résistant ».
  • Photo in : « De Caen à Auschwitz » ouvrage collectif réalisé par les professeurs et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, du lycée Malherbe de Caen et de l’association « Mémoire Vive ».
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen.
  • Recherches généalogiques (état civil, recensement de 1921 image 5, et 1926 à Orbois, 1931 à Dives image 48/98 et 1936 image 11/97, registre matricule militaire du père) effectuées par Pierre Cardon.

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2016, 2017, 2020, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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