Cyprien Bonazzoli © FNDIRP 54
Le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Matricule « 45266 » à Auschwitz

Cyprien Bonazzoli ; né en 1890 en Italie ; domicilié à Rehon (Meurthe-et-Moselle); fondeur ; arrêté le 21 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 21 février 1942.  

Cipriani (Cyprien) Bonazzoli est né le 11 août 1890 à Drizzona (province de Crémone en Italie). Il habite au 47, rue de Lexy à Rehon (près de Longwy) au moment de son arrestation (Charles Wingert  (46206) arrêté le même jour que lui habite au 43 ou 53).

Il est arrivé en France entre 1918 et 1924 (date de naissance de leurs deux premiers enfants, l’un en Italie, l’autre en France).
Il épouse Matilde Pagliari, née le 27 janvier 1893 à Sospiro (province de Crémone en Italie). Le couple a trois enfants : Lino, né le 4 juin 1918 à Piadena (province de Crémone, Italie), et Deste, Marina, née le 5 novembre 1924 à Cosnes-et-Romain (Meurthe-et-Moselle), Bruno, né en 1934 à Réhon.
La famille est arrivée en France en 1922, et s’installe à Cosnes-et-Romain (située à la frontière franco-Belge) où se trouvent les forges de Gorcy.
En juin 1930, les Bonazzoli viennent habiter au 14, rue de Lexy à Réhon (Meurthe-et-Moselle). Cyprien Bonazzoli est fondeur, puis fondeur-chef à la Société des Laminoirs, Hauts-Fourneaux, Fonderies et Usines de la Providence usine de Réhon (« La Providence »).
Il acquiert la nationalité française, ainsi que son épouse et ses enfants par décret du 22 juillet 1930 (paru au J.O. du 3 août 1930).

« Pendant la « drôle de guerre », l’étranger suspect est particulièrement visé. En application des instructions ministérielles du 17 septembre 1939, le préfet Léon Bosney demande à la gendarmerie, par circulaire du 30 septembre, de lui fournir la liste « des étrangers ou étrangères indésirables, suspects au point de vue national ou dangereux pour l’ordre public, en vue de leur internement éventuel, se trouvant actuellement encore dans votre circonscription ou votre secteur », avec rapport sur chacun d’eux » (Jean-Claude Magrinelli, chercheur au CRIDOR). Selon le rapport de la Préfecture de Meurthe-et-Moselle, Cyprien Bonazzoli « a lutté contre les Heures supplémentaires » et il est « propagandiste communiste« .

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ».  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Le 22 juillet 1940, l’État français, s’inscrivant, en l’empirant, dans un long processus, commencé fin 1938 avec les décrets-lois Daladier sur les étrangers décrète le réexamen de toutes les naturalisations accordées depuis 1927. Il « entend, sinon débarrasser le pays des étrangers indésirables, du moins les placer sous contrôle étroit et, pour les plus dangereux, les priver de la citoyenneté française qu’ils auraient pu acquérir. L’anticommunisme va de pair ici avec la xénophobie » (Magrinelli). La conséquence pour nombre d’entre eux sera la déportation et la mort. Plus de 15 000 personnes furent concernées en France jusqu’en mai 1944.

Journal officiel du 18 octobre 1941 © montage Pierre cardon

La Préfecture de police de Meurthe-et-Moselle transmet le 24 mars 1941 à la commission nationale de retrait de nationalité le dossier de Cyprien Bonazzoli : « a lutté contre les Heures supplémentaires » et il est « propagandiste communiste« . Le 16 mai 1941, la commission de retrait décide de son retrait de la nationalité française (décret du 14 octobre 1941, publié au Journal officiel du 18 octobre 1941, après examen au cours de la séance n° 272 du 16 mai 1941 par la commission 2).
Son épouse et ses enfants subiront la même mesure par décret du 5 mai 1943 « par extension du retrait de son mari, qui était communiste« .

Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942). Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.

Cyprien Bonazzoli est arrêté le 21 février 1942 à Réhon en même temps que Charles WingertIl est interné à la prison Charles III de Nancy. Cyprien Bonazzoli est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne en vue de sa déportation comme otage.Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, lire dans le blog «une déportation d’otages.

Depuis le camp de Compiègne, Cyprien Bonazzoli est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Cyprien Bonazzoli est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45266 ». 
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Cyprien Bonazzoli meurt à Auschwitz le 1er septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 115). Dans les années d’après-guerre, le ministère des ACVG a fixé la date de décès au 18 septembre 1943. Il a été déclaré « Mort pour la France« .

Plaque commémorative à Thil

Son nom est honoré sur le Monument aux morts de Réhon et sur le monument du centre ville. Son nom est inscrit sur la plaque commémorative du mémorial de la nécropole nationale de Thil – Plaque de la commune de Réhon – « Réhon à ses compatriotes martyrs » .
Le nom de son fils, Lino Bonazzoli, y est également inscrit, avec la mention « mort pour la France ». Il est chimiste et domicilié à Castillon-sur-Dordogne
(Gironde). Les causes de son décès survenu le 30 novembre 1940 à 500 m de la gare de Révigny (Meuse) sur la ligne Paris-Strasbourg sont inconnues.

L’Echo de Nancy, 28/11/1940

Le décès en lui-même est relaté dans L’Echo de Nancy » du 28 novembre 1940, avec mention de ses dates et lieux de naissance. Dans la mesure où Lino Bonazzoli est reconnu « Mort pour la France », inhumé à la nécropole militaire de Revigny, on pourrait penser à un acte de sabotage. Néanmoins, son nom ne figure pas sur la plaque commémorative de Réhon.

Sources

  • Témoignage de M. Pilarczyk, président de la section FNDIRP de Villerupt (juin 1989), qui mentionne que Germain Pierron (45985) de Thil et Richard Girardi 45607 de Villerupt l’ont connu.
  • « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 345.
  • Mairie de Villerupt 1989.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, décembre 92, Octobre 93, Caen.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Recensement de la population de Rehon / 1936.
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et
le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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