Matricule « 45 382 » à Auschwitz
Amilcare Casagrande : né en 1898 à Cison di Valmarino (Italie) ; domicilié à Villerupt (Meurthe-et-Moselle) ; naturalisé français ; ouvrier qualifié ; militant CGT et communiste ; arrêté le 22 février 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 28 septembre 1942
Amilcare Casagrande est né le 12 juillet 1898 à Cison di Valmarino (province de Trévise, Italie). Il habite au 22 rue Saint-Ernest à Villerupt (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Augusta Fava et d’Eugénio Casagrande.
Il s’est marié avec Jeanne Hoffmann. Elle est née en 1902 à Rumelande (canton d’Esch-sur-Alzette au Luxembourg). Le couple habite au 17, rue Emile Curicque à Villerupt en 1926 (source recensement de population).
Amilcare Casagrande est naturalisés français par le décret du 8 août 1929 (cote 2257×29 BB/11). Son épouse l’est par mariage.
Il est ajusteur aux aciéries Micheville de Villerupt.
Amilcare Casagrande est syndiqué à la CGT et membre du Parti communiste.
En 1931 le couple vient habiter Cités Saint-Ernest (source recensement de population), il y demeure en 1936 et jusqu’à l’arrestation d’Amilcare.
A la déclaration de guerre de septembre 1939, Amilcar Casagrande n’est pas mobilisé : ouvrier qualifié, il est « affecté spécial » à son poste de travail.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle.
Le Préfet de Meurthe-et-Moselle a fait recenser, à partir de novembre 1940, par les services de la Préfecture de Meurthe-et-Moselle les étrangers ou français naturalisés potentiellement « indésirables » (les dossiers mentionnent souvent « meneur de grèves » ou « s’est fait remarquer dans les grèves » ou « a refusé les heures supplémentaires »). Le préfet collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, fait remonter les dossiers ainsi constitué à la commission nationale de retrait des nationalités. Il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).
Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF (Militärbefehlshaber commandement militaire des forces d’occupation allemandes) annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Amilcare Casagrande est arrêté le 22 février 1942 (source DAVCC) ou le 21 (C.f. la demande de recherche de son épouse en juin 1945), par la Feldgendarmerie, dans la même période que Marcel Hébrant.
Selon les recherches de Jean-Claude Magrinelli, en dépit d’un dossier monté à la préfecture de Meurthe-et-Moselle (il fait partie des 15 dossiers conservés à Nancy qui ont été consultés par M. Jean-Yves Magrinelli. Cinq d’entre eux ont été refusés), il n’a pas été dénaturalisé comme l’ont été 11 autres français d’origine italienne de Meurthe-et-Moselle (in Rôle du préfet, de ses services et des maires dans l’instruction des dossiers de dénaturalisation : l’exemple de la Meurthe-et-Moselle).
Lire également l’article du site : Douze « 45.000 » dénaturalisés par Vichy
Il est d’abord incarcéré à la prison de Longwy, puis à celle de Charles III à Nancy. Il est interné au camp d’Ecrouves le 25 février, puis il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent début mars 1942 au camp de Royallieu à Compiègne en vue de sa déportation comme otage.
Depuis le camp de Compiègne, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une
déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Amilcare Casagrande est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 338 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (1) qui a été faite en deux exemplaires, a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Amilcare Casagrande meurt à Auschwitz le 28 septembre 1942 d’après la liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp. Dans les années d’après-guerre, le ministère des ACVG a fixé le décès à « fin juillet 1942« , mention qui figurait toujours dans l’arrêté paru au JO du 5 octobre 1987 (mort en déportation). Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Amilcare Casagrande a été déclaré « Mort pour la France« .
Son nom figure sur le monument aux morts de Villerupt et sur la plaque commémorative des déportés de Villerupt au mémorial de Thil, dans la crypte de la Nécropole Nationale – « Déportés de Villerupt – Thil décédés ou disparus de 1940 à 1944 dans les bagnes nazis, Pour la France », comme ses camarades Victor Bieber, Marcel Durand, et Louis Gangloff.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Démarches de M. Alain Casoni, maire et conseiller général de Villerupt (avril 1989)
- Acte de décès (Mairie de Villerupt, 1989).
- Documents concernant les déportés de Villerupt, cartes-hommages, envoi de M. Pilarczyk, président de la section FNDIRP de Villerupt, juin 1991.
- « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 346.
- Martyrologie de la déportation à Villerupt, feuilles communiquées par Mme Marie-Louise Bernard, fille de Louis Gangloff
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen 1992.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Les aciéries de Villerupt (collection M. Firsch).
- Base des « dénaturalisés de Vichy » Archives nationales.
Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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