Matricule « 46 227″ à Auschwitz

Amadeo Cavalli (DR famille)
Hommage PCF Homécourt
Amadéo Cavalli : né en 1899 à Valstagna (Italie) ; domicilié à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) ; mineur ; naturalisé français ; communiste ; arrêté le 7 février 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt

Amadéo Cavalli est né le 25 juin 1899 à Valstagna (Italie).
Il habite au 227, rue Léon Molinos à
Homécourt (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Amedeo  Cavalli né le 6 juillet 1859 à Valstagna (Italie) et d’Antonia Pianara, née en 1863 à Valstagna. Dans son dossier de naturalisation on lit qu’il a satisfait à la loi militaire italienne.
En 1923 Amadéo Cavalli est manœuvre à l’usine De Wendel à Jœuf (Meurthe-et-Moselle). 

Puits du Fond de la Noue (carte postale Punti, éditeur, Homécourt; Collection : industrie.lu)

Le 25 avril 1925 à Homécourt, Amadeo Cavalli épouse Maria Chiesa, née à Turin en 1906. Le couple aura cinq enfants : Narcisse (Narciso), né le 24 novembre1926 ; Jeannette, née le 27 février 1932 ; Inès, née le 25 avril 1934 ; Guy (Gui), né en 1935 et Danielle, née en 1939. Tous les enfants Cavalli sont nés à Homécourt.
En 1926, Amadeo Cavalli est embauché comme mineur pour le compte des Forges et Aciéries de la Marine à Homécourt.
En 1931 il travaille au Puits du Fond de la Noue pour les Mines d’Homécourt.

Avis favorable du Préfet de Meurthe et Moselle 1935

Il est adhérent à la CGT et membre de l’Union Populaire Italienne (1).
Il est militant du Parti communiste de 1936 à 1939 et il organise (ou participe à) des collectes pour les Brigades Internationales en Espagne. « Pendant cette période, il s’est fait remarquer dans les réunions et meetings extrémistes auxquels il participait régulièrement » (rapport du Préfet le 2 novembre 1941 pour obtenir sa dénaturalisation).
Il obtient la nationalité française par décret du 13 février 1936 (dossier de naturalisation : 4797 X 35, conservé aux Archives nationales sous la cote 19770885/86).
Lors du recensement de 1936, il est indiqué comme étant de nationalité française, ainsi que sa femme et ses enfants.
Selon Charles Dallavalle, il avait rejoint les Brigades Internationales. Mais après vérifications, il s’agit sans doute de son frère Giovani Cavalli.

En août 1939, il est mobilisé au 60ème Bataillon régional, et sera démobilisé courant novembre 1940.

Par décision de l’Occupant la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur «peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté).
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle.
Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251). A Homécourt la Préfecture recense 1 sabotage de voie ferrée et 3 sabotages de freins de wagons, à Auboué commune voisine de deux kilomètres : 2 sabotages de lignes téléphoniques, 2 sabotages d’installations industrielles, 3 sabotages de voies ferrées.
Pendant l’occupation, Amadeo Cavalli participe « à la Résistance organisée par le Parti communiste« (Ib).
Le sabotage du transformateur d’Auboué, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle.
Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.

Le 7 février 1942, Amadeo Cavalli est arrêté par des policiers français et allemands
, à la suite du sabotage du transformateur d’Auboué (lire le récit du sabotage du transformateur d’Auboué, dans la nuit du 4 au 5 février 1942). Sa fille Danièle mentionne les noms d’autres hommes arrêtes en même temps que lui : Antoine Corgiatti, Joseph Zerlia, Giobbé Pasini, Dino Tamani, et Paul Perot.

Journal officiel du 18 août 1942
Avis de la commision du 20 nov.1941 : retrait individuel

Amadéo Cavalli est déchu de sa nationalité française
« L’autorité préfectorale engage de sa propre initiative des procédures de dénaturalisation à l’encontre de militants internés administratifs auprès de l’administration centrale. Par exemple, le 17 juillet 1941, contre Amadeo Cavalli et Natale Passini, d’Homécourt. Le sous-préfet de Briey fait de même, le 4 septembre, contre Bruno Vanin et Louis Bresolin, habitant Valleroy. Le préfet, dans une lettre adressée le 17 octobre 1941 au sous-préfet de Briey écrit : « Vous m’avez transmis plusieurs listes de naturalisés connus comme ayant appartenu au Parti communiste ou participé à des agitations communistes avec avis de leur retirer la nationalité française. Pour me permettre d’engager la procédure habituelle, j’ai l’honneur de vous prier de me faire parvenir un rapport détaillé sur chacun des individus qui devra préciser en outre l’état civil et la situation familiale, la date du décret de naturalisation, les faits exacts aussi précis que possible motivant la proposition de retrait de la nationalité ». In Jean-Claude Magrinelli (Op cit.).
Amadeo Cavalli est déchu de sa nationalité française » par le décret du 3 août 1942, publié au Journal officiel du 18 août 1942, après examen au cours de la séance n° 482 du 20 novembre 1941 par la commission 2.

Lire dans le site :  Douze « 45.000 » dénaturalisés par Vichy

Amadeo Cavalli est incarcéré à la prison de Briey, puis à la prison Charles III de Nancy.
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Amadeo Cavalli est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Amadéo Cavalli est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 227 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date du décès Amadéo Cavalli à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé la date de son décès entre le 6 juillet 1942 et le 4 juillet 1943.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué (N° 111 902 875) le 8 novembre 1952.
Son nom est honoré sur le monument aux morts d’Homécourt et sur le monument de la déportation à Jarny.
Une cellule du PCF a porté son nom.

Fiche du 31 janvier 1945

Sur une une fiche conservée dans la base Dénat, datée du 31 janvier 1945, sans titre, mais qui émane manifestement d’une commission examinant la déchéance de nationalité, il est indiqué pour Amadéo Cavalli, après son numéro de dossier, son nom et prénom, ses dates de naturalisation et de retrait de nationalité « Observations : « 5 enfants. On ne lui reprochait que ses opinions politiques (cf rapport du Préfet de Meurthe et Moselle du 11/41)). Pas de condamnation ». proposition : de classer. Approuvé. Signature« .

Si on peut logiquement penser que ce « classement » équivaut à un retour à la situation antérieure, c’est à dire au recouvrement de la nationalité française compte tenu du décret d’annulation des procédures de déchéance, il n’est pas aussi clair qu’il le devrait.

Courrier de Maria Cavalli au ministre. 1951

Sur les conseils de la FNDIRP de Meurthe-et-Moselle, son épouse Maria a fait en décembre 1950 des démarches auprès du Secrétariat d’état à la Santé publique et à la population, afin que les pièces prouvant la naturalisation de son défunt mari en 1936 lui soient restituées (ces pièces avaient été confisquées par ordre du Préfet en 1942).
En effet, elle écrit au ministre qu’il lui a été impossible de se faire délivrer ces pièces pourtant nécessaires pour qu’elle puisse toucher les sommes qui lui sont dues en tant que veuve de Déporté.
Dans le document ci-contre daté du 18 janvier 1951, adressé au préfet de Meurthe et Moselle, le ministre Pierre Schneiter, secrétaire d’état à la Santé publique et à la population, prie le Préfet de lui restituer le document, ou en cas de décès à ses ayants-droits.

« J’ai l’honneur de vous faire connaître que Maria CAVALLI, demeurant à LAMY, rue des casernes, m’a saisi de la situation de son mari Amadeo CAVALLI naturalisé par le décret du 13 février 1936. Cette décision avait fait l’objet d’une mesure de retrait par décret du 3 août 1942, et le susnommé avait été amené à restituer à cette occasion l’ampliation de son décret de naturalisation.
La mesure de retrait ayant été annulée par l’ordonnance du 24 Mai 1944 je vous prie de remettre cette pièce à l’intéressé, ou en cas de décès de celui-ci, à ses ayants droits
 ».

Note 1 : sur l’UPI voir Éric VIAL, L’Union populaire italienne, 1937-1940. Une organisation de masse du Parti communiste italien en exil, Rome, École française de Rome, 2007, 461 p., ISBN : 978-2-72830-756-2.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Danièle, fille d’Amadéo Cavalli, (25 janvier 1989). Agée de 3 ans au moment de l’arrestation, elle a rassemblé les témoignages qu’elle a pu retrouver pour aider à reconstituer l’itinéraire de son père.
  • M. Jean Pierre Minella, maire d’Homécourt (9 mars 1989).
  • Charles Dallavalle, ancien résistant (témoignages de 1972).
  • Le sabotage du transformateur d’Auboué, dossier dans les Archives allemandes Avak , page 175.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Photo de famille d’Amadéo Cavalli in « Mémoire vive » bulletin N° 40.
  • Recensements de 1931 et 1936 à Homécourt.
Le Républicain Lorrain du 28 juillet 1997 rend compte de la conférence à Homécourt
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997, salle Pablo Picasso à Homécourt

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger , vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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