René Boulay : né en 1892 à Saint-Pryvé (Loiret) ; domicilié à Orléans au moment de son arrestation ; marié ; tourneur-ajusteur à la Manufacture des tabacs ; secrétaire de l’UD-CGTU du Loiret ; candidat du BOP aux municipales à Orléans de 1929 et 1935 ; arrêté le 28 septembre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté et mort à Auschwitz le 18 novembre 1942

René Boulay est né chez son grand-père Louis Puis, le 19 novembre 1892 à Saint-Pryvé (Loiret).
Il habite au 3 ter, rue Vappereau à Orléans au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise, Eloïse Puis, 25 ans, cuisinière et d’Honoré Boulay, valet de chambre, son époux. Ses parents habitent Saint-Calais dans la Sarthe où son père est employé. 

Au moment du conseil de révision, René Boulay habite à Orléans au 56,
rue Vielle Levée. Il travaille comme mécanicien. Son registre matricule
militaire indique qu’il mesure 1m 67, a les cheveux châtain, les yeux marron, le front moyen vertical et le nez cave moyen, le visage long. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1912, il est incorporé en août 1913 au 153è Régiment d’infanterie.
Mobilisé le 2 août 1914, il est fait prisonnier le 20 août 1914 lors de la bataille de Morhange, Schlacht bei Dieuze pour les Allemands. Il ne sera libéré que le 17 décembre 1918. Il est alors ramené au dépôt du 191è régiment d’Infanterie et n’est démobilisé que le 25 août 1919. Les archives en ligne du Loiret ayant recouvert une  partie de son registre matricule, nous n’en saurons pas plus. En août 1920, il habite au 4, rue Saint-Mesmin à Orléans, au domicile de ses parents. 

Le 12 mai 1923 à Orléans, René Boulay épouse Yvonne, Jeanne, Charlotte Beaulard. Ouvrière à la manufacture des Tabacs, elle a 30 ans (née à Orléans le 10 janvier 1896) et domiciliée au 22, rue de Limare.
En 1924 le couple habite au 22, rue de Limare, puis au 5, rue Grison en 1932, puis au 3ter , rue Gustave Vappereau à Orléans où il réside au moment de son arrestation.
Tourneur-ajusteur, il est employé à la Manufacture des Tabacs à Orléans.

Municipales mai 1935

« René Boulay fut secrétaire de l’Union départementale unitaire (CGTU) du Loiret de mars 1924 à 1926, de l’Union locale d’Orléans en 1927-1928, co-secrétaire régional en 1928 avec Croset et secrétaire régional en 1930-1931. A propos du conflit avecle syndicat minoritaire des cheminots unitaires d’Orléans-État (voir Jules Buissonnière*), l’hebdomadaire communiste Le Travailleur écrivait : « Le camarade R. Boulay, secrétaire intérimaire de la 29e UR et qui n’est pas communiste, dans ses commentaires a entièrement raison de qualifier ce geste « comme un pas vers l’autonomie et un commencement de scission » » (1er février 1930). René Boulay militait activement au Secours rouge et figura sur les listes communistes lors des élections municipales de mai 1929 et mai 1935″. Le Maitron (notice Jean Maitron et Claude Pennetier).

Il est candidat non communiste aux élections municipales du 6 mai 1935 à Orléans sur la liste du Bloc Ouvrier et Paysan 
(BOP) et obtient 1284 voix, avec Cyprien Depardieu (1318 voix) et Raymond Gaudry (1258 voix) qui seront déportés à Auschwitz avec lui. On notera la présence en fin de liste de 4 femmes (non électrices et non éligibles), Paule Nicot (1228 voix), Marguerite Weigant (1215 voix) Gabrielle Doitteau (1216 voix) et Louise Catrais (1218 voix).

Orléans après les bombardements allemands de juin 1940

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 16 juin Orléans est occupé après de violents bombardements. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
René Boulay est arrêté le 28 septembre 1941
par la police française « pour activités communistes » selon sa femme Yvonne. Il est conduit à la prison de la rue Eugène Vignat, à Orléans.
II est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Raymond Gaudry signale sa présence dans le convoi du 6 juillet 1942, dans sa lettre lancée du wagon.

Depuis le camp de Compiègne, René Boulay est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.  

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Le numéro « 45 282 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. 
Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette notice biographique pourrait désormais en fournir la preuve.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

René Boulay meurt à Birkenau le 18 novembre 1942
d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 123).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
La mention « Mort en déportation » a été apposée en 1987 sur les actes ou jugements déclaratifs de décès le concernant (qui portent la date fictive du 15 novembre 1942).
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Il est l’un des 15 secrétaires départementaux cégétistes victimes de la répression nazie pendant la guerre (in Le syndicalisme dans la France occupée, p 425 de Margairaz Michel et Tartakowsky Danielle).

Le 11 mai 1952 dans le cadre des enquêtes effectuées par la Police judiciaire d’Orléans pour l’attribution du titre de Déporté politique à René Boulay,  Maurice Gentil, 36 ans, menuisier, responsable FTPF du Loiret, témoigne sur l’activité de résistance de René Boulay : « Tous les chefs de Boulay antérieurement à son arrestation ont été arrêtés, déportés ou fusillés. À la suite de ce décapitage, c’est moi qui ai pris, en octobre 1942, la direction dans le département du Loiret du Front National. Il n’y a que M. Vannier Lucien […] qui a travaillé en même temps que Boulay au Front National. C’est le seul qui soit revenu d’Auschwitz et qui peut témoigner de l’activité de M. Boulay… ». Le 16 mai, Lucien Vannier, alors retraité de la SNCF témoigne : «  Tous les dirigeants de l’époque, c’est à dire ceux ayant existé à la Formation du Front National à Orléans en juillet 1940, sont tous décédés, ou ont été déportés ou fusillés. Je suis le seul rescapé de cette époque. Je suis absolument affirmatif que Boulay a bien participé avec moi à une action effective du Front National de juillet 1940 au jour de son arrestation […]. Cette activité a eu lieu par distribution de tracts… ». On aura noté que Lucien Vannier, comme de nombreux témoignages de résistants, parle du Front national pour les années 1940 ou 1941. Le « Front National pour la libération et l’indépendance de la France » n’étant créé au plan national qu’à la mi-mai 1941, il ne peut s’agir en 1940 que des activités clandestines du Parti communiste, voire de celles de l’OS (Organisation Spéciale du Parti communiste, créée à l’été 1940). On sait par ailleurs que l’appartenance au Front national permettait aux commissions départementales de valider des activités de résistance.

Sources

  • Renseignements communiqués à la FNDIRP par sa veuve Yvonne (1972)
  • ADIRP Loiret (1972).
  • « Ceux du groupe Chanzy ». André Chène (Librairie Nouvelle, Orléans 1964, brochure éditée par la Fédération du Loiret du Parti communiste.
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 20, page 91 (Notes de Jean Maitron et Claude Pennetier).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau de la Division (des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
  • Archives du Loiret. Registre matricule militaire.

Notice biographique rédigée en novembre 2007, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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