
Deux déportés du Calvados se sont évadés peu avant Metz : Jean Lebouteiller de Dives-sur-Mer et Félix Bouillon de Caen, docker communiste. Ils sont repris par deux gardes-frontière allemands. Renvoyés sur Paris, ils sont internés à Romainville puis à Compiègne et, enfin, libérés en janvier 1943. Le troisième évadé, Julien Bécet (né le 28 novembre 1905 à Paris 18è), réussit à se glisser parmi les passagers de la gare de Metz et à échapper à la déportation.
Le récit de l’évasion de Félix Bouillon et de Jean Lebouteiller paru (page 57) dans « De Caen à Auschwiz » livre réalisé par les élèves et professeurs du collège Paul Verlaine d’Evrecy, ceux du lycée Malherbe de Caen et l’Association «Mémoire Vive»).

Voir les notices de LEBOUTEILLER JEAN, docker, proche des communistes et de BOUILLON Félix, militant communiste.
» Le train s’est mis à ralentir en approchant de Metz. nous avons (avec Jean Lebouteiller) vu dans une courbe, qu’à la fin du convoi il n’y avait pas de locomotive. Nous ne risquions pas d’être écrasés par la machine en se laissant glisser sur le ballast. Nous avons attaqué le plancher du wagon avec nos outils : des lames de sommier récupérées à Compiègne dans notre block.
Le danger : les soldats du fourgon de queue armés d’une mitrailleuse.
Avant l’arrivée à Metz nous profitons du ralentissement du train et nous nous jetons sur la voie. Pour amortir la chute nous nous protégeons avec un vêtement au niveau de la tête et de la nuque.
Je me lance en premier, et reste allongé sur le ballast, lainant le convoi passer sans bouger. La sentinelle ne m’a pas vu. Gagné ! Jean (Lebouteiller) apparaît à son tour à cent cinquante mètres de là. Le train s’éloigne. Nous nous retrouvons. Nous avons fait un peu de toilette dans un petit cours d’eau plus bas. Malheureusement deux gardes-frontières allemands nous ont vus et interpellés. Nous ne répondons pas aux questions (ne connaissant pas l’allemand et nous sommes emmenés au poste de police et ensuite à Metz). Nous sommes alors tabassés proprement et mis en prison après avoir été identifiés comme évadés du convoi. Nous y sommes restés quelques jours avant le retour à Compiègne. Nous sommes transférés à Romainville d’où partent 46 otages, fusillés le 21 septembre 1942 au Mont Valérien. Nous sommes libérés en janvier 1943″.
L’évasion de Julien Bécet
Au moment de son transfert au camp allemand de Compiègne le 5 mai 1942, Julien Bécet est détenu de droit commun, arrêté pour des cambriolages selon le témoignage de Georges Marin, qui l’a connu au camp de Compiègne en 1942. Il a été interné à la Caserne des Tourrelles (ancienne caserne du boulevard Mortier) après son arrestation dont la date est inconnue.
Le 6 juillet, pendant le trajet, à la gare de Metz, Julien Bécet décide de s’évader, accompagné de Jean Cortichiatto, dit « Napoléon » un autre détenu de Droit commun qu’il avait connu à la caserne des Tourelles, où ils étaient tous deux internés (Napoléon depuis le 12 février 1942).
Lorsque le convoi s’approche de la gare de Metz, vers 18 heures, les deux détenus sautent sur la voie après avoir réussi à percer le plancher. On sait que Jean Antoine Corticciato est très petit et Jean Bécet doit l’être également, pour pouvoir se faufiler à travers les traverses du plancher.
« Napoléon [surnom de Jean Antoine Cortichiatto] et Julien Bécet passent sur le quai. Mais il y a foule dans la gare : des gens qui parlent allemand [Metz est ville allemande depuis que la Lorraine a été annexée au Reich en 1940, et les strasbourgeois parlent l’alsacien]. Ils sont repérés. Napoléon perd son sang-froid, essaie de fuir. Bécet, lui, ne bouge pas, mêlé aux voyageurs. Napoléon est repris et termine la route dans le wagon des SS qui lui massacrent la gueule» (Témoignage de Jean Pollo, un des 21 « indésirables » du convoi).
Julien Bécet réussit à s’enfuir depuis Metz… Et après guerre, il va poursuivre après guerre ses activités de cambrioleur, notamment comme perceur de coffres-forts (Georges Marin).
Il est décédé à Draveil (Essonne) le 16 juin 1969.
Sources
- Témoignage de Félix Bouillon.
- Bureau des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossiers individuels consulté en 1991 et juin 1992).
- Photo d’un wagon à bestiaux utilisé pour le transport des déportés (© FMD).