Marc Quénardel le jour de son mariage. © DR
Marc Quénardel : né en 1891 à Rimaucourt (Haute-Marne); domicilié à Montataire (Oise) ; forgeron ; communiste ; arrêté en juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942

Marc Quénardel est né le 9 septembre 1891 à Rimaucourt (Haute-Marne). Il  habiteau 40 ,rue Villard à Montataire (Oise) au moment de son arrestation. Il est le fils d’Elise, Célina Bocquet, 32 ans, née le 2 mars 1859 à Contreue (Ardennes) sans profession et d’Alfred, Ernest Quénardel, 39 ans, né à Ludes (Marne) vigneron, son époux. 

Il a deux sœurs et un frère aînés (Louise, née en 1881, Adolphe, né en 1882 et Clothilde, née en 1885).
Selon sa fiche matricule militaire Marc Quénardel mesure 1m 76, a les cheveux blonds et les yeux bleus, le front moyen et le nez rectiligne, le visage long. Il a une cicatrice de coupure à l’avant bras droit. Au moment du conseil de révision, il travaille comme manœuvre spécialisé à l’Industrielle de Fonderie et habite à Rimaucourt.
Il a le permis de conduire « toutes voitures ».
Conscrit de la classe 1911, Marc Quénardel est appelé au service militaire le 1er octobre 1912. Il est incorporé au 79ème Régiment d’Infanterie. Après ses « classes », il est transféré au 169ème Régiment d’infanterie le 15 avril 1913. Il est transféré au 59ème RI par mesure disciplinaire le 24 mai 1913 (décision du général commandant le 20ème corps d’armée). Il est mobilisé « mis en route et sans délai » par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. « Aux armées » le 2 août 1914. Le 7 février 1915, il est nommé caporal.

Croix de guerre avec étoile de bronze

Le 18 février 1915, Marc Quénardel est blessé par balle (plaies au coude droit et oreille gauche) à Perthes (Champagne). Evacué, il rejoint le régiment le 22 mai 1915. Il passe au 7ème RI le 5 juin 1915 (mutation du Front). Il est à nouveau blessé par balle le 30 avril 1917 (plaie épaule droite). Évacué blessé, il rejoint le régiment le 17 juin 1917. Il est cité à l’ordre du régiment (16 septembre 1917) : « Bon sergent, ayant toujours accompli son devoir. A été blessé deux fois ». Il sera décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze. « Disparu dans les combats du 24 avril 1918 », il est en réalité fait prisonniers de guerre le 24 avril 1918 et interné en Allemagne le 28 avril. Il est rapatrié le 9 décembre 1918. Il passe alors au 123ème RI le 15 janvier 1919, puis au 69ème RI le 20 février. Marc Quénardel est libéré le 24 juin 1919, « certificat de bonne conduite accordé ».
II « se retire » à Châlon-sur-Marne.
En septembre 1923, il habite au 34, boulevard Louis Roëderer à Reims (Marne).

Marc Quénardel et Angèle Demarcy, le 17 octobre 1923. © famille D.r.

Il se marie dans cette ville le 17 octobre 1923 avec Angèle, Désirée Demarcy, née le 3 mars 1903 à Troyes (Aube) (1). En mars 1928, le couple déménage au 18, rue des Abattoirs à Montataire (Oise) où Marc Quénardel travaille comme ouvrier métallurgiste.
Dans les années 1930, Marc Quenardel est l’un des dirigeants locaux du Parti communiste.
Marc Quénardel est décoré de la Médaille militaire en octobre 1933.
En juillet 1935, il revient à Reims, où il est domicilié au 7, rue Gilbert.
En août 1937, il habite à nouveau Montataire au 40, rue des Nations (devenue rue Abel Lancelot).

En avril 1939, il est employé comme « ouvrier spécialisé forge » par la Société Cima-Walbuck à Montataire. Cet emploi le fait alors « passer » théoriquement dans la réserve de l’armée active, au titre du tableau 3 de la deuxième région en tant qu’« affecté spécial » (c’est-à-dire qu’il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit).

Les forges de Montataire

Le 7 octobre 1939, il est classé « sans affectation ». Il a vraisemblablement été rayé de « l’affectation spéciale », comme la plupart des « AS » syndicalistes et / ou présumés communistes. Il redevient alors mobilisable. Il n’y a aucune mention dans son registre matricule permettant de savoir s’il est mobilisé, mais on sait que le 29 avril 1940, il fait l’objet d’une « proposition d’internement au «centre de séjour surveillé de Plainval » (Oise), de la part des autorités françaises, non suivie d’effet immédiat.
Ce qui semblerait signifier qu’il travaille encore aux forges.

Dès le début juin 1940, l’Oise est envahie par les troupes de la Wehrmacht.
Nombre de villes et villages sont incendiés ou dévastés par les bombardements. Département riche en ressources agricoles, industrielles et humaines l’Oise va être pillé par les troupes d’Occupation. Ce sont les Allemands qui disposent du pouvoir réel et les autorités administratives françaises seront jusqu’à la Libération au service de l’occupant (Françoise Leclère-Rosenzweig « 
L’Oise allemande »). Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Aux Forges de Montataire, André Germain, Maurice Mignon, Victor Rousselle, seront les principaux dirigeants des FTP de Montataire. En janvier 1941, avec trois autre hommes, Marc Quénardel  « récupère » des pommes de terre pour les familles dans un champ. Interpellés, ils sont condamnés à un mois de prison (in La Liaison du 18 janvier 1941).

Marc Quénardel est arrêté le 16 (ou le 7) juillet 1941 à son domicile par la police allemande. En juillet également sont arrêtés Maurice Bataillard (45 203),Paul Crauet (45 410) Cyrille De Foor, André Gourdin (45 621),Georges Gourdon (45 622) et Gustave Prothais (46 018), tous déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), à la mi-juillet 1941 et est enregistré sous le numéro « 1304 ». A Compiègne, sa femme lui rend visite (souvenirs de Georges Gourdon).

Le 18 septembre 1941, le commissaire spécial de la Sûreté nationale de Beauvais (1) écrit à Paul Vacquier, Préfet de l’Oise, pour l’informer que « le Kreiskommandant de Senlis a demandé de lui transmettre une liste de quinze individus, choisis parmi les communistes les plus militants de la région creilloise, destinés, le cas échéant, à être pris en qualité d’otages. En accord avec le commissaire de police de Creil, la liste a été établie ». Marc Quenardel est inscrit en  position de cette liste avec la mention « déjà interné ». Parmi les autres noms de cette liste, cinq d’entre eux seront comme lui déportés à Auschwitz : Marcel Bataillard, Paul Crauet, Georges Gourdon , André Gourdin,  Cyrille De Foor, Marc Quénardel.

Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux Renseignements généraux de Beauvais a transmis au Préfet Paul Vacquier 66 notices individuelles concernant des internés au Frontstalag 122 à Compiègne, que le Préfet transmet au Feldkommandant. Parmi eux la notice de Marc Quenardel « Militant communiste. Très dangereux ».18 autres de ces militants signalés par les RG seront déportés à Auschwitz.

Depuis le camp de Compiègne, Marc Quenardel est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro «46026 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Certificat de validation des services © famille D.r.

Marc Quenardel meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 977). Cette date est reprise par l’arrêté du 24 février 1998 paru au J.O. du 19 mai 1998 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de décès. Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les Blocks d’infirmerie.
Le 29 décembre 1972 Marc Quénardel est homologué « Déporté Résistant ». Ci-contre le certificat de validation de « service militaire actif » accompli au titre des déportés de la Résistance entre le 16 juillet 1941 et le 10 septembre 1942 lui est établi.

Son épouse Angèle se retire au Perreux-sur-Marne.

Plaque de rue à Montataire

Une rue de Montataire «Marc et Annette Quenardel» honore leurs deux noms.

  • Note 1 : Angèle Quénardel.
    Engagée dans la Résistance sous le pseudonyme d` »Annette« , son

    Angèle, « Annette » Quénardel © famille D.r.

    épouse, sert d’agent de liaison à plusieurs responsables inter-régionaux du Front national, dont le dernier en date est Valentin Debailly. « Annette » Quénardel est victime de la rafle qui décapite la Résistance communiste du Calvados en décembre 1943. Elle est arrêtée en mission le 9 décembre, en tombant dans une souricière tendue par la police allemande dans un café près de la gare de Caen qui servait de boîte aux lettres et de lieu de rendez-vous. Déportée à la prison d’Aix-La-Chapelle puis dans les camps de concentration de Ravensbrück et Mauthausen. Elle est libérée par les Alliés en avril 1945 (Jean Quellien). Elle est candidate aux élections municipales en 1945.

  • Note 2 : Georges Gourdon, rescapé du convoi, porte plainte à la Libération contre l’ancien commissaire de police de Creil et son secrétaire qui ont pris part à son arrestation et celle de Marcel Bataillard, Paul Crauet, André Gourdin,  Cyrille De Foor, Marc Quénardel. Les deux policiers sont condamnés à 15 ans de prison (ce type de peine sera levé au début des années 1950 par les lois d’amnistie votées par le Parlement).

Sources

  • Témoignage de Georges Gourdon, rescapé du convoi.
  • Correspondance avec Jean Pierre Besse (mai 1991), chercheur à Creil, collaborateur du Maîton (communication de ses recherches aux archives départementales de l’Oise – 33W8250 – et auprès de l’état civil de Rimaucourt, souvenirs de militants.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 39, page 280.
  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC, Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (N°31581) et N°283
  • © sgmcaen.free.fr/resistance/quenardel-angele.htm
  • Registres matricules militaires en ligne de la Haute-Marne.
  • Mail de Madame Florence Debrigole, épouse du petit neveu de Marc Quénardel, M. Daniel Debrigole. Envoi de photos.

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2011, 2018 et  2021. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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