Matricule « 45 399 » à Auschwitz   

Rescapé

Sa fiche au camp de Mauthausen

 

 

 

 

Raymond Cornu : né en 1895 à Montgeron (Seine-et-Oise) ; domicilié à Quincy-Voisins (Seine et Marne) ; ébéniste ; communiste ; arrêté le 19 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Mauthausen, Melk, Ebensee ; rescapé. Décédé le 1er juin 1970 à Meaux.

Raymond Cornu est né le 25 août 1895 à Montgeron (ancien département de Seine-et-Oise, aujourd’hui Essonne). Il habite au 105, rue Pasteur à Quincy-Voisins (Seine-et-Marne) au moment de son arrestation.
II est le fils de Augustine Damande, 35 ans, (1860-1917), blanchisseuse et de Marcel Cornu, 38 ans (1857-1917) distillateur, son époux, domiciliés 11 bis de Villeneuve.
Il est issu d’une fratrie de neuf enfants : Marcel 1878-1890, Charles 1881-1881, Maurice 1882, Germaine 1884-1885, Isabelle 1886-1933, Léonie 1888-1963,  Georgette 1890-1986, et Gaston, 1893-1943.
Selon sa fiche matricule militaire Raymond Cornu mesure 1m 63, a les cheveux châtain foncé et les yeux bruns, le front ordinaire et le nez moyen, le visage ovale.
Il travaille comme ébéniste à Montgeron au moment du conseil de révision (ses parents habitent au 86, rue de Paris, à Montgeron).
Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1915, Raymond Cornu est mobilisé fin 1914 par anticipation, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la
déclaration de guerre. Il est  incorporé au 10ème bataillon de chasseurs à pied le 19 décembre 1914. Il arrive au dépôt à Langres le lendemain. Après à peine 4 mois d’instruction militaire, il passe au 121ème bataillon de chasseurs à pied le 4 mars 1915. Le 4 août suivant, il est porté disparu dans le secteur du Lingekopf (bataille du col du Linge, en Alsace).
Il a été fait prisonnier « non blessé » : du 8 août 1915 au mois de décembre 1918, il est interné à Rastatt (grand duché de Baden).
Il est rapatrié le 4 décembre 1918.
Le 19 mars 1919, il est affecté au 28è régiment d’infanterie. Le 13 septembre 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation, « certificat de bonne conduite accordé ». Il « se retire » au 46, rue de Paris, à Montgeron. Pour la réserve de l’armée active, il est désormais affecté au 108è Régiment d’artillerie lourde en cas de mobilisation (plan A).

Le 20 septembre 1919 à Montgeron
(Seine-et-Oise / Essonne), Raymond Cornu épouse Georgette Legenre. Née en 1926 à Quincy-Voisins, elle est professeur de piano à Meaux en 1913.
Le couple a une fille, Huguette, qui naît le 3 mars 1920 à Montgeron.
Le 18 mars 1922, la famille emménage à Quincy-Ségy (devenu Quincy-Voisins en 1929) en Seine-et-Marne.
Raymond Cornu est un militant du Parti communiste, connu à ce titre par les services de renseignements.

L’Humanité du 29 septembre 1937

Il est présenté par le Parti communiste aux élections cantonales (conseillers d’arrondissement) d’octobre 1937 pour le canton de Crécy-en-Brie.

Journal de Seine-et-Marne, 13 août 1938

Ouvrier ébéniste en 1938, il se présente avec Augustin Dubrulle aux élections municipales complémentaires à Quincy-Voisins du 7 août 1938  avec l’étiquette « Front populaire ». Les deux candidats communistes obtienne respectivement 81 et 76 voix. Les deux candidats sans étiquette, Bailloux (notaire) et Billot (agriculteur), sont élus avec 245 et 238 voix.
A 44 ans, le 1er septembre 1939, Raymond Cornu est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale et mobilisé au 221è Régiment régional. Il arrive à la caserne à Meaux le 11 septembre. Il est démobilisé le 6 novembre 1939.

Le 14 juin 1940 , les troupes allemandes sont à Meaux ; le 15 juin à Brie-Comte-Robert et à Melun. Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)

Raymond Cornu reprend contact avec ses camarades du Parti communiste et les premiers groupes de Résistance mis en place, ce dont Adophe Legeay, commandant FFI, témoignera à la Libération «engagé dans l’Organisation Spéciale en 1940, il assura des liaisons, distributions de tracts et journaux anti-allemands. Il se trouvait sous mes ordres en Seine et Marne».
Raymond Cornu est arrêté le 19 octobre 1941 à son domicile par des policiers allemands et français.
De nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés les 19 et 20 octobre. Parmi eux, 42 seront déportés à Auschwitz.
Lire dans le site la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.


Raymond Cornu et ses camarades de Seine-et-Marne sont transférés par autocar au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), les 19 et 20 octobre 1941.
Le nom de Raymond Cornu figurait sur la liste d’otages du 25 août 1941 (In document (XLIV- 59-60) Saint Germain 24 décembre 1941).
Les mentions portées sur sa fiche individuelle à la Division des archives des conflits contemporains (DAVCC – ministère de la Défense, Caen) récapitulent de facto les raisons de son arrestation : «Militant du PC, connu comme tel. Idem à son retour en 46. Aurait été dénoncé, puis arrêté pour diffusion de tracts anti-allemands, de journaux clandestins et de brochures de son parti ».  Il porte le N° 38 sur la liste d’otages « à diriger sur Compiègne ».
Après un emprisonnement à la centrale de Melun, il est transféré au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), probablement le même jour, en vue de sa déportation comme otage.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Cornu est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.  

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 399 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Raymond Cornu est affecté à Auschwitz I au Block 9 A.

En application d’une directive datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus français des KL la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, il reçoit le 4 juillet 1943, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz, l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure –  et de recevoir des colis contenant des aliments  (lire dans le site : Le droit d’écrire pour les détenus politiques français

Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants.
Lire l’article du site « les 45 000 au block 11.
Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.  Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".

D’Auschwitz, il est évacué le 21 janvier1945 avec 19 autres « 45 000 » sur Mauthausen où il reçoit le matricule « 117.639 » : il est affecté au kommando « Quartz ».

3 mars 1947 : certificat de Raymond Cornu pour Albin Desmazes, ancien Maire d’Achères, qu’il a connu à Compiègne, décédé à Auschwitz.

Une partie d’entre eux sont rapidement transférés dans des kommandos extérieurs de Mauthausen : Le 28, douze « 45 000 » dont Raymond Cornu sont affectés à Melk (usines souterraines) : André Boulandet, Abel Buisson, Jean Corticchiato, Marcel Guilbert, Georges Guinchan, André Montagne, Aimé Oboeuf, Jean Pollo, Jules Polosecki, Jean Quadri, André Rousseau.
Puis, le 15 ou 17 avril 1945, il est évacué à pied avec six d’entre eux sur Ebensee (aménagement d’usines souterraines, dans la province de Salzbourg) où ils seront libérés le 6 mai 1945.
Son rapatriement s’effectue le 5 juin 1945.
En raison de son état de santé (atteint de tuberculose pulmonaire, traitée par pneumothorax, il est pensionné à 100 %), il n’exerce plus sa profession depuis l’année de son retour.

Ce que la note des Renseignements généraux traduira de façon scandaleuse en 1954, lors de l’enquête effectuée pour l’attribution du titre de déporté Résistant (qui lui sera refusé) : « en dehors de son activité politique, qui s’est bien calmée, Cornu Raymond n’est pas autrement connu dans la localité».
Il a été homologué « Déporté politique » le 3 novembre 1953.

Raymond Cornu est mort le 1er juin 1970 à Meaux.

Sources

  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté 2/05/2002).
  • Note blanche des Renseignements généraux, du 15 mai 1954.
  • Renseignements communiqués par M. Bontillot, archiviste, et Madame Boucher, membre de la FNDIRP régionale.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Registres matricules militaires des Yvelines.

Notice biographique rédigée en janvier 2011 (complétée en août 2016 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé).Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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