Tract « Alerte » à la population columérienne en avril-mai 1942 tract de la main de Charles Boyer, fusillé le 5 octobre 1942 à Issy–les-Moulineaux

Charles Coutereau : né en 1908 à Coulommiers (Seine-et-Marne) ; domicilié à Bagnolet ; relieur, conservateur de cimetière ; communiste ; arrêté le 28 août 1939, condamné à 6 mois de prison ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d'Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 11 décembre 1942.

Charles Coutereau est né le 11 février 1908 à Coulommiers (Seine-et-Marne) au Hameau de Vaux. Il est le fils de Joséphine Pretat, 37 ans, manouvrière et de Victor Coutereau, 37 ans, manouvrier. En 1911, le registre du recensement indique qu’il a une sœur et deux frères : Marie, 16 ans, typote chez Brodard, Victor, 14 ans, ouvrier dans la même célèbre imprimerie (qui deviendra Brodard et Taupin) et Roger, 10 ans.
Son frère aîné Victor, mobilisé en 1916, décède de ses blessures le 15 avril 1917 à l’hôpital militaire de Prouilly (Marne).
Le 26 février 1937, Charles Coutereau épouse Marthe, Raymonde Mangin (1). Elle est née le 15 avril 1911 à Pont-à-Marcq (Nord). Elle travaille comme employée des PTT. Le couple réside à Coulommiers jusqu’en 1938, date à laquelle il rejoint Bagnolet (Seine / Seine-Saint-Denis).  Charles Coutereau et son épouse habitent au 27, rue de l’Epine au moment de son arrestation.
Charles Coutereau est relieur de métier. Militant communiste columérien connu, il aurait selon un tract édité après guerre été candidat du Parti Communiste aux élections législatives de 1936 à Coulommiers (mais après vérification, le candidat communiste de Coulommiers est Grambastien, qui double les voix du PCF par rapport au scrutin de 1932 : in l’Humanité du 27 avril 1936).

L’Humanité du 21 juillet 1937

Par contre, Charles Coutereau est bien présenté par le Parti communiste en octobre 1937 aux élections au Conseil d’Arrondissement  pour le canton de Coulommiers. Lors du scrutin du 10 octobre, il recueille 329 voix, SFIO : 1259, le Radical socialiste 1239 et un candidat « réactionnaire » 684. Il se désiste en faveur du candidat SFIO.
En 1938, il s’installe à Bagnolet « certainement du fait de son activité politique : la fédération de Seine-Est du Parti communiste comprenait alors la Seine-et-Marne » (René Roy, op. cité).
Le couple, qui a un enfant, Jean, né le 24 juillet 1937 à Bagnolet et ils habitent au 56, rue Pierre Curie.
A Bagnolet, Charles Coutereau devient conservateur du cimetière communal et il est logé au 63, ou 69, avenue Raspail.
Charles Coutereau est secrétaire de la section du Parti Communiste de Bagnolet en 1938 « selon le rapport à la conférence annuelle du 3 décembre 1938 et responsable du parrainage avec la Seine-et-Marne » Selon ce rapport, le secrétariat sortant se composait de Charles Coutereau, M. Marteau*, Jean Richard* et Henri Vaysse* ; le comité de section réunissait : André Blin, Raymonde Breton, Paul Coudert*, Charles Coutereau, Pierre Doubercies*, Jean Dauphin*, Roger Decaindry*, Alphonse Delavois*, Bernard Gallet, Georges Galpérine, Marie-L. Galpérine, Daniel Le Locat, Camille Lesage, Marcel Mabru, Marcel Marteau, Jean Mérot, André Nevers, Nortier, Jean Orsatti, Roger Proust, Jean Richard*, Suzanne Riffet, Gabriel Rivière, André Staehler, Raymond Steble, Vaysse. (Jean-Pierre Besse, in Le  Maitron).
En janvier 1939, un rapport du Préfet de Seine-et-Marne à direction générale de la Sûreté nationale concernant « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes ». Pour le Parti communiste de la région columérienne le rapport indique : « Les cellules de ce secteur ne paraissent pas regrouper, à l’heure actuelle, un nombre d’adhérents dépassant la cinquantaine. (…) le principal animateur du parti est le nommé Coutereau Charles, ancien secrétaire du rayon, qui vient fréquemment à Coulommiers réchauffer le zèle des militants communistes dont il est le chef incontesté ».
Le 28 août 1939, il est arrêté par des agents du commissariat des Lilas pour distribution de « tracts subversifs » et conduit au dépôt de la préfecture de police de Paris.  Il est condamné à six mois de prison et 300 francs d’amende. Les journaux nationaux font état de cette arrestation, le Figaro dans un style visant clairement à stigmatiser les militants arrêtés : Il est qualifié de « gardien de cimetière », alors qu’il est conservateur et présentant les autres militants arrêtes comme  » le chômeur Etienne Polger » « Le Suisse Charles Matfrey, « l’Espagnol Alvarez Gil »…
On ignore s’il a accompli la totalité de sa peine en raison du déclenchement de la guerre et de sa mobilisation, mais on sait qu’en octobre 1939, faisant partie des communistes non mobilisés et activement surveillés, il est incarcéré à la Santé avec une adresse rue Jean Bobé à Coulommiers).
On sait par son fils qu’il est mobilisé et qu’il est blessé au combat le 14 juin 1940.

Le jeudi 13 juin 1940, la Wehrmacht occupe Aubervilliers. Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Le 5 octobre 1940, Charles Coutereau est arrêté par la police française dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes et syndicalistes d’avant-guerre de la Seine et de la Seine-et-Oise (élus, cadres du parti et de la CGT) comme auteurs présumés ou instigateurs de premières manifestations d’hostilité à l’occupant. 300 militants sont parqués au Stade Jean Bouin à Paris, puis dirigés vers le camp d’Aincourt (un sanatorium transformé en camp d’internement par le Gouvernement de Vichy) en Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement en octobre 1940 pour y enfermer les militants arrêtés.
Lire dans ce site : Le camp d’Aincourt.
Marthe Coutereau, également arrêtée et internée, sera libérée en septembre 1944.

Liste des RG envoyée au directeur d’Aincourt  / Charles Coutereau

La Préfecture de police transmets des informations le concernant au directeur du camp dans une liste concernant les « syndicalistes et militants importants » : « Principal animateur de la propagande clandestine à Bagnolet ».
Le 6 septembre 1941, Charles Coutereau est transféré avec 148 autres détenus d’Aincourt (membres du Parti Communiste de la région parisienne) au camp de Rouillé (Vienne), à l’occasion de son ouverture sous la dénomination de « centre de séjour surveillé« (© Vienne Résistance Internement Déportation). Lire dans ce site :  le camp de Rouillé
Le 9 février 1942, il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Informés de son internement à Compiègne, ses anciens camarades de Seine-et-Marne se mobilisent. A l’initiative du cultivateur communiste Albert Boyer, un tract intitulé « Alerte » (ci-dessus) est rédigé et distribué à Montereau. Il appelle la population à empêcher le crime qui se prépare (10 communistes viennent d’être fusillés le 9 mars 1941, et les autorités allemandes en annoncent 10 autres) en écrivant à « De Brinon ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Charles Coutereau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Photocopie de la Carte formulaire du FT 122 avec son nom et numéro matricule à Compiègne

Quelques jours après sa déportation à Auschwitz, sa famille reçoit la carte-formulaire rédigée en allemand envoyée par le Frontstalag 122 aux familles des déportés : « Le détenu ci-dessous dénommé a été , sur ordre de nos autorités supérieures, transféré dans un autre camp pour y être mis au travail. Le lieu de destination ne nous est pas connu. Vous devrez donc attendre d’autres nouvelles du détenu« .

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.  Le numéro « 46323 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence
de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon dernier livre Triangles rouges à Auschwitz.l

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Charles Coutereau meurt à Auschwitz le 11 décembre 1942 d’après la liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.

Charles Coutereau a été déclaré « Mort pour la France ».
Son épouse a fait une demande d’homologation au titre de la Résistance Intérieure Française, qui n’a pas été retenue.
Une plaque au Rond-point de la Paix à Bagnolet porte son nom, ainsi qu’au cimetière Raspail.

Note 1 : Marthe Coutereau internée administrativement dans un des camps du Loiret (sans doute Pithiviers, car Jargeau est un camp allemand et Beaune-la Rolande interne essentiellement des Juifs), est libérée en septembre 1944. Ci-contre le laisser-passer (hélas amputé) du commandant FFI d’Orléans, en date du 15 septembre, lui permettant de se rendre depuis les Centre de séjour surveillé d’Orléans à Bagnolet. Elle est homologuée au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF, Front national) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. Service historique de la Défense, Vincennes, GR 16 P 389474.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par son fils Jean (19/06/1987).
  • Archives en ligne de Seine-et-Marne, recensements.
  • Photocopie du tract « Alerte » communiqué par Jean Coutereau (l’original est au Musée de la Résistance).
  • « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
  • « Et les gens de Bagnolet se soulevèrent » livre de Jean-Pierre Gast (Ed. Folie d’Encre, 2004, à l’initiative de la Mairie de Bagnolet) et plaquette récapitulative que Jean Pierre Gast m’a fait parvenir en novembre 2005, peu avant sa mort.
  • Fernand Devaux, « Témoignage pour Aincourt » http://www.amicale-chateaubriant.fr/sommaire.php et son allocution à l’occasion de la cérémonie commémorative du 5 octobre 2002 à Rouillé, le Patriote-Résistant n° 767.
  • Sur Rouillé : © Vienne Résistance Internement Déportation.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en 1992).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom et T. 23 p.309. Arch. André Marty.
  • Archives de la Préfecture de Police. Camp d’Aincourt / BA 2374.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Photo plaque : Site Internet mémorial « GenWeb », © Claudeville.

Notice biographique rédigée en 2007 (complétée en 2014, 2019, 2020 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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