Signature de Charles Del Nero, lors de son mariage
Charles Del Nero : né en 1898 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) ; domicilié  à Villeneuve-Saint-Germain (Aisne) ; coiffeur ; communiste ; arrêté le 30 septembre 1941 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.

Charles, Ferdinand, Désiré Del Nero est né le premier mai 1898 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Il habite au 6, rue du Réservoir, à Villeneuve-Saint-Germain (Aisne), commune limitrophe de Soissons, au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Augustine, Marie Yvart, couturière, âgée de 31 ans 7 mois (elle est née à 
Boulogne-sur-Mer le 12 septembre 1866) et de Domenico, Antonio, Gentile Del Nero, terrassier puis scieur de long, âgé de 42 ans 6 mois (il est né le 7 octobre 1855 à Morbegno (province de Sondria-Italie), son époux. Ses parents habitent alors 14, rue d’Alger à Boulogne-sur-MerIl a deux frères (l’aîné, Ernest, Edouard 1887-1966 et le cadet René Charles 1910-1982). Leurs parents se sont mariés le 25 septembre 1882 à Boulogne-sur-Mer.
Leur mère décède le 28 décembre 1924 à Boulogne.

Registre matricule militaire de Charles Del Nero

Le conseil de révision nous le décrit mesurant 1 m 68, cheveux châtains, yeux bruns. Il a un niveau d’instruction dit n°2 (sait lire et écrire). Conscrit n° 98 du canton Boulogne sud, de la classe 1918, il est incorporé par anticipation le 17 avril 1917 comme tous les jeunes hommes de sa classe,  au 23è Régiment d’Infanterie Coloniale (RIC) sous le matricule 2812.
Il y suit l’instruction militaire. Le 14 décembre 1917 il est évacué sur l’hôpital de Versailles. Il en ressort le 11 janvier 1918, avec un congé de convalescence de 10 jours. Il retourne au corps le 22 janvier 1918. Le15 février 1918, il est affecté au 4è RIC « aux armées », c’est-à-dire en « zone des armées », sur le front. Le 20 août 1918 il est affecté au 412è RI, toujours « aux armées ». Il entre à l’hôpital de Boulogne-sur-mer pour maladie du 1er juin 1918 au 4 juillet 1918. Le 5 septembre 1918, pendant l’offensive du canal du Nord et entre Ailette et Aisne, Charles Del Nero est intoxiqué par les gaz, au cours des durs combats pour la libération de Noyon dans l’Oise, face aux unités de la 18è armée du général von Hutier. Quoique soufrant d’un emphysème pulmonaire, il est maintenu au service armé (avec une proposition de pension temporaire de 10% d’invalidité). Le 11 mai 1919 il est affecté au 45è RIC.

Pendant une permission, Charles Del Nero se marie le 29 décembre 1919 en mairie de Mons-en-Laonnois (Aisne). Il épouse Marguerite, Louise Fourna, née le premier septembre 1899 en cette commune (le couple aura une fille et un garçon).
Un an plus tard, le 22 mai 1920, Charles Del Nero est démobilisé. Le « certificat de bonne conduite » lui est refusé.
Leur fille aînée Raymonde naît le 20 octobre 1920. Le 6 mai 1921, le couple est domicilié à Molinchard, dans l’arrondissement de Laon. Le 1er mai 1922, la famille Del Nero habite à Mons-en-Laonnois (Aisne). Charles Del Nero est coiffeur. Il travaille dans une petite boutique au 26, avenue de Reims à Soissons.
La commission de réforme de la réserve siégeant à Compiègne le 26 août 1929, lui signifie un maintien pour le service armé dans la réserve, « sans pension inférieure à 10 % d’invalidité ». Le deuxième enfant du couple, Roger, nait le 17 avril 1932.

Militant communiste, Charles Del Nero aurait été candidat à une élection législative (seule certitude il ne s’agit pas des législatives de 1936). Lors de la mobilisation générale du 3 septembre 1939, Charles Del Nero est rappelé. Mais la commission de réforme siégeant à Soissons le 22 novembre 1939, le déclare « réformé temporaire n°2 » « pour emphysème, sclérose pulmonaire, obésité ».

Il n’est donc pas sous les drapeaux pendant la guerre et il est vraisemblable qu’il ait poursuivi une activité militante au sein du Parti communiste clandestin dans cette période et sous l’Occupation.

Dès le 14 mai 1940, de Montcornet à Hirson, de Crécy-sur-Serre à Wassigny, les chars allemands bousculent tout sur leur chemin, non sans combats héroïques d’unités françaises, avant de toucher le Vermandois, le Chaunois, les confins du Laonnois et du Soissonnais puis le Sud du département jusqu’au 13 juin. Les blindés allemands de Gudérian sont devant Laon le 15 mai 1940. La Nordost Linie ou ligne noire (également appelée ligne du Führer), qui passe au sud de Laon est créée
le 7 juillet 1940 et fonctionne le 20 juillet. Les « zones réservées » ainsi délimitées sont destinés à devenir des zones de peuplement allemand. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».

Le 31 août 1941, le commissaire de police de Soissons transmet au Préfet de l’Aisne, Jean-François Quénette, une «liste de communistes notoires qui seront pris comme otages, par la Kreiskommandantur de Soissons, au cas où des incidents surviendraient dans la Ville ».
Le 19 septembre 1941, le même commissaire transmet au Préfet une liste de 240 « individus ayant appartenu comme militants ou sympathisants à l’ex-parti communiste de Soissons et de la région. Les plus mauvais sont marqués dangereux ». Et le 20 septembre, le commissaire principal des Renseignements généraux de Laon transmet lui aussi au Préfet une liste des « communistes notoires» des localités du département «qui semblent continuer leurs agissements anti-nationaux » (Charles Del Nero fait partie des dix-neuf «communistes notoires » pour Soissons et sa région). 

Charles Del Nero est arrêté à Soissons le 30 septembre 1941, dans la rafle des 29 et 30 septembre qui concerne 18 communistes ou présumés tels, rafle opérée en représailles à l’agression d’un soldat allemand à Courmelles le 29 septembre 1941 (parmi ces militants il y a Léon BusarelloJean-Marie Guier et Emile Maillard  qui seront comme lui déportés à Auschwitz, ainsi que Roger Raymond).
Dans une lettre datée du 30 septembre 1941, relative à l’arrestation de 18 otages communistes, qu’elle adresse à la Feldkommandantur 602 de Laon, la Feldkommandantur 527 de Soissons indique que les otages Léon Busarello, Charles Del-Nero, Jean-Marie Guier , EmileMaillard et leurs camarades ont été incarcérés à la caserne Charpentier de Soissons.

De la prison de Soissons, Charles Del Nero et ses camarades sont transférés le lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Une fiche des Renseignements généraux (recensement 4 A 3685) le concernant est transmise aux autorités allemandes par le préfet de l’Aisne le 19 mars 1942 avec la mention «otage suite agression d’un soldat allemand ».
A Compiègne, il reçoit le matricule « 1603 », bâtiment C3.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Charles Del Nero est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu.
Le numéro « 45 445 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Dessin de Franz Reisz, 1946

Charles Del Nero est mort à Auschwitz le 18 septembre 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, p. 219 et figurant sur le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec
ses dates, lieux
de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Ce certificat de décès porte comme cause du décès « Lungenentzündung » (pneumonie).
L’historienne polonaise Héléna Kubica a révélé comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz».
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Il convient de souligner que cent quarante-huit «45.000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp ont été enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste « sélection » interne des « inaptes au travail », opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Un arrêté ministériel du 16 février 1988 paru au Journal Officiel du 22 mars 1988 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de naissance et jugement déclaratif de décès et reprend la date portée sur le certificat de l’état civil d’Auschwitz.

Charles Del Nero est homologué « Déporté politique » le 5 septembre 1956.  Il est homologué comme Résistant, au titre des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 171259.

Rue Charles Del Nero à Villeneuve St Germain

Dans les années cinquante, le président des anciens FTPF de l’Aisne certifie que sous ses ordres, Charles Del Nero est « chargé de distribuer des tracts anti-allemands et de récupérer des armes en vue d’actions directes ». Responsable des FTPF en 1943 et 1944, il fournit là (comme beaucoup de Résistants l’ont fait pour la mémoire de leurs camarades déportés) un certificat destiné à étayer les démarches de Madame Del Néro pour obtenir le titre de « Déporté résistant » pour son mari.
Le nom de Charles Del Nero est inscrit sur le monument aux morts de Soissons et sur celui de Villeneuve-Saint-Germain.
Une petite rue de cette dernière commune honore son nom.

Sources

  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives en ligne du Pas-de-Calais (état civil et registre matricule militaire), état civil de l’Aisne.
  • © Lettre de la Feldkommandantur 527 à la FK 602, Centre de Documentation Juive contemporaine.
  • Fiche de recensement des Renseignements généraux. 4 A 3685.
  • Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges
    Prevoteau
    de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 241 à 3800) (DAVCC).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Site Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • Montage photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial  © Pierre Cardon
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz(1946).
  • Recherches généalogiques, Pierre Cardon.

Notice biographique rédigée en janvier 2011, complétée en 2014, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

2 Commentaires

  1. Bonjour je suis l arrière petite fils de Charles del nero il y as une petite erreur mon arrière grand père avait une fille remonde et non un fils remond et un fils roger qui était mon grand père

    1. Bonjour
      Nous allons corriger. Sans doute s’agit-t-il de Raymonde et non Rémonde ? Auriez vous par hasard une photo de votre arrière grand-père ? Nous serions heureux de la publier. Bien cordialement
      Claudine Cardon Hamet

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