Matricule « 45 638 » à Auschwitz
Jean Guïer : né en 1920 à Paris 14è ; domicilié à Soissons (Aisne) ; chauffeur ; arrêté le 29 septembre 1941 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt au début 1943.
Jean, Marie, Marcel, Guïer est né le 12 juin 1920 à Paris 14è (1). Il habite au 37, rue des Cordeliers à Soissons (Aisne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise, Marguerite, Octavie Cordier (née le 1er octobre 1887 à Domblain en Haute-Marne) et de Pierre, Marie, Charles Guïer. Sa mère, ménagère, âgée de 22 ans, est domiciliée 209, rue de Villeneuve à Alfortville (Seine / Val-de-Marne). Jean Cordier est reconnu et légitimé lors du mariage de ses parents le 9 janvier 1921 à Montreuil-sur-Blaise (Haute-Marne), village près de Domblain.
En 1921, la famille habite rue principale à Montreuil-sur-Blaise.
Jean Guïer travaille comme chauffeur.
Il est connu comme communiste par les Renseignements généraux avant guerre.
Conscrit de la classe 1940, il n’est vraisemblablement pas mobilisé (en effet cette classe n’a été mobilisée qu’en partie et était en cours d’instruction au moment de l’offensive allemande).
Dès le 14 mai 1940, de Montcornet à Hirson, de Crécy-sur-Serre à Wassigny, les chars allemands bousculent tout sur leur chemin, non sans combats héroïques d’unités françaises, avant de toucher le Vermandois, le Chaunois, les confins du Laonnois et du Soissonnais puis le Sud du département jusqu’au 13 juin. Les blindés allemands de Gudérian sont devant Laon le 15 mai 1940. La Nordost Linie ou ligne noire (également appelée ligne du Führer), qui passe au sud de Laon est créée le 7 juillet 1940 et fonctionne le 20 juillet. Les « zones réservées » ainsi délimitées sont destinés à devenir des zones de peuplement allemand. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le 7 octobre 1940, à Crouy (Aisne) Jean Guïer épouse Odette Moinet, née le 23 juillet 1921 à Crouy (Aisne). Elle est décédée en 2009 à Brive-la-Gaillarde.
Le couple a un fils : Jean-Pierre, Lucien, qui naît le 5 février 1941, à Crouy (il est décédé en 2012 à Vigeois (Corrèze).
Le 31 août 1941, le commissaire de police de la ville de Soissons transmet au Préfet de l’Aisne, Jean-François Quénette, une « liste de communistes notoires qui seront pris comme otages, par la Kreiskommandantur de Soissons, au cas où des incidents surviendraient dans la Ville ». Neuf soissonnais sont mentionnés dont Jean Guïer, Léon Busarello, Charles Del-Nero, et Emile Maillard. Ce courrier signifie que Jean Guïer est connu comme communiste par les Renseignements généraux français avant guerre.
« Un attentat eut lieu le 29 septembre 1941 à Courmelles contre un factionnaire allemand de garde à la porte de la Standortkommandantur » (poste de commandement local), juste avant le lever du jour. (Jean-Pierre Besse, in Le Maitron).
Jean Guïer est arrêté à Soissons le 29 septembre 1941 par la Feldgendarmerie, dans la rafle des 29 et 30 septembre qui concerne 18 communistes ou présumés tels, rafle opérée en représailles de l’agression de Courmelles (parmi ces militants il y a Léon Busarello, Charles Del-Nero, et Emile Maillard. qui seront comme lui déportés à Auschwitz, ainsi que Roger Raymond).
Dans une lettre datée du 30 septembre 1941, relative à l’arrestation de 18 otages communistes, qu’elle adresse à la Feldkommandantur 602 de Laon, la Feldkommandantur 527 de Soissons indique que les otages Léon Busarello, Charles Del-Nero, Jean-Marie Guier, EmileMaillard et leurs camarades ont été incarcérés à la caserne Charpentier de Soissons (quatre d’entre eux
seront déportés à Auschwitz, deux sont fusillés : Gaston Pinot et Léon Durville).
De la prison de Soissons, Jean Guïer est transféré lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). A Compiègne, il reçoit le matricule « 1601 ». Il figure sur la liste de recensement (décembre 1941) des communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922 «aptes à être déportés à l’Est», en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC) . Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Jean Guïer est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45638 ».
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On trouve le nom de Jean Guïer noté sur le registre de l’infirmerie de Birkenau le 8 janvier 1943. Mais aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date exacte de son décès à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques a fixé celle-ci au 15 novembre 1942 sur la base du témoignage de deux de ses compagnons de déportation. Voir l’article : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz..
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 6
mai 1994, paru au Journal Officiel du 21 juin 1994).
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Soissons (indiqué Jean-Marie).
- Note 1 : Il est né Jean Cordier le 12 juin 1920 à l’hôpital Cochin, 123 boulevard de Port-Royal, Paris (14°), in DAVCC et Ministère de la Défense AC 21 P 460011…. Son nom apparaît bien sur le registre d’état civil et sur la table décennale de l’arrondissement)… Mais le Journal Officiel de 1994 p 08918-08930) le fait naître à Soissons (où son nom est inconnu sur les registres et tables décennales) !
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membresde la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
- « Livre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz » (n° d’ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 150.7.1943.
- Madame Brunet, archives de la ville de Soissons (avril 1990).
- Photo de Jean Guïer, envoi de son petit-fils Bertrand Guïer, in site « Mémoire Vive ».
- © Site Site Internet « Mémorial-GenWeb«
- Site internet Généanet.
- © Lettre de la Feldkommandantur 527 à la FK 602, Mémorial de la Shoah, catalogue.
Notice biographique rédigée en janvier 2011, complétée en 2020 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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